Ouvre la porte

Un facteur porte du courrier à la concierge d’un immeuble. Il est frappé par le bruit qui règne. La concierge s’excuse, elle n’a rien entendu à cause de son aspirateur. Le facteur a un bec et un gros œil rond, c’est un oiseau ; la concierge Madame Sétout est une biquette : on est dans l’univers de la fantaisie mais rôles et situations vraisemblables parleront aux enfants.
En effet, tous deux vont partir à la recherche des fauteurs de trouble et grimper les étages, visiter les résidents en compagnie des jeunes lecteurs pour découvrir avec eux les occupations des habitants. Avec le plus grand naturel, lorsque Mme Sétout et le facteur frappent à la porte, l’occupant les invite à entrer et à pousser la porte de sorte que l’enfant va découvrir l’intérieur de chaque personne. On s’immisce ainsi chez M. Sonor qui ronfle. Mme Bazar débordée par ses six enfants n’y est pour rien ni M. Larpège, le musicien. Mme Fleurette, mère attentive, déplore le bruit qui réveille son petit et M. Ronchon, capitaine à la retraite, ronchonne. Madame Tutu, la danseuse est bien plus silencieuse. Qui alors ? La dernière double page apporte la réponse. Dans le grenier du septième étage… !

Une mise en scène très fine associe le jeu sur les noms des habitants, leurs occupations, leurs intérieurs. Ainsi l’ordre qui règne chez Monsieur Larpège, ferait sûrement envie à Madame Bazar ! Le séjour de Monsieur Ronchon est fait de télévision et de marines, c’est un ancien capitaine. Celui de Madame Fleurette respire l’éducation bienveillante : lit d’enfant, tapis d’éveil et mobile musical, sans oublier le bavoir et le gobelet. Les jeunes enfants prendront un vrai plaisir à explorer ces mondes différents aux couleurs vives et aux personnages avenants. Ce plaisir voyeur de pousser la porte pour savoir « comment c’est chez les autres » et que la bienséance interdit, est ici autorisé parce qu’il répond à une nécessité narrative : d’où vient ce bruit ?
Chaque saynète est écrite avec efficacité entre répétition et variation. Madame Sétout monte au premier étage, au second jusqu’au septième. Elle sonne chez… le nom de l’occupant est annoncé. Un dialogue s’engage et le bruit croît au fur et à mesure de la progression avec des onomatopées qui enflent, d’abord ZIM BOUM BOUM ! puis ZIM BOUM BOUM PAF jusqu’à ZIM BOUM BOUM CLONG BOUM ZIM BOUM BOUM PAF ! On imagine les jeux associés à cette inflation sonore. Et à chaque fois, le livre interpelle le lecteur « Psst ! ouvre la porte et jette un œil chez…. ! ». Ce n’est pas l’immeuble de Pérec ou l’immeuble Yacoubian mais il y a en gestation, toutes les variations narratives à découvrir plus tard.

Un vrai livre jeu riche de possibilités, joyeux et déluré.