Jules et César

Décidément Eric Battut nous étonne à chaque nouvelle publication. On dit souvent de lui qu’il se répète ou qu’il publie bien trop d’ouvrages. On sent naturellement toute la cohésion de la démarche…mais certains pourraientt, à force, s’en lasser. Et puis arrivent d’autres petites merveilles, à l’exemple de ce Jules et César chez Autrement jeunesse. Certes les images pleine page sont si ressemblantes à celles qu’Eric Battut nous a déjà données. De grands à-plats bleus, des petits personnages courant sur l’horizon, des dégradés sans cesse renouvelés. Mais ici, peut-être, le style si caractéristique d’Eric Battut s’épanouit, reprenant toutes les techniques que le jeune illustrateur a pu tester : les lavis, la technique du grattage, les lumières courant au-delà de la page.

D’autant qu’ici l’image sert parfaitement un texte sobre et maîtrisé. L’histoire de Jules et de César, deux petits chiens si ressemblants, mais dont les relations, un peu par hasard, sont celles de rapports de pouvoir. Sur le modèle du maître/animal domestique, César s’autoproclame bien vite chef incontesté de Jules, le chien abandonné et adopté. Au fil des pages, on sent bien que ce pouvoir lui échappe. Il devient de plus en plus dérisoire, tandis que Jules se met à rêver, ses désirs ne demandant qu’à être partagés.

Alors, lorsque Jules s’enfuit, fatigué de n’être qu’un chien au bout d’une laisse, César, tout aussi ressemblant admet cette relation inégale et tente de réparer ses erreurs. Ils partageront ensemble le coucher du soleil. Naît ainsi une amitié sincère que rien ne pourra briser. Cette même amitié, qui bientôt pourra être partagée avec la venue d’un nouvel arrivant.

Eric Battut ne se contente plus d’imaginer des sentiments. Il sait désormais les écrire, donner à voir ce qui est essentiel, passer d’une histoire à une autre pour mieux atteindre son but, celui au sens strict de nous sensibiliser. Un très bel album à partager. On en redemande.