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Écrire et dessiner en suivant des règles du jeu! Rencontre avec Loïc Gaume

En février 2022, l’illustrateur Loïc Gaume était l’invité «jeunesse» du festival littéraire Mille fois le temps à La Chaux-de-Fonds (Suisse). À l’occasion d’une «rencontre illustrée», le public a pu découvrir son univers artistique riche et inventif. L’interview que nous vous proposons aujourd’hui sur Ricochet est une retranscription retravaillée de cette conférence.

Loïc Gaume & Damien Tornincasa
22 juin 2022
Loic Gaume, Mille fois le temps, portrait
Loïc Gaume: un auteur-illustrateur français, qui vit en Belgique et donne une conférence en Suisse sur son travail! (©Loïc Gaume)

Loïc Gaume naît au milieu des années 1980 et passe son enfance à Pontarlier. Après des études d’arts appliqués et de communication graphique à Besançon, il poursuit son cursus à l’École nationale supérieure des arts visuels de La Cambre à Bruxelles. Il y rencontre notamment l’illustrateur Pascal Lemaître, en charge du cours de narration visuelle et d’illustration. «Pascal Lemaître a joué un rôle important dans mon travail, et après mes études également. Il m’a poussé à toujours avoir en tête que les illustrations doivent avant tout parler aux enfants», confie Loïc Gaume dans un entretienOn peut dire que c’est mission réussie au vu du succès que ses livres remportent auprès du jeune public (et pas que…). Son premier album jeunesse, Contes au carré, est paru en 2016 aux éditions Thierry Magnier. Ce recueil de contes d’un genre nouveau, où chaque histoire est condensée en quatre vignettes sous-titrées, a été largement salué par la critique et les prescripteurs. Le livre a notamment reçu une mention spéciale lors des Bologna Ragazzi Awards. Sur le même principe, Loïc Gaume publie, en 2020, Mythes au carré qui revisite les principaux épisodes de la mythologie grecque.

Loïc Gaume, contes au carré, mythes au carré
Couvertures de «Contes au carré» et «Mythes au carré» (©Thierry Magnier)

À l’image de ces deux publications, plusieurs autres albums de Loïc Gaume s’appuient sur des textes préexistants: Plus de place! (Versant Sud Jeunesse, 2020) est une réécriture du conte russe La moufle, L’île aux deux crabes (Versant Sud Jeunesse, 2021) est inspiré d’une légende traditionnelle kanak réinterprétée par la plume de Sylvain Alzial et Le canard de Wittgenstein (3œil, 2021) fait écho aux travaux sur la perception menés par le philosophe autrichien. D’autres livres constituent des créations «100% Gaume», comme Clac, la trappe! (Versant Sud Jeunesse, 2016) ou encore le tragi-comique Catastrophes! (Thierry Magnier, 2018).

Loïc Gaume, Plus de place !, L'île aux deux crabes, Le canard de Wittgenstein, Catastrophes !
Couvertures de «Plus de place!», «L'île aux deux crabes», «Le canard de Wittgenstein», «Catastrophes!» (©Versant Sud, ©Versant Sud, ©3œil, ©Thierry Magnier)

À côté de son activité d’auteur-illustrateur de livres pour enfants, Loïc Gaume est également dessinateur de bande dessinée, éditeur pour Les Détails, une microstructure qu’il a fondée en 2010, et aussi enseignant dans le domaine de la communication graphique. Il porte donc de nombreuses casquettes: chapeau l’artiste!
Dans le cadre du festival Mille fois le temps, il s’est prêté avec beaucoup de sympathie au jeu des «questions-réponses» lors d’une rencontre modérée par Damien Tornincasa, responsable de Ricochet. Un échange que nous avons retranscrit et retravaillé et que nous vous proposons de découvrir ci-dessous.


Damien Tornincasa: Pour débuter cet entretien, je souhaite proposer une citation du Petit Prince d’Antoine de St-Exupéry:

Les grandes personnes m'ont conseillé de laisser de côté les dessins de serpents boas ouverts ou fermés, et de m'intéresser plutôt à la géographie, à l'histoire, au calcul et à la grammaire. C'est ainsi que j'ai abandonné, à l'âge de six ans, une magnifique carrière de peintre. […] J'ai donc dû choisir un autre métier et j'ai appris à piloter des avions.

Ce passage, qui figure au tout début de l’ouvrage, m’a fait penser à certaines remarques désagréables que l’on entend parfois au sujet du métier d’illustrateur, notamment de livres jeunesse. D’aucuns estiment que le dessin est une activité réservée aux enfants, qui manque de sérieux. Aussi, je te pose la question, Loïc, le dessin est-ce une activité sérieuse?
Loïc Gaume: Oui! Il s’agit bien d’une activité sérieuse! Que je n’ai pas quittée à l’âge de 6 ans, et qui m’a amené aux livres. C’est même, aujourd’hui, le point commun de mes différentes activités.

Le dessin mène aux idées, la plupart de mes livres sont nés du dessin. Plus que cela, beaucoup de choses en soi dont on n’a pas conscience, se manifestent et se révèlent avec le dessin.

Le dessin et l’écriture t’accompagnent au quotidien. Quelle place prennent ces activités dans ta vie de tous les jours?
Sur ton idée, pour préparer la rencontre, je me suis replongé dans mes anciens carnets, 15 années de dessin! J’ai toujours avec moi deux carnets. Un carnet pour les recherches et l’autre pour mes histoires: il s’agit de dessins «libres», des croquis, des récits du quotidien, j’y raconte des choses vécues sous la forme de bande dessinée, j’appelle le projet «Wafel».

Il s’agit presque du contre-pied de Contes au carré où le jeu est dans la concision. Dans mes récits, au contraire, un rien devient le sujet. Je m’intéresse à des choses minimes, intimes. Mon environnement est la source des dessins: la traversée du parc de mon quartier avec mes fils, une soirée sur l’île de Ré où j’étais invité et au cours de laquelle les conversations des voisins ont alimenté mes récits.
Donc, oui, le dessin est une activité quotidienne, que je raconte des petites histoires ou que j’effectue des recherches formelles.

Loïc Gaume, Wafel
Des événements du quotidien transposés en images par Loïc Gaume dans ses carnets (©Loïc Gaume). Cliquez pour agrandir.
Loïc Gaume, Wafel

Tu as parlé de «dessin libre». Par effet d’opposition, cela me fait penser à tes projets où le dessin est sous contrainte ou sous règle du jeu. Dans Contes au carré tu t’imposes des règles: chaque conte est résumé en quatre vignettes avec du texte et des images réduits à l’essentiel. Veux-tu nous parler de la naissance de ce projet? Comment l’idée t’est-elle venue?
Si l’on revient à l’origine du projet, je ne l’avais pas envisagé comme un livre. L’idée de synthétisation était là, mais j’ai d’abord travaillé sur les personnages de la littérature jeunesse, pas encore sur les contes classiques. Puis ce travail graphique de concision m’a amené à l’écriture, je me suis alors dirigé vers les contes, comme une matière universelle, connue par un grand nombre. Pour en arriver à ce travail d’écriture à l’essentiel.

Loïc Gaume, contes au carré
Double-page de «Contes au carré» dédiée au conte de Boucle d'or (©Thierry Magnier). Cliquez pour agrandir.

Si c’est aujourd’hui ton best-seller, je crois savoir que tu as essuyé plusieurs refus…
J’ai en effet reçu beaucoup de réponses négatives de la part des éditeurs avant les éditions Thierry Magnier. Le refus des éditeurs est peut-être dû à l’écriture sous contrainte: cela reste assez inhabituel et relativement nouveau. C’est pour la même raison que le jury de Bologne a récompensé le livre! La rencontre avec mon éditrice Camille Gautier et sa confiance en mon projet ont été décisives. Le travail avec elle s’est fait avec beaucoup de respect et sans concessions.

C’est un succès, avec une mention au Bologna Ragazzi Award, prix attribué à la Foire internationale du livre jeunesse de Bologne. Puis le livre paraît également en espagnol chez un éditeur sud-américain, en coréen et en chinois. Ce qui m’a interpellé c’est qu’il y a toute une recherche dans Contes au carré sur les lettrines: comment ces jeux graphiques ont été transposés en coréen et en chinois?
Chaque éditeur a revu à sa manière les lettrines qui servent de titres aux contes. J’ai dû les redessiner entièrement pour l’éditeur argentin. Pour la version chinoise, ce sont les pictogrammes du sommaire qui ont été repris: un chausson de vair pour Cendrillon, une pomme pour Blanche-Neige…

La typographie est donc de ta main?
C’est bien cela, ce sont des lettrages que je dessine, en mêlant lettres et dessins.

Ce qui interpelle à la lecture de Contes au carré, ce sont les quatre vignettes. Arriver à résumer un conte en quatre dessins semble déjà difficile, mais faire le même exercice sur le texte a dû être un casse-tête! Quel a été le plus grand défi dans ce travail d’écriture? Et comment as-tu travaillé tes sources, les contes comptant souvent plusieurs versions?
Le premier travail est la lecture de différentes versions, versions d’origine, du moins le plus possible. Suit le travail d’écriture, de prise de notes qui accompagne la lecture. Je compte plusieurs carnets de notes: des pages de textes, d’annotations qui me serviront pour l’écriture, et déjà des croquis succincts. Cela me donne une idée claire des personnages à conserver, des déplacements de chacun, des interactions. L’étape suivante est celle des dessins à l’encre de Chine, ce sont les dessins originaux, ceux qui me serviront pour le livre. Mais même les dessins finaux sont très entremêlés et peu ordonnés. C’est loin d’être «au carré»!

Loic Gaume, Contes au carré, recherches
Recherches et croquis pour «Contes au carré» (©Loïc Gaume). Cliquez pour agrandir.
Loic Gaume, Contes au carré, recherches

Tu montres aussi que les contes sont violents dans leurs versions originales. Certains épisodes ne sont pas édulcorés…
En effet, c’est nécessaire de remettre les contes dans leur contexte: à l’origine, les contes ne sont pas des histoires pour enfants, la cruauté existe dans les contes, malheureusement beaucoup ne gardent en tête que les princesses! L’écriture de Contes au carré révèle cette cruauté inhérente aux contes, je ne l’ai pas inventée mais l’ai plutôt fait ressortir par la brièveté des récits.

Paradoxalement, de cette écriture, découle un certain humour car on relit les contes d’une autre manière. Et aussi parce que les dessins n’ont rien de violent!

Arrêtons-nous sur la page de «Pinocchio». Ce que je trouve parlant ici, c’est que tout fait sens. La lettrine, le texte et les illustrations, les couleurs, la distinction entre le brun pour le bois et le beige pour la peau, qui symbolise la passage d’inanimé à animé. De ce fait, les outils que tu as en main te permettent de créer beaucoup de sens à partir de très peu. Des couleurs, des formes, des motifs qui se répètent d’un conte à l’autre. Est-ce que cela t’est venu comme cela ou y as-tu beaucoup réfléchi?
La question ne s’est pas posée si clairement, cela s’est construit en même temps, presque logiquement, même si tout parait très réfléchi. Beaucoup du travail s’est fait dans la réflexion, avant même de passer au dessin.

Y compris la question de se servir de la couleur pour «raconter»: dans Casse-Noisette, le personnage perd sa forme humaine, la couleur fait le lien entre les différentes apparences du même personnage, pour que l’enfant lise la transformation.
Les habits neufs de l’empereur est une histoire de tromperie, je me sers ainsi de la couleur pour symboliser le mensonge.

Pour schématiser, les contes commencent par «Il était une fois» et finissent pas «Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants»: il s’agit d’histoires finies. Ce n’est pas le cas pour les mythes, qui sont une succession d’épisodes. Est-ce que cela a été compliqué d’écrire des mythes «au carré»? Comment as-tu choisi les mythes et comment les as-tu coupés? L’exercice semblent beaucoup plus périlleux.
En effet, aborder la mythologie grecque était une couche de complexité supplémentaire. Mais cette contrainte, de trouver des solutions, qu’elles soient graphiques ou par l’écriture, est tout ce qui m’anime!

Si le Minotaure, par exemple, intervient dans trois récits différents, tout comme d’autres personnages, l’idée était d’aborder un personnage – lorsqu’il s’agit de «son» récit – dans l’épisode où il brille le plus, là où il joue un rôle marquant de la fresque de la mythologie.

Il y a donc Contes au carré et Mythes au carré et je crois savoir que tu vas réitérer l’expérience avec un nouveau livre consacré aux classiques de la littérature jeunesse. Veux-tu nous en parler?
Je n’en suis qu’au commencement, à la lecture des romans. Cette fois-ci je compte investir les romans marquants pour les enfants: Le livre de la jungle, Alice au pays des merveilles, Fifi Brindacier et encore Robin des bois.

Passons maintenant à un autre titre où tout fait sens également Catastrophes!. L’album met en scène la loi de Murphy: un monsieur, prénommé Monsieur, va subir une série de péripéties invraisemblables qui empirent de page en page. Le lecteur peut tenter deviner à l’avance les catastrophes à travers les découpages qui laissent transparaître la couleur de la prochaine page: couleur qui fait écho aux événements de l’histoire. Comment t’es venue l’idée d’utiliser la couleur des pages comme vecteur de sens?
Catastrophes! est né de recherches personnelles, en découpant directement au cutter mes formes dans des papiers de couleur. Comme je dessinerais.

Le projet vient de là. Un papier blanc pour planter un décor de neige, qu’un papier bleu brillant vient compléter lorsque, dans le récit, le verglas tombe, et ainsi de suite. Le papier jaune pour les flammes qui envahissent la forêt, et le noir pour la nuit qui tombe. Je raconte par la couleur. C’est aussi un jeu pour l’enfant qui lit l’histoire. Cela m’a amené à construire l’histoire comme un enchainement de catastrophes assez improbables pour déclencher l’humour.
Pour l’éditer avec les éditions Thierry Magnier, les décors en papier en trois dimensions sont devenus des perforations.

Loïc Gaume, Catastrophes
De la 3D à la 2D: la finalisation de «Catastrophes!» (©Loïc Gaume). Cliquez pour agrandir.
Loïc Gaume, Catastrophes

Un autre élément apporte du sens dans ce livre: les onomatopées qui permettent de comprendre l’histoire presque à elles seules. Était-ce une chose voulue, ou un hasard: comment l’idée est-elle venue?
Ce n’était pas l’idée initiale, mais cela était très tentant d’en imaginer les bruits: «Hou! Hou!» pour les hiboux dans la nuit, ou «Broum!» pour l’avalanche!

Lorsque tu écris, penses-tu aux enfants qui te liront? Comment imagines-tu ton lecteur ou ta lectrice idéal·e?
Je ne l’imagine pas forcément, il peut être tout le monde! La raison pour laquelle un enfant aime un livre peut être étonnante. Cela peut passer pas la sensation d’avoir peur ou d’être surpris. Un enfant peut aimer un livre pour différents motifs: dans Catastrophes!, le fait de donner une voix à l’histoire, quasiment une bande sonore, pourrait être l’un d’eux.

Évoquons maintenant le travail sur les formes que tu as réalisé dans Le canard de Wittgenstein. Cet album, qui met à l’épreuve notre sens de la perception, utilise toujours le même motif pour représenter tantôt un canard, tantôt un lapin, tantôt autre chose. Comment est né cet ouvrage?
Une figure bistable de ce lapin-canard existe, je ne l’ai pas inventée mais redessinée: il s’agit d’une forme qui cache deux figures que l’on ne peut pas voir simultanément. Mon rôle a été de révéler par l’image cette notion, pour les plus petits. De faire comprendre cette idée de perception à partir du texte d’Alice Brière-Haquet. Cela a été la demande que l’éditeur m’a faite. Il s’agissait en somme de jouer avec les formes, c’est pourquoi l’éditeur 3œil a pensé à mon travail.

J’ai poussé le bouchon jusqu’à me limiter au maximum dans les formes qui font les images. En réutilisant par exemple la même forme pour le nuage que pour le buisson selon si on parle du canard dans les airs ou du lapin au sol. Mais aussi en dessinant l’arrière du lapin avec la même forme que sa tête, du moins en la modifiant très peu.
On voit ici les recherches initiales, l’idée de tout raconter et de planter les décors avec très peu de formes est venue avec le dessin.

Loïc Gaume, Canard de Wittgenstein
Les recherches pour «Le canard de Wittgenstein» et une double-page finie (©Loïc Gaume, ©3œil). Cliquez pour agrandir.
Loïc Gaume, Canard de Wittgenstein

La collection Philonimo, dont fait partie Le canard de Wittgenstein, a pour but de parler de philosophie aux enfants à travers des paraboles animalières. Associer philosophie et enfance ne va pas forcément de soi. Selon toi, un enfant est-il capable de comprendre ce genre d’histoires?
Oui, ce sont des histoires qui parlent aux jeunes enfants. On a tous été confrontés à ces expériences sur le jeu des apparences: voir des formes dans les nuages. Il s’agit de philo de tous les jours pour les enfants, c’est là où l’autrice a réussi quelque chose de pas évident.

Dans L’île aux deux crabes, tu as aussi beaucoup travaillé sur une forme centrale, qui va se répéter de page en page et représenter divers éléments (une île, une vieille dame, une carapace de tortue, etc.). Quelques mots à ce sujet?
L’idée est à nouveau venue avec le dessin. Le texte est une réécriture par Sylvain Alzial d’une légende kanak, qu’il a rendu maligne et contemporaine.

Le point de départ pour moi a été le parallèle entre une île et un crabe: une île dont les rochers pointus deviennent les pinces du crabe et les palmiers les yeux du crabe. Parti de là j’ai tenté de dérouler l’histoire avec cette même forme, placée toujours au même endroit dans la page.
Le fait de tracer le reste par le contour m’a permis de parler de la nudité des deux crustacés qui ne recevront pas leur coquille pour avoir préféré manger des noix de coco plutôt que de se rendre au rendez-vous de Madame Bouba, au cours duquel elle distribue des plumes, des écailles ou des carapaces à tous les animaux. C’était aussi une manière de parler des origines de la vie dont il est question dans ce récit. J’en suis aussi venu à ce principe parce qu’il n’était pas évident pour moi de coller à une imagerie de conte traditionnel calédonien.

Le décor de cet album est «exotique»: as-tu dû te documenter sur la végétation, les couleurs? Si oui, comment as-tu procédé?
J’ai regardé des images de la collection du Musée du quai Branly. Les recherches représentent une part importante du travail, pour finalement n’en percevoir qu’une partie, j’évoque plus que je ne représente, la végétation par exemple. Je n’ai fait que de retirer au fil des étapes. L’environnement se réduit à une bande bleue pour l’océan et des feuilles de palmes. C’est un décor minimaliste, sans époque, qui a pour but de diriger le regard vers cette forme qui est le fil narratif de mes images et vers les personnages, sans déployer tout un tas de détails qui n’aurait fait que de compliquer leur lecture.

Loïc Gaume, l'île aux deux crabes
Double-page intérieure de «L'île aux deux crabes» (©Versant Sud). Cliquez pour agrandir.

Comment s’est passée la collaboration avec Sylvain Alzial? Quels sont les échanges? Qu’est-ce que cela change de travailler avec quelqu’un?
C’était nouveau pour moi et très enrichissant, le livre s’est vraiment construit à deux. Sylvain a eu un œil tout à fait clair et pertinent sur mes images, il y a eu beaucoup d’échanges.

Ce travail s’est fait le temps du premier confinement, de quoi se concentrer presque exclusivement sur ce projet.

Cela montre que dans le livre jeunesse, écrire et dessiner sont complémentaires. Dans ton cas, on ressent l’écrit derrière tes dessins.
C’est vrai, bien que je me sente plus illustrateur, les deux sont complémentaires. Si on reprend Contes au carré, l’histoire se raconte autant par les images que les mots. Mais d’une manière générale, l’image précède souvent le texte dans mes projets.

As-tu des auteurs qui t’ont inspiré ou que tu juges proches de ton travail?
Comme beaucoup d’autres: des dessinateurs comme Paul Klee, André François, Saul Steinberg ont réveillé quelque chose quand je les ai découverts, que ce soit à travers leurs livres, leurs tableaux ou leurs affiches. Ils ont en commun de donner du sens à une image. Plus actuel, le travail d’Olivier Douzou me parle forcément, il explore le va-et-vient entre le texte et l’image, c’est malin et intelligent, tout comme Jochen Gerner, il m’a évidemment beaucoup apporté, il a ouvert un nouveau champ narratif, d’écrire sous contrainte créative, entre autres.

Souhaites-tu nous parler de tes projets à venir? Sur quoi travailles-tu en ce moment en plus de ce nouvel opus «au carré» dont tu nous as parlé?
Il s’agit de projets en réflexion. Je réfléchis à une histoire qui se passerait de mots pour être remplacés par des images, c’est en recherches pour le moment! Les travaux de Marcel Broodthaers m’intéressent, me nourrissent dans ce sens. Ou même de René Magritte qui, sous l’allure d’images évidentes, en dit beaucoup sur la lecture de l’image.

Y a-t-il beaucoup d’idées qui n’aboutissent pas? Ou laisses-tu tomber certains projets?
Jusqu’à maintenant, les projets que j’ai aboutis ont été publiés. Un autre est en cours, depuis des années, je pense aux récits de bande dessinée «Wafel» que j’écris quotidiennement. Je ne l’ai pas encore présenté à un éditeur.

«Wafel», gaufre, gaufrier, quatre cases pour Contes au carré, tout ce champ lexical est assez cohérent! Pour terminer, serais-tu d’accord de résumer ta vision de la littérature jeunesse en quatre mots-clés?
Éveil, au sens large du mot.
Richesse, de la production.
Liberté, l’album illustré est unique en cela, tout semble possible.
Et créativité.

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