Les lettres du rêve

Une belle initiative que cette collection, dont Le Rêve est le second titre après Le Jardin. C’est un projet éditorial multi-facettes, un écrin qui s’ouvre sur un foisonnement coloré, qui revêt la poésie d’un costume de fantaisie, bariolé comme celui d’un Arlequin, minutieusement assemblé par le texte.

Qu’on juge plutôt : il s’agit d’initier le lecteur, la lectrice, à la composition lexicale en arabe, où « les mots d’une même famille sont construits autour de trois lettres, comme une structure commune, une racine. » L’idée est donc d’explorer les signes, et ils sont donc d’abord présentés. Sur le premier rabat sur le même fond jaune d’or que la couverture, qui se déplie, à gauche les lettres H.L.M de la racine en arabe serpentent vers sept mots qui les utilisent. À droite, un tableau de lettres calligraphiées avec des indications de prononciation. Sur le dernier rabat, les correspondances entre l’alphabet du français et celui de l’arabe.

Comme le recueil, bilingue, peut se lire de gauche à droite ou de droite à gauche, la structure s’organise sur cette modalité, on trouve ainsi un poème de Raphaëlle Frier à chaque « bout » du livre, en français et en arabe, poèmes joliment mis en musique et chantés sur le site des éditions Le port a jauni (Le site propose ainsi plusieurs mises en voix de titres variés, en libre accès. Initiative très intéressante pour « entendre » la langue, et faire résonner les textes.) toujours dans les deux langues. Les illustrations de Kam déclinent ensuite, à la manière d’un dictionnaire illustré, les mots choisis : rêve, patience, mais aussi puberté, mamelon, papilles gustatives, des éléments communs à l’expérience de vie de la naissance à l’adolescence au moins. Chaque interprétation de Kam, vivement colorée et composée sur une grille de formes géométriques bousculées par des surgissements inattendus, s’attache au sens, mais le dépasse aussi pour entraîner le lecteur justement dans le monde du rêve. Elles sont rassemblées dans une double page centrale comme une affichette, susceptible d’être détachée du livre peut-être, mais qui rappelle surtout la forme de l’imagier qui aide à fixer l’image du mot. Un projet esthétique, poétique et plein de vie !