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Date de publication
Age-cible

Rita, New York, 1964

Sélection des rédacteurs
Unni Nielsen
Jean-Baptiste Coursaud
Roman
à partir de 14 ans
: 2841568989
11.50
euros

L'avis de Ricochet

Rita, jeune norvégienne de 18 ans, travaille comme télégraphiste à bord de l’Albion, un bateau marchand qui parcourt la « route de la banane ». Elle constate avec amertume les injustices politiques qui ont lieu en Amérique Latine et affiche dans la salle des radios les portraits du Che, de Fidel, de Sandino. Une fois le bateau arrivé à New York, Rita s’installe à la Maison des marins norvégiens, à Brooklyn, en attendant une nouvelle mission. Le jour de la fête nationale de son pays natal, elle le fête à l’église norvégienne, où elle rencontre cinq amis accordéonistes, norvégiens de Brooklyn. Elle suit Lars, Tore, Erik, Paul et Ove au cinéma, et termine la soirée dans l’appartement et les bras de Ove. Tous ensemble, ils visitent l’exposition universelle, jouent au bowling ; Rita ne se présente plus au bureau pour trouver une nouvelle mission et s’installe chez Ove. Leurs jours s’emplissent d’amour et de musique, la « Toccate et fugue en ré mineur » résonne sur le toit de Brooklyn. « Nous sommes à New en 1964 et la roue de la loterie se met à tourner de plus en plus vite (…) Paul et Ove font partie de mille premiers jeunes hommes de dix-neuf ans à être appelés pour effectuer leur service militaire au Vietnam. Bingo ! » Rita trouve un emploi de journaliste et attend Ove, en sentant grandir un secret au creux de son ventre. Lars est étudiant et se forge une conscience politique. Après de nombreuses conversations, tous deux se rapprochent. Ove meurt au combat, et Lars et Rita s’accrochent l’un à l’autre, restant debout grâce à la naissance de la fille de Rita et Ove, Jenny, et grâce à l’herbe qu’ils fument sur le toit de Brooklyn. En 1965, Malcolm X est assassiné, de nombreuses émeutes éclatent. Rita, Lars, Erik et Jenny participent aux manifestations organisées par Martin Luther King. Lars et Rita s’enlisent dans une relation gangrenée par la mort d’Ove. Le Vietnam n’en finit pas. Un jour, les autorités demandent à Rita de quitter le territoire américain.

Ce roman marque par sa densité. On y rencontre de nombreux personnages dotés d’une véritable profondeur psychologique, dont on suit les pas de 1963 à 1967. De l’insouciance et du rêve américain aux rizières bombardées au napalm ou aux émeutes raciales, l’Histoire des Etats-Unis est grave à cette période. Chacun des personnages évolue dans ce contexte, s’engage pour la paix, la guerre, l’égalité des droits, ou choisit l’exil. Leurs histoires personnelles (amour, amitié, famille) s’imbriquent dans un conflit mondial. Martin Luther King, Malcolm X, les Beatles, Mohamed Ali participent à l’Histoire, modifiant par leurs actes le cours des choses.

L’écriture est très réaliste, notamment grâce à des descriptions faisant appel à tous nos sens : la vue du toit de Brooklyn, le son de la Toccate et fugue en ré mineur, l’odeur d’herbe… Le toit est un point de chute pour ces personnages, il est témoin de l’amour entre Rita et Ove puis Rita et Lars, de discussions sans fin sur la situation politique, des permissions qu’Erik passe à se défoncer. De là-haut, ils voient tout et sont protégés du monde.
L’écriture est empreinte de ressassement, répétition de dates, de lieux, de phrases ou de paroles de chansons. Cela donne une impression de tourner en rond, d’une situation inextricable, ainsi qu’un véritable ancrage historique.

Le style est sobre et réaliste, mais aussi riche d’une vraie poésie, notamment grâce à cette écriture du ressassement.
Un portrait bouleversant de l’Amérique des années 60, porté par des personnages riches et une écriture qui reflète le chaos de l’époque. Cette période est peu évoquée dans la littérature de jeunesse, et pourtant on prend ici conscience à quel point ces quelques années ont changé la face du monde.
Une lecture plus qu’indispensable à partir du lycée, pour sa richesse narrative, historique et humaine.

Cécile Gaultier




En 1964, Rita, jeune Norvégienne de dix-huit ans, arrive à New-York. Le rêve américain se déroule à ses pieds. Elle rencontre Ove, emménage avec lui à Brooklyn. Et quand Ove doit partir au Viet-Nam, Rita est enceinte. Elle n’ose pas le lui dire, attend, attend trop longtemps… Seule, que va-t-elle devenir avec sa petite Jenny ?
Unni Nielsen s’est souvenu de sa propre adolescence pour écrire ce livre, une chronique des années 1960, celles de tous les possibles mais aussi celles de nombreux désenchantements : guerre du Viet-Nam, ségrégation contre les Noirs… N’ayant aucune attache familiale, Rita vit dans la communauté norvégienne sans avoir à subir le poids des traditions, elle est libre. Mais Ove et ses amis ont eux du mal à s’affranchir des désirs de leurs parents : n’est pas bohème qui veut, même à cette époque. L’écriture très originale d’Unni Nielsen, faite de faits objectifs, construite sur des phrases, des paragraphes assez courts et un système de progression par répétitions, donne l’impression d’un temps lent, fait autant d’attente que d’effervescence. Suivie par un narrateur externe, la jeune héroïne semble survoler sa vie, se laisser porter par les événements -ainsi sa grossesse qu’elle accueille sans affects extrêmes - jusqu’à une décision finale radicale (et finalement peu encourageante ?). Ce sont donc des années toutes en nuances, assez loin du mythe qu’on peut s’en faire et certainement assez proches de la réalité, que l’auteur nous présente. Avec simplicité et sincérité, une jeunesse un brin nostalgique passe dans ce beau roman à vocation universelle.

Sophie Pilaire