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Ricochet fait sa valise pour les vacances: 15 suggestions de livres à emporter cet été

Vignette Belle maison
24 juin 2019

C'est l'été! Pour l'occasion, nos chroniqueurs vous proposent une sélection de 15 ouvrages sur le thème des vacances à glisser dans votre valise.


1. Les vacances de Facteur Souris, de Marianne Dubuc, Casterman, 2016
Album, dès 2 ans

C'est les vacances! Facteur Souris regarde, l'œil amusé, son bureau de poste fermé. Fonctionnaire émérite, il continue, sa casquette bleue vissée sur la tête, à livrer ses colis. Mais cette fois-ci, c'est en famille et en visitant du pays. Première halte: la forêt, suivie du bord de mer, d'une croisière et d'une île volcanique... Au fil du périple, le chariot rempli de lettres et de colis se vide. Pour assurer la dernière livraison, la famille de rongeurs flirte avec les nuages.

Joie et bonne humeur sont au rendez-vous de cette histoire de souris globe-trotteuses. Le texte concis suggère plus qu'il ne dit. C'est donc au niveau des illustrations – qui se déploient sur des doubles pages fourmillant de menus détails – que se racontent non pas une histoire mais plusieurs.

Au fil des pages, on change, avec une facilité déconcertante, de continent et de pays. On aperçoit au passage: un dragon fumant au caleçon jaune, un lézard qui habite dans un cactus ou un aspirateur à poissons pour resto cinq étoiles. L'univers coloré, vivant et très varié de Marianne Dubuc s'accorde parfaitement à l'imaginaire foisonnant et libre des enfants. Cette série possède des similitudes avec celle des 4 saisons de Rotraut Susanne Berner. (EP)

Les vacances de Facteur Souris
Illustration intérieure de «Les vacances de Facteur Souris», de Marianne Dubuc (©Casterman)

2. Drôles de vacances!, de Gilad Soffer, Circonflexe, 2016
Album, dès 3 ans

Seul face à la grande bleue, Canard déguste son cornet glacé, assis sur son transat. Il passe des vacances parfaites jusqu'à l'arrivée d'un individu qui tourne les pages. Et là, adieu l'harmonie et bonjour la galère! Désormais, le palmipède (très contrarié) voit son décor changer à chaque page feuilletée. Il se retrouve coincé entre des vacanciers encombrants, un crabe amateur d'orteils et un véritable temps de chien... Son discours change enfin à la vue d'un bateau de pirates.

Beaucoup d'humour et de surprises dans cet album qui, par son procédé narratif, rend le lecteur responsable des vacances gâchées de ce pauvre canard. Evidemment, on se fait un malin plaisir à déranger cet animal moyennement sympathique et peu enclin à vivre en communauté. A la fin, une fois notre héros parti, ce sont les pirates qui intiment au lecteur de laisser le livre ouvert, car leur histoire ne fait que commencer… Les illustrations réalisées aux crayons de couleur traduisent avec talent l'humour mordant bien présent tout au long de ce récit à rebondissements. (EP)

3. A la plage, de Susanna Mattiangeli et Vessela Nikolova, Seuil Jeunesse, 2018
Album, dès 4 ans

On retrouve dans cet album tout l'univers des vacances au bord de la mer. Chaque page réunit plusieurs images aux allures «d'instantanés» qui permettent de faire le tour des plaisirs et désagréments de la plage.

Au cœur de cette balade, une petite fille en maillot de bain qui s'éloigne petit à petit du point familial représenté par un parasol rouge. A travers les yeux de cette fillette qui joue, déambule et détaille sa liste de choses chouettes à faire quand on a un peu de sable sous les pieds, on découvre tout ce qui se passe au bord de l'eau: les tunnels à creuser, les incontournables châteaux de sable, le plaisir de regarder sous l'eau avec un masque, les gens qui profitent du soleil, lisent, dorment, s'observent, et aussi surveillent... On perçoit dans cet album aux nombreuses saynètes pleines de détails tout ce qui fait le charme de la plage, qui apparaît ici comme un théâtre de petits plaisirs et même de soudaines et grosses frayeurs. C'est doux, léger et très juste. (PP)

A la plage
«A la plage», de Susanna Mattiangeli et Vessela Nikolova (©Seuil jeunesse)

4. La mer est ronde, de Sylvie Neeman et Albertine, La Joie de Lire, 2015
Album, dès 4 ans

Un amour naît presque par hasard entre Antonio et Tina. Chacun travaille sur un paquebot mais pas le même: elle fait les chambres sur l'un, lui la cuisine sur l'autre. Lors d'une escale commune aux deux monstres des mers, ils se croisent sur le quai entre les deux bateaux. Au dernier moment, juste avant que les navires n'aient quitté le port, Antonio envoie un avion en papier avec son adresse qui atterrit aux pieds de Tina. Ils s'écrivent, jusqu'au moment où elle ne supporte plus l'absence. Elle veut voir Antonio alors il plie un bateau en papier sur lequel ils se retrouvent.

Le texte de Sylvie Neeman est magnifique, son vocabulaire est sobre et précis, ses phrases simples et pourtant derrière chacune d'entre elles se cache une autre signification plus profonde qui fait réfléchir au sens des choses. C'est un texte à lire à haute voix, à déclamer, à raconter. Les illustrations d'Albertine ne sont pas en reste, elles se rient avec douceur de ces croisières au cours desquelles on a si peu de temps pour visiter les endroits qu'on arrive juste à prendre des photos qu'on regardera une fois de retour à la maison, elles montrent la grandeur de l'océan et celle de l'amour. Tendre et doux, féroce et ironique, voire cynique et optimiste, les adjectifs ne manquent pas pour qualifier la richesse de ce très bel album qui nourrira tous les lecteurs dès 4 ans. (VM)

La mer est ronde
«La mer est ronde», de Sylvie Neeman et Albertine (©La Joie de Lire)

5. La vérité sur mes incroyables vacances, de Davide Cali et Benjamin Chaud, Hélium, 2016
Album, dès 5 ans

La vérité sur mes incroyables vacances est le fruit de la troisième collaboration entre Benjamin Chaud et Davide Cali chez Hélium (après l’excellent Je n'ai pas fait mes devoirs parce que… et le très bon Je suis en retard à l'école parce que...). Les vacances sont au cœur de ce nouveau titre. Cette période est l’occasion de se reposer, d’explorer, de se promener ou de se prendre pour un aventurier. Les vacances sont aussi l’occasion de respirer, de découvrir de nouveaux horizons plus ou moins lointains. Elles peuvent se dérouler en montagne, à la mer, à la campagne ou à la maison...

Pour le héros de La vérité sur mes incroyables vacances, les vacances commencent tranquillement et les pieds dans l’eau, mais cela ne va pas durer! En effet, il découvre une bouteille contenant une carte au trésor et c’est le point de départ de mille péripéties qu’il va rapporter par le menu à sa maîtresse d’école. Presqu’aussitôt après l’avoir trouvée, la carte est subtilisée et l’enfant se lance à sa poursuite. De dérobades en échappées diverses, le héros parcourt le temps, les pays et les espaces pour mieux revenir à son point de départ. Le trésor n’est pas si éloigné du petit garçon mais finira-t-il par le trouver? Pas sûr! Et quand l’enfant demande à sa maîtresse si elle croit son récit, quel est ce petit sourire qu’elle affiche? Quel est son rôle dans cette course-poursuite à la carte au trésor?

La frontière entre le réel et l’imaginaire est mince dans cet album et c’est réjouissant pour l’esprit du lecteur. Les dessins de Benjamin Chaud sont riches de détails et de clins d’œil à des parutions précédentes. Le duo qu’il forme avec Davide Cali fait décidément des merveilles avec cette série d’albums! (GF)

Incroyables vacances
«La vérité sur mes incroyables vacances», de Davide Cali et Benjamin Chaud (©Hélium)

6. Belle maison, d'Anaïs Brunet, Sarbacane, 2017
Album, dès 6 ans

C'est l'été. Noufou et Lise viennent comme chaque année passer les vacances dans une vieille maison en bord de mer. Après s'être installés, ils s'adonnent à leur passion: construire des cabanes, des abris, des châteaux de sable pour la faune variée. Même si Noufou a entrepris une maquette de la maison, les enfants sont davantage des protecteurs que des bâtisseurs. Le soir, fourbus par leur journée chargée, ils s'endorment instantanément.

Voici le résumé de l'histoire d'un point de vue complètement extérieur. Mais l'auteure n'a pas choisi la neutralité et elle fait raconter… la maison elle-même. Engourdie sur ses vieilles pierres, elle se réjouit de son activité estivale. Incapable de surveiller les enfants trop loin sur la plage, elle fait appel à son amie la Tour de l'île. Et la nuit, elle prend des attitudes maternelles avec Lise et Noufou.

Conté au présent du ton de celle qui a tout vu mais n'en apprécie pas moins la jeunesse, dessiné en grand dans une peinture franche aux accents d'éternité, l'album est une petite pépite de philosophie par la fiction.

«Je supporte mal cette immobilité forcée qui me prive de fabuleuses explorations. Un comble pour moi, avec mon tempérament d'aventurière.» (SP)

7. Petit meurtre et menthe à l'eau, de Cécile Chartre, Rouergue, 2016
Roman, dès 8 ans

Philibert passe encore une fois son été dans un coin perdu. Mais cette fois, il a trouvé comment s'occuper et éviter les randonnées: il va garder un chat. Il suffit de suivre les consignes et tout se passera bien. Le jeune adolescent ne se doute pas qu'il commet une grave erreur.

Le plaisir de lecture repose sur de nombreuses attentes des événements et des coups de théâtre imprévus. Philibert, adolescent hautement attachant, est ainsi le narrateur d'un étonnant récit où, en plus des aventures pleines d'humour de son petit boulot, les difficiles relations des familles recomposées apparaissent. Grâce à un comique sans faille et un style bien rythmé, Cécile Chartre propose un roman qui parviendra certainement à captiver le jeune lecteur et à l'amuser durablement. (DM)

8. Les cousins Karlsson (T.1). Espions et fantômes, de Katarina Mazetti, Gaïa éditions et Thierry Magnier, 2013
Roman, dès 9 ans

Julia, Bourdon, Alex et Georges ont entre 9 et 12 ans. Ils sont cousins et vont passer l’été chez Frida, leur tante qui habite l’île aux Grèbes, en Suède. Frida est une artiste quelque peu fantasque, célibataire et sans enfants. Les cousins la connaissent bien peu et redoutent les prochaines semaines mais on ne peut les en blâmer. Leur tante est la seule habitante de l’île et Internet, l’eau chaude, le congélateur et la télé sont inexistants! Rajoutons à cela que Frida ne sait pas faire à manger et qu’elle sculpte d’étranges figures avec de la tôle et de la ficelle…

«(…) vous avez sans doute compris que je n’ai pas vraiment la fibre maternelle et que je ne suis pas du genre à vous organiser les choses, ni à vous préparer des petits plats. Non, il ne faut pas compter sur moi pour ça! 
Tous se mettent à faire des projets. Qu’est-ce qu’ils ont envie de faire? C’est assez inhabituel de ne pas avoir de contraintes. Généralement, ce sont les parents, les profs ou d’autres adultes qui prennent les décisions pour eux.»

Frida a donc donné toute liberté aux quatre cousins, qui vont se retrouver très vite seuls car Frida va s’absenter sur le continent afin de retrouver et arrêter celui qui copie ses œuvres. Heureusement, les enfants sont débrouillards. L’un d’eux, Alex, est passionné de cuisine et prend la chose en main. En ce qui concerne l’occupation des journées, il n’y a aucun temps mort. Les enfants découvrent assez vite qu’ils ne sont sans doute pas les seuls habitants de l’île et ils vont enquêter sur l’identité de ces mystérieux visiteurs!

Espions et fantômes est la première aventure des cousins Karlsson. Celle-ci se lit très agréablement et on y retrouve le charme de la série du Club des 5 (Enid Blyton, Hachette). De fait, l’auteur Katarina Mazetti, célèbre aujourd’hui pour ses romans en littérature générale (citons par exemple Le mec de la tombe d’à côté chez Gaïa), s’est inspirée de ses lectures d’enfant (dont les romans d’Enid Blyton) pour écrire les aventures de ces quatre cousins (et de Chatpardeur, le chat de Bourdon) gourmands et dégourdis. Tous les quatre ne se connaissaient pas jusqu’à cet été-là, ils redoutaient de s’ennuyer et de mourir de faim mais c’est tout le contraire qui va se produire. L’été va filer vitesse grand V et les enfants ont hâte de se retrouver lors de prochaines vacances sur l’île… (GF)

Les cousins Karlsson
(©Gaïa éditions et Thierry Magnier)

9. 42 jours, de Silène Edgar, Castelmore, 2017
Roman, dès 10 ans

Lorsque les parents de Sacha et de Jacob leur annoncent un soir qu’ils partiront un mois en avance en grandes vacances, les deux frères exultent de joie! Sacha, l’aîné de la fratrie, se sent en effet de plus en plus à l’étroit dans leur appartement parisien minuscule ainsi qu’à l’école. La jolie Valentine ne lui adresse plus la parole depuis quelques jours et le jeune garçon de douze ans se voit très régulièrement sujet de moqueries et affublé du sobriquet de «rat», sobriquet qu’il supporte d’autant moins qu’il n’en comprend pas la cause.

La joie de la nouvelle du départ en vacances s’estompe toutefois quelque peu chez les deux jeunes enfants lorsqu’ils comprennent qu’ils devront voyager seuls pour se rendre dans le manoir breton de l’oncle Jean, pendant que leurs parents se dirigeront, eux, vers Toulouse. Ces derniers ont trouvé non loin de là du travail pour trois mois en tant que artisans doreurs. C’est la raison pour laquelle les parents de Jacob et de Sacha ne laissent pas le choix à leurs enfants: l’oncle Jean les attend, ces vacances en bord de mer sont une véritable aubaine!

La pension de l’oncle Jean que les deux frères ont eu le temps d’imaginer durant leur voyage en train ne correspond pas exactement à ce qu’ils découvrent à leur arrivée. En guise de colonie de vacances, les enfants découvrent un groupe d’adultes aux comportements et aux noms pour le moins excentriques. L’une des pensionnaires se présente ainsi sous le nom de Earl Grey, une autre sous l’identité de Nefertiti. Louis XIV déambule quant à lui dans les couloirs du manoir aux côtés de Victor Hugo au grand étonnement des deux enfants! Et s’il n’y avait que les occupants de cette drôle de pension qui intriguaient Jacob! Afin de satisfaire sa curiosité, le jeune garçon s’est mis en tête d’explorer le grenier de l’imposante bâtisse malgré les interdictions formelles et renouvelées de Jean. Ce qu’il découvre dès lors entraînera le jeune garçon dans des aventures qui changeront le cours de sa vie…

Difficile de résumer ce roman sans déflorer les nombreux rebondissements sur lesquels il est construit. Sachez néanmoins que ce récit initiatique nous emporte dans cette période trouble de l’Occupation française et que les rencontres que Sacha sera amené à faire lors de son périple bouleverseront à jamais son enfance. Au fil du récit, face aux vicissitudes du quotidien d’un enfant caché en 1942, le jeune garçon devra en effet troquer sa naïveté d’enfant contre la générosité et le courage d’un jeune adulte. Cette naïveté, cette innocence perdues, le lecteur en prend pleine conscience soudainement au chapitre 20 du roman, lequel est un véritable tournant dans l’histoire personnelle de Sacha. Jusque-là le lecteur se faisait bercer par le récit des aventures et des découvertes de deux frères en vacances loin de chez eux dans un présent qui aurait très bien pu être le nôtre. Ce chapitre 20 nous embarque tout à coup en 1942, dans les heures sombres de l’Histoire française. Les effets de surprise, ces failles ou passerelles temporelles entre le passé et le présent ont contribué à faire le succès des ouvrages de Silène Edgar (et notamment du roman 14-14), qui, avec émotion, psychologie et pédagogie, sait pertinemment susciter empathie et curiosité chez ses lecteurs. Les personnages mis en scène apparaissent d’autant plus touchants dans ce livre qu’ils sont criants de vraisemblance. Les photos d’époque illustrant le roman participent précisément à les rendre «authentiques» et proches de nous.

Il est fort à parier que ce roman rencontrera le succès qu’il mérite tant le sujet est traité avec sensibilité, intelligence et force imagination.

Dernier point fort de cet ouvrage: ce roman de Silène Edgar est publié en format moyen et en version «Dys», comme le stipule la pastille autocollante se trouvant sur la première de couverture du livre. Le fait que la typographie de ce roman soit spécialement adaptée aux lecteurs dyslexiques et que le texte ne soit pas justifié rend la lecture réellement accessible et confortable à tous. (HD)

10. La montagne noire, de Maria Jalibert et Anne Laval, Didier Jeunesse, 2018
Roman, dès 10 ans

Recueilli par son oncle et sa tante au décès de ses parents, Rémi n’est plus que l’ombre de lui-même, se renfermant davantage dans sa tristesse. Sa famille décide de l'inscrire dans un camp d’été afin de l’aider à sortir de son mutisme. Malgré les protestations de Rémi, le voilà parti pour la Montagne Noire. Le garçon se lie peu aux autres, au point de se faire oublier par le groupe lors d’une excursion. Rémi se retrouve alors seul dans cette forêt inquiétante et mystérieuse. La rencontre avec la jeune Sonia et son cheval Daisy changera alors le cours de l’histoire.

Histoire aux tonalités fantastiques, La montagne noire, le premier roman de Maria Jalibert, dont la trame se tisse à travers le regard de Rémi, nous emporte dès les premières pages. Son personnage, en plein deuil, est émouvant par sa souffrance muette, par ses tentatives maladroites de s’ouvrir aux autres enfants du camp. Suivant le cadre du récit initiatique, l’auteure plonge son héros dans une quête de soi, l’obligeant à renaître à la vie pour affronter l’hostilité de la nature. Une nature source de survie mais également d’angoisse.

Réalisée par Anne Laval, l'illustration de couverture, particulièrement belle, met en évidence, par des couleurs primaires et des formes nettes, ce duo de protagonistes entouré d'une végétation impressionnante, avec la Montagne Noire à l’arrière-plan, telle une présence funeste menaçante.

Un livre très bien écrit, plein de suspense, qui touche aux thématiques du deuil, de la solitude ainsi que de la découverte de nos forces intérieures qui n’attendent que d’être révélées. (NT)

La montagne noire
(©Didier jeunesse)

11. Un été de poésie, d'amour et de vie, de Bernard Friot, Milan, 2018
Roman, dès 11 ans

Un été, Kevin, qui s’est cassé la jambe et passe les vacances chez sa grand-mère et Marion, obligée d’aller au centre aéré pendant que sa mère travaille, se trouvent dans un même atelier, celui «des activités d’intérieur». Sous cet intitulé surprenant – qui n’enthousiasme ni Kev, ni Marion – Simon, écrivain et animateur, va initier un petit groupe d’adolescents à la poésie.

Voici donc l’été, la poésie et, entre Kev et Marion, petit à petit, pas à pas, l’amour. Sous le troisième terme, «la vie», se dissimule la mort, pourtant très présente. On sait dès le début que la grand-mère de Marion hospitalisée ne reviendra pas. Quant à Kevin, on apprend aussi la mort de sa mère.

Bernard Friot fait vivre ses personnages avec infiniment de tendresse et de délicatesse: Marion, rebelle et rétive à la poésie; Kev, encombré par ses béquilles; les autres ados, un peu effacés qui forment un arrière-plan dynamique, le chœur des émotions et des essais tentés lors de ces vacances.

Le roman se présente comme l’alternance d’ateliers et d’interludes. Dans les premiers, Simon développe tout un art d’écrire. Chacun des dix ateliers met en scène une situation de découverte proposée aux enfants par le grand pédagogue qu’est Simon. Dans les interludes, l’auteur fait avancer l’intrigue: il décrit les rejets de Marion, son mauvais caractère, les épisodes de rapprochement entre les deux héros et leur apprentissage de la vie.

Tantôt en jeux d’écriture, tantôt en réflexion sur la lecture et le partage, tout l’objectif de l’auteur est de convaincre qu’il y a une respiration vitale entre ce que l’on reçoit des poètes, ce que chacun vit au plus intime de l’expérience individuelle et ce que chacun peut écrire, offrir. Au-delà du loisir, c’est une expérience existentielle que vivent les enfants. Comme toujours dans les écrits de Bernard Friot, la modestie des conditions, la quotidienneté des situations sont sublimées par l’humour, le travail, la conviction qu’il y a de la magie dans le langage pour transformer le réel. Qui appliquera, pas à pas, les ateliers mis en mots ici ne deviendra pas poète mais expérimentera un pouvoir formidable, celui de trouver sa voix. Eluard écrivait «la mort l’amour la vie», substituer la poésie à la mort, belle leçon de vie! (DB)

12. Une balançoire pour deux, de Nanci Turner Steveson, Pocket jeunesse, 2017
Roman, dès 11 ans

Annabel, douze ans, a développé des angoisses au contact d'une mère étouffante. Cet été, le psychologue lui a donc prescrit une bonne dose de liberté! La jeune fille en profite pour explorer son environnement campagnard. Elle fait la connaissance de California, fantasque et obstinée, en long séjour chez son grand-père. California (en fait Catherine) entraîne Annie (le nouveau nom que se choisit Annabel) à la recherche de deux poneys qui seraient susceptibles selon elle de faire revenir sa mère à la maison. Parfois fatiguée mais au fond bien contente de suivre les brins de folie de California, Annie ne se doute pas du lourd secret de sa nouvelle amie.

Raconté par Annie, le livre vibre d'émotions fines. On y suit d'abord un quotidien de vacances, entre la famille fortunée d'Annie et celle plus terrienne de California. C'est très plaisant, de la tarte au citron meringuée à l'élevage de poules, et le lecteur se laisse volontiers emporter. Mais entre les lignes, les deux filles souffrent de leur famille compliquée. Pendant la quasi-totalité du récit, on pense que California soutient Annie, l'aide à prendre son envol loin de sa mère. Les dernières pages renversent alors toute la proposition, mettant California au centre dramatique de l'attention et donnant à saisir à Annie que rien ne remplace des proches qui vous aiment. Difficile d'en dire plus sans en dire trop: un beau roman d'amitié et de courage à ne pas manquer. (SP)

13. L'été de Summerlost, d'Ally Condie, Gallimard jeunesse, 2017
Roman, dès 12 ans

Cedar, douze ans, a perdu son père et son petit frère dans un accident de voiture. C'était il y a un an, et le reste de la famille – Cedar, sa mère et son autre frère – ne s'en remettent pas vraiment. Ils achètent une maison à Iron Creek pour y passer les étés. Cedar se fait alors embaucher sur le festival de théâtre Summerlost. Elle devient amie avec Ben, qui lui fait connaître l'existence de la comédienne Lisette Chamberlain. Enfant de la ville, cette dernière a connu un petit succès avant de décéder brutalement. Sans le dire à personne, Ben et Cedar organisent des circuits de visite autour de la vie de Lisette afin de gagner un peu d'argent. En effet, Ben, fou de théâtre, économise pour assister à la représentation d'un acteur célèbre en Angleterre.

C'est le récit d'une pré-adolescente hypersensible à un moment très douloureux. Tout en agissant comme les jeunes filles de son âge, avec des activités estivales, des amis ou du moins un ami, Cedar ne cesse de penser à son père et son frère disparus. Leur absence hante les pages du livre, et les réflexions abruptes de Cedar sont percutantes, poignantes. L'appropriation du parcours trop court de Lisette ainsi que le suivi assidu d'une série télévisée où une jeune femme est enterrée vivante deviennent alors des moyens contournés de vivre un deuil pénible. De même, la mère s'essaie à construire une grande terrasse comme son époux aurait pu le faire… jusqu'à ce qu'un arbre s'effondre dessus. Ally Condie réalise un très beau livre sur la disparition, avec le théâtre et ses drames (shakespeariens) en fond magnifique. Garni d'une foule de détails symboliques et pourtant naturels, captivant pour tous par le biais de l'enquête sur Lisette, il se lit aisément dès 12 ans.

«On ne sait tout simplement pas. Certaines choses disparaissent pour de bon. On ne peut pas les retrouver. On ne peut pas savoir ce qui s'est passé. Jamais.» (p. 99) (SP)

L'été de Summerlost
(©Gallimard jeunesse)

14. Bonjour tristesse, de Françoise Sagan et Frédéric Rébéna, Rue de Sèvres, 2018
Bande dessinée, dès 14 ans

Anne, Cécile, Elsa, trois femmes pour un seul homme, Raymond, père de Cécile, amant des deux autres. Quatre personnages élégants dans l’univers ensoleillé et riche d’une riviera mal définie habitent ce récit de Françoise Sagan mis ici en texte et en images par Frédéric Rébéna. Cécile, 17 ans, orpheline de mère, passe ses vacances avec son père. C’est un bonheur que ne trouble pas la présence d’Elsa qu’elle juge inoffensive. Mais lorsqu’elle apprend que son père a invité Anne, belle femme, ancienne amie de sa mère défunte, elle comprend tout de suite que sa présence va mettre en péril le couple père-fille dont elle rêve.

La bande dessinée rend bien l’inconscience ou la perversité de Cécile. La jeune fille raconte, à la fois très impliquée et en voix off, les événements qu’elle a manipulés et qui la dépassent. Cette duplicité et cette fraîcheur du personnage la placent du côté des héroïnes tragiques, innocentes et coupables. Elle joue à l’amour comme avant elle jouait à la poupée, Cyril, son flirt, et Elsa sont, d’une certaine façon, ses jouets mi-consentants, mi-complices. La bande dessinée offre une véritable relecture du roman de Françoise Sagan. Les points de vue sur l’héroïne alanguie, les gros plans sur son visage, la mise en scène de la voiture rouge qui file dans les virages de la Côte d’azur, en début de récit et en conclusion, créent une tension cinématographique très dynamique. L’histoire comme une partie de billard passe d’un personnage à un autre dont nous saisissons les visages. Le regard du lecteur s’accroche aux architectures, aux détails des années 60 et au risque de certains poncifs, cette bande dessinée associe de façon nerveuse et convaincante le récit à la fois très daté et intemporel. Un film découpé avec des flash-back, des accélérations, une maîtrise qui réactualise le roman originel pour les adolescents d’aujourd’hui. (DB)

15. Souvenirs de la mer assoupie, de Shin’ya Komatsu, Editions IMHO, 2018
Manga, dès 10 ans

Feuilles de chaîne. Episode 2: Souvenirs de la mer assoupie, de Shin’ya Komatsu (Imho, 2018)

 


Les rédactrices: Danielle Bertrand (DB), Hélène Dargagnon (HD), Gaëlle Farre (GF), Valérie Meylan (VM), Déborah Mirabel (DM), Emmanuelle Pelot (EP), Sophie Pilaire (SP), Pascale Pineau (PP), Nicole Tharin (NT)

Chronique filmée: Le cahier de lecture de Nathan


Image de vignette: illustration intérieure de Belle maison, d'Anaïs Brunet (©Sarbacane).