L’abeille de Saint-Simon

Dans la petite collection Philonimo qu’elle a créée en 2020 aux éditions 3œil, l’autrice Alice Brière-Haquet poursuit son tour d’horizon des animaux célèbres de la philosophie et s’arrête cette fois sur l’abeille de Saint-Simon. L’ouvrage s’inspire d’une parabole énoncée par ce philosophe issu des lumières et déjà annonciateur de la Révolution industrielle. En 1819, époque de la Restauration monarchique, il publie dans L’Organisateur sa vision de la société, opposant les forces créatives (savants, ingénieurs, mécaniciens, etc.) aux élites oisives comparées à des frelons dont la principale occupation serait de gouverner en « prélevant leur part de miel » sur les abeilles industrieuses.

Avec un texte minimaliste, Alice Brière-Haquet pose ainsi le décor, séparant le monde en deux : d’un côté « les abeilles », de l’autre « les frelons ». « Les frelons gouvernent et savent faire la guerre », certes, « mais que serait un monde sans abeille ? » interroge l’autrice en apportant dans la foulée la réponse : ce serait « un monde sans miel », « sans  graines » et donc « sans arbre et sans air ». Moralité : « Ceux qui semblent les plus puissants ne sont pas toujours les plus importants ».

Pour illustrer ce texte, Mai Li Bernard a choisi sans surprise comme base visuelle la couleur jaune d’or en travaillant avec des gommettes, un procédé qu’elle a déjà eu l’occasion d’expérimenter (La fête foraine des archi-gommettes, Amaterra, 2018). Au rond noir de l’abeille butineuse occupée à produire le miel s’oppose le triangle du frelon piquant, le seul jeu des formes géométriques suffisant à faire comprendre les interactions. C’est tout le mérite de cette collection toujours aussi jubilatoire de faire aimer la philosophie avec une approche simple et accessible, en invitant avec intelligence les enfants à la réflexion.