Ondine

Issu du romantisme allemand, le conte d’Ondine est un des plus fascinants qui soient. Aloysius Bertrand (Gaspard de la nuit), Giraudoux, Ravel et Debussy en musique s’en sont emparé, exprimant toute la cruauté de cet attachement impossible. De son univers sombre éclairé de petits miracles, Benjamin Lacombe en pare aujourd’hui la belle histoire originelle.
Il y a de la vie, de l’espoir lorsque le chevalier tombe amoureux d’Ondine, malgré le lourd secret qu’elle porte (esprit des eaux, elle ne pourra jamais posséder une âme à part entière). Il y a même de la passion avec la duchesse Ursule, jalouse impuissante face au bonheur du jeune couple. Puis, insidieusement, Ondine se frustre, s’illusionne en voulant renier sa condition aquatique. L’atmosphère au château devient mortifère lorsque la jeune nymphe, en héroïne tragique, provoque les conditions de sa perte. Et la fin souffle le chaud et le froid sur le lecteur ébloui…
Amour, mort, nature, fantastique : l’intrigue était idéale pour un illustrateur de la trempe de Benjamin Lacombe. S’inspirant très librement du préraphaélisme, il choisit avec finesse sa palette et ses cadres en fonction des évolutions narratives, tantôt apaisant – voir les vieux parents adoptifs d’Ondine, qui vivent dans un petit monde clos et heureux -, tantôt angoissant – un beau jeu de calques simule une Ondine s’enfonçant dans les eaux… La flore trop luxuriante, les ombres nuancées, les longs cheveux roux d’Ondine suggèrent à la fois une sensualité éclatante et une profondeur derrière les apparences. L’image sait parfaitement insinuer : il n’y a qu’à s’arrêter devant le portrait glaçant d’insolente beauté d’Ursule, qui anticipe sa traîtrise alors même que le texte la présente positivement. Sur une disposition dans la page pourtant très classique, l’union se fait donc immédiatement entre les mots et les images.
Féérie tragique, Ondine trouve en fait tout naturellement sa place dans le parcours mi-merveilleux, mi-cruel de Benjamin Lacombe, et cet écrin de superbes (presque intimidantes) peintures épousent avec beaucoup de sens le drame amoureux. N’hésitez pas à plonger dans le sillage de cette nouvelle Ondine !