La revanche des princesses

Pour battre en brèche les clichés et les stéréotypes et construire de nouveaux modèles, mieux vaut commencer jeune ! Car l'idéal de la princesse ne devrait pas avoir tant de beaux jours devant lui, si les filles veulent un jour être considérées pour ce qu'elles valent réellement, plutôt que pour leur correspondance à un modèle infantilisant et dévalorisant... Car être princesse, ce n'est sûrement pas la garantie de l'épanouissement personnel.

Les six auteures rassemblées dans ce recueil font donc la peau à ce qui n'est plus qu'un mythe ! Tous les clichés y passent : la beauté (blonde et rose) la douceur et la retenue, les plaisirs disciplinés (tapisserie et violon – déjà, le violon, c'est osé par rapport au piano, mais c'est de Clémentine Beauvais, dans une interprétation de La Belle et la Bête particulièrement subversive !). D'ailleurs, les stars des contes de fées sont rassemblées dans un éco-musée imaginé par Alice Brière-Haquet dans « #Charming », et elles sont toutes plus déconfites, décrépites et déprimées ; les collégiens en visite ne sont pas dupes, et en bons citoyens du monde, vont faire un sort via les réseaux sociaux à la triste enfilade des vitrines hors d'âge.

Car quel que soit leur choix narratif, leur style, leur angle d'attaque, les auteures développent d'abord une figure féminine du XXI^e siècle, comme qu'on aimerait en croiser toujours : indépendante dans « La flamme de cristal », qui assume son image dans « Tapisserie, jarrets dodus et dragon rugissant » et revendique ses choix, ceux-ci étant le plus souvent totalement à l'opposé du rôle traditionnel de princesse, comme l'héroïne du récit d'Anne-Fleur Multon, « La princesse en colère ».

« La princesse aux mille reflets » de Carole Trébor en est un exemple particulièrement intéressant : une enfant à la peau chatoyante, dont les couleurs sont autant de messages émotionnels est princesse d'un royaume où la beauté est tellement normée qu'elle est fabriquée. Son « défaut » la condamne, mais elle va s'échapper avant le pire, pour rejoindre un peuple caché dont on murmure qu'il a la peau verte... La tolérance et l'amitié vont tisser son avenir et lui permettre d'exister : une ode à la différence, valable bien au-delà des clichés sur les filles.

Un bel ensemble sur le mode musical de la fugue, dont s'inspirer pour construire la diversité des possibles féminins. À méditer dès l'enfance.