La machine à lire de Bouquinville

Dans la ville de Bouquinville, tout le monde aime les histoires. Seulement voilà, plus personne ne sait lire sans la machine à lire. Cette mécanique bien étrange « toute de rouge et de fils vêtue » est en effet le seul moyen de profiter de la belle bibliothèque. Malheureusement un jour « de février ou de mars », arrive ce qui devait arriver : la machine à lire tombe en panne, privant les habitants de Bouquinville de leurs histoires préférées. Un vent de tristesse s’abat sur la petite cité. « Ça pleure, ça crie, ça chouine dans tous les sens ! ». C’est alors que le maire a une idée : et « si on allait voir la vieille Simone ? ». Simone est la dernière habitante à savoir lire, autrefois mise « au banc » pour avoir refusé catégoriquement d’utiliser la machine en question. Mais Simone a aussi un fichu caractère et les habitants ont beau la supplier, elle n’en démord pas : pas question d’être à son tour une machine ! En revanche, elle a peut-être une autre solution à leur proposer : et si elle leur réapprenait tout simplement à lire ?

Beaucoup d'albums jeunesse ont abordé la question de la lecture mais cette « machine à lire de Bouquinville », publiée aux éditions Frimousse, se distingue par son originalité. Originalité du thème : à l’heure où toutes sortes de « machines » conquièrent notre quotidien, ce récit vient questionner avec intelligence les nouvelles dépendances. Ingrid Chabbert, autrice expérimentée en littérature jeunesse et scénariste de bandes dessinées écrit un texte alerte, ponctué de nombreux dialogues qui nous plongent vite dans l’action. Originalité ensuite du dessin, privilégiant forme, simplicité et des couleurs en aplat plutôt neutres, avec lesquelles la machine d’un beau rouge vermillon s'impose par contraste. On doit ces illustrations à l’espagnol Raùl Mieto Guridi, formé au design graphique, et dont on appréciera également la touche d’humour, notamment dans le travail des silhouettes. À la fin de l'album, le destin de la machine à lire, qui fait l’objet de la dernière double page, prête lui aussi à sourire. Un ouvrage un peu atypique donc et qui ouvre des perspectives de réflexion.