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Date de publication
Age-cible

Les magiciens

Sélection des rédacteurs
Album
à partir de 9 ans
: 9782492768163
23.90
euros

L'avis de Ricochet

« Attention Mesdames et Messieurs… ! » Comme dans la chanson, la couverture éclatante de ce gros livre et son titre en panneau de parc d’attraction ou de chapiteau de cirque nous interpellent vivement : le dragon chinois de la couverture roule ses yeux furibonds et crache même quelques flammes semble-t-il, mais autour de lui, pourtant, les silhouettes enfantines ne semblent pas impressionnées. De quoi s’agit-il alors ?

L’ouvrage s’ouvre comme un coffret, sur des contreplats où trois figures sont déclinées à l’infini, tel un jeu de cartes, et ne se dévoile qu’après qu’on a soulevé quelques feuillets dorés, marqués par le temps, ou l’attente, une toile d’araignée qui veille dans un angle. Devant le lecteur roulent alors trois objets ronds, mystérieux. Une inspiration et le titre apparaît, celui du premier chapitre : « Il était une fois, encore… »

Blexbolex a décidé d’écrire un conte, oui, mais d’un nouveau genre, moderne et nostalgique, baroque et futuriste, moral et dérangeant : on n’en finirait pas d’énumérer les qualificatifs antithétiques pour cette œuvre stupéfiante. Les magiciens en sont les héros, plutôt que les facilitateurs. Cachés dans la théière ou sous la vitre d’un tableau, ils émergent tout à coup, tel le génie de la lampe, et entendent bien eux aussi faire ce qui leur plaît. La fripouille, le tourmenteur et la fine mouche n’ont personne à sauver, si ce n’est eux-mêmes, autant dire qu’ils ne sont pas forcément au service du bien. Champions de la métamorphose, ils peuvent aussi traverser le miroir en déchirant la page et fuir « Dehors », dans un monde parallèle, la chasseresse qui les poursuit. Jolie silhouette à l’allure steampunk, toute de noir vêtue, avec sa grande queue de cheval, juchée sur le Mâchefer, sa monture et son compagnon, elle se prénomme Aïsha et l’on découvrira avec elle que les ennemis ne sont pas toujours ceux que l’on imagine.

L’illustration comme le texte, imprimé dans un bleu très doux à l’œil, obéissent à une mise en forme unique, calibrée, qui rythme la narration, sans à-coups, avec un cadre clair mettant en valeur la représentation. Une certaine délicatesse est nécessaire pour tourner les pages constituées de feuillets doubles comme dans les livres d’autrefois – mais qu’il ne sert à rien de déchirer ici, même s’ils en constituent en soi la suggestion : s’il n’y a « rien » au verso interne des pages, cela n’en reste pas moins un espace pour l’imagination. Le papier fin et doux, qui rappelle le papier « bible », est une invitation à la découverte patiente, à la lecture attentive. Les jeunes lecteurs y seront sensibles, eux que les livres cartonnés ou le papier ordinaire des mangas n’habituent pas à la considération envers l’objet-livre.

Au conte « de fées », Blexbolex substitue un conte moderniste, inspiré de l’univers du cinéma américain, des comics et des mangas jusque dans les couleurs acidulées qui rappellent les revues de bandes dessinées des années 1940-50, jusque dans la facture de l’image qui semble imprimée en xylographie, avec ses strates de couleurs qui s’imprègnent les unes des autres, et créent des univers improbables, dont le caractère illusoire est amplifié par le texte : une « plaine d’or où des montagnes meringues dégoulinent d’un coulis de cassis sur leurs flancs de glace à la menthe », des jardins qui se transforment en jungles, des maisons que l’on adapte en un clin d'œil aux locataires du moment. Des mondes flottants évocateurs de la fantaisie des rêves.

Les personnages, leurs caractères, sont également issus de ces multiples croisements culturels, mais leur allure en réfère à un passé de l’illustration qui donne à leur dimension magique une facette d’enfance éternelle, à la manière de Peter Pan.

Dans cet attachement à la culture du conte qui nous échappe, même si ses agents luttent pour survivre, c’est en toute connaissance de cause que Blexbolex privilégie le dynamisme et l’action du récit d’aventure : d’un monde au suivant, d’une époque à une autre, d’épreuve en épreuve, les héros ne gagnent pas toujours, la chasseresse poursuit les magiciens, guerrière déchaînée contre une armée de soldats de plomb sans visage, intéressante réminiscence du constructivisme russe, qui fait quand même tonner les canons dans la plaine. Vengeresse, elle traque les fugitifs, les vise en bandant son arc et les réduit l’un après l’autre à sa merci. La dernière s’enfuit métamorphosée en biche, ultime évocation des contes traditionnels, et s’évanouit en délivrant une prédiction. Autour d’Aïsha ensuite, le cadre disparaît, le texte disparaît, l'ancien monde s’écroule en quatre pleines pages tonitruantes de couleurs chavirées et de formes qui s’effacent. Pas de paroles inutiles à la fin du monde.

La chasseresse s’enfuit à son tour, dans un aéroplane, et le lecteur passe lentement dans un monde plus contemporain par la grâce d’un TGV filant dans la campagne déserte…

Blexbolex prend alors sa plume futuriste pour peindre un monde suspendu, de tours aveugles et de passerelles, où le gris du béton a vaincu la végétation. Face à un Mage manipulateur, incarnant le pouvoir absolu, Aïsha non plus ne résistera pas longtemps. Et le temps passera… encore. Mais la magie ne s’anéantit jamais complètement, Blexbolex reforme la boucle du conte en la ressuscitant, et dans le même élan, en maître du récit d’aventure, il crée une fin ouverte : l’ex Poucette à la main verte utilisera ses derniers pouvoirs pour aider l’ancienne chasseresse, Mononoké brisée, à retrouver jeunesse et vaillance, afin qu’elle reparte sauver le monde avec son cher Mâchefer : car elle est Aïsha, « celle qui vivra » !

Alors le livre merveilleux se referme sur quatre feuillets dorés illustrant les ultimes métamorphoses. Comme au théâtre, quand le rideau se ferme, les comédiens viennent saluer : ils s’alignent tout au long de la couverture dépliée pour le plaisir du lecteur qui dès lors les reconnaît et connaît leur histoire. Une très, très belle fantasy que nous offre là Blexbolex.

Présentation par l'éditeur

Il est une fois trois magiciens qui se réveillent un jour dans une maison abandonnée. Dès lors, ils sont traqués sans répit par la redoutable Chasseresse et son compagnon le Mâchefer ! Les pouvoirs et l’imagination des magiciens leur permettront-ils de vaincre leurs ennemis ?


Dans cette histoire, la magie c’est l’enfance, elle est incarnée par les magiciens qui sont les instigateurs d’une

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