Le citronnier

Elle, c’est une petite fille, née au milieu de la guerre, au mauvais moment, au mauvais endroit. Une petite fille dont on ne connaîtra pas le nom, une petite fille universelle. « Andá hija mía, andá, lejos », répète sa mère (ce qui veut dire en espagnol : « Allez ma fille, va ! »), tandis qu’une résistance secrète s'organise dans l’obscurité de la cave. Alors Elle s’en va, se réfugier en haut du citronnier où s’envolent ses pensées. Mais même en grimpant sur la plus haute des branches, on entend encore les bruits de la guerre, les cris et les fusillades. Alors bientôt au pied de l’arbre, c’est une rivière de larmes qui coule et emporte les corps sans vie.

Ce récit poignant, publié par les éditions québécoises D’eux, a été écrit par l’autrice argentine Ilia Castro. La guerre y est vue à hauteur d’enfant, à la fois terrifiante et définitivement incompréhensible. Seul horizon dans ce chaos absurde, le citronnier, royaume de l’innocence, incarne à lui seul tous les espoirs.

Les dessins de Barroux, illustrateur talentueux et prolifique, cultivent les contrastes avec force : à la violence de la guerre, évoquée à coup d’ombres et de noirs intenses où se mêlent quelques tâches rouge sang, s’opposent les jaunes lumineux jaillis du citronnier ou de la cave où se sont retranchés ceux qui refusent de céder à la barbarie.

Si le thème de ce récit est sombre, la langue, à la fois poétique et imagée, laisse toujours entrevoir la possibilité d’un avenir meilleur. Tout au long de l’ouvrage, depuis le premier cri du bébé venu au monde, plus fort que les bruits de la guerre, jusqu’au torrent salvateur qui vient envahir les dernières pages, la vie triomphe, placée sous le signe d’une nuée d’oiseaux blancs. Un album grave donc, mais résolument optimiste.