Et moi, j’étais trop petite…

A l’occasion de vacances dans la maison de famille, la narratrice est abusée sexuellement par le fils d’un voisin. Elle perd sa joie de vivre, commence à avoir des tics et des phobies. Ses parents s’en rendent compte et l’aident à surmonter ce traumatisme.

Il est des choses qui sont trop difficiles à dire en prose : la très jeune fille – l’enfant encore ? – qui nous parle le fait en vers libres, très courts. Elle évoque un été familial qui aurait pu être de joies et d’habitudes, vite rendu odieux par un événement répété à plusieurs reprises que l’auteur évoque sans fards. S’ensuit une période dépressive, agressive où la narratrice a pleinement conscience de la gravité de l’acte qu’elle a subi mais où elle n’arrive pas à l’exprimer en paroles.
Ce sont de petits gestes qui la trahissent : « Je mets à mes poupées […] d’épais jupons blancs. » (p. 103). L’intuition de parents attentifs la sauve alors et elle réapprend à s’aimer, dans les bras de son père. Le livre est ainsi découpé en trois parties, intitulées « flotter », « couler » et « nager », en écho à l’apprentissage de la natation qu’elle effectuait durant ces vacances. En guise de préface et de postface, l’auteur nous parle de « ce putois qui rôdait sur le seuil » (p. 119) et qu’elle a laissé entrer, pour mieux s’en débarrasser (on ne sera pas étonné d’apprendre qu’il s’agit d’une histoire autobiographique). Beaucoup de métaphores donc dans ce livre à fleur de peau, qui ne doivent pas cacher la justesse et le courage de mots qui savent être directs quand il le faut. Ann Turner ne nous choque pas, ne nous ennuie pas, elle touche au plus profond de nos instincts.