Tout d'un loup

Un chien, crocs apparents, oreilles pointues dressées, yeux bleus, nous regarde fixement derrière un grillage. Il s’exprime à la première personne, au passé « j’avais les oreilles droites », il entend aussi ce qu’on dit de lui « tout d’un loup, disaient les gens ». Ce regard tendu, ce passé disent d’entrée que nous allons vivre une autobiographie, un basculement. On pense à L'œil du loup de Daniel Pennac, à Enchaîné de Sara ou même à la fable de Jean de La Fontaine , Le loup et le chien, dans cette hésitation fondamentale entre liberté et esclavage, domestique ou sauvage, aimé ou rejeté.

Le graphisme noir et blanc d’Antoine Guillopé qui découpe l’espace, le strie comme le hurlement de désespoir le soir, dit cette opposition binaire tout juste démentie par le bleu des yeux. On retrouve notre chien-loup enfermé au « fond d’un vieux chenil », abattu, exclu de la communauté des chiens-chiens et des hommes, les yeux fermés, le dos rond ou hurlant de solitude dans la ville. C’est alors qu’arrive le berger, le bon pasteur, celui qui guide les brebis et sépare le bon grain de l’ivraie. « Me voilà devenu le bon chien que j’étais » Point final.

Au lecteur d’apprécier, sur la pente douce de la montagne, découpées, les silhouettes noires et blanches du berger qui dort dans l’herbe au-dessus du chien qui veille les moutons, dans la nuit étoilée ! A chacun d’y voir une histoire animalière, un conte, une parabole… Quoi qu’il en soit un bel album de Géraldine Elschner, efficace, bien narré, bien illustré dans le style percutant et très reconnaissable d’Antoine Guillopé.