C'est encore loin, la vie ?

C'est la dernière semaine des grandes vacances. Parents, enfants, frères, sœurs, cousins et cousines se retrouvent dans la ferme familiale comme chaque été. Sauf que ce ne sont pas les circonstances habituelles, cette fois le grand-père est à l'hôpital, il doit se faire opérer. Les travaux de la ferme, les jeux et les grands repas pris tous ensemble continuent, mais ils sont rythmés par les visites à l'hôpital et il plane une espèce de sentiment d'attente : le grand-père vivra-t-il ou pas ? Puis, c'est le départ au pensionnat pour le héros de l'histoire, le rythme ici est donné par les cours répétitifs, les heures d'étude et surtout par le dimanche, ce jour entre-deux, passé dans sa famille dont il ne peut pas profiter, sachant qu'il va devoir repartir le soir et que ses frères et ses parents resteront ensemble pour la semaine. Les deux textes qui constituent ce livre, Un dernier été et Un autre que moi, sont annoncés par des prévisions météorologiques qui raccrochent un tant soit peu les récits à une variable connue.

Écrit à la première personne, cet espèce de journal décrit de façon très précise le malaise du jeune héros de 14 ans, dont on comprend au fur et à mesure de la lecture qu'il est en attente. En attente que les choses passent, finissent, que des changements aient lieu en lui et autour de lui. Il n'a aucune place et il essaie d'en prendre encore moins, que ce soit au sein de sa famille ou à l'école. D'ailleurs tous les autres ont des noms ou des prénoms alors que lui n'en a pas ; même quand quelqu'un s'adresse à lui, c'est sans le nommer. Il n'a pas de passion non plus si ce n'est par défaut, la lecture. « Je lis par paresse de vivre. Il faut si peu d'énergie pour lire et il en faut tant pour vivre ».

Bernard Friot ne nous avait pas habitués à ce genre de textes sombres et déstabilisants dont on imagine bien qu'ils lui sont précieux. Mais que peut en tirer un lecteur ? À part se dire que wouaw, c'est quand même dur l'adolescence, qu'est-ce qu'on est heureux d'en avoir fini avec ce temps où, dans le meilleur des cas, on est mal dans sa peau et plein de boutons et de réactions incontrôlables. Ou alors il pourrait se dire que Bernard Friot s'en est sorti et plutôt bien ! En tous les cas, ce livre ne conviendra certainement pas à un adolescent morose, triste et seul. « Suffit d'attendre, attendre que ça passe », dit Bernard Friot : piètre consolation !