Cot codec encore !

C’est l’histoire d’une jolie poule rousse comme celle du conte, mais celle-ci se révèle bien moins sage… Silhouette qui se découpe en aplat sur le fond de la page, avançant hardiment sur une bande verte d’herbe, la poulette, au long bec, est prise d’un appétit féroce. La voilà qui gobe tout sur son passage, pâquerette, artichaut, mais aussi souris grise… La formule répétée enchante les oreilles : « Elle se dit Cot codec, et d’un coup de long bec...» becquette, avale ou gobe tout sur son passage. Rien ne l’arrête et surtout pas ses copines de la basse-cour qui la contemplent stupéfaites par son gosier sans fond et son avidité insatiable. Les pastilles de leurs yeux écarquillés expriment tout à la fois désarroi, colère et admiration ! Leurs postures, cous tendus de surprise, et les couleurs fantastiques de leurs plumages animent les pages de cet album plein d’humour. L’organisation de l’image en un plan incliné glissant de gauche à droite permet au regard de circuler et de suivre les évolutions des gallinacées, mais crée surtout un déséquilibre évocateur de ce qui se passe dans l’histoire, soit une accélération sans frein.

Car la situation s’aggrave. Qu’est-ce donc que cette obsession d’engloutir ? De consommer ? De tout dévorer ? La poule grossit, grossit, et dans ce bec toujours ouvert disparaît le monde autour d’elle. Son corps, comme celui du serpent dans Le Petit prince, prend la forme du dernier animal qu’elle a gobé : Claire Garralon s’amuse à accumuler ses différents profils et silhouettes qui se détachent sur la page, de plus en plus gros, de plus en plus cocasses ! 

Ses compagnes poulettes ne savent plus où donner de la tête, la surprise et l’envie font place à la colère : « Cette poulette ne pense qu’à elle ! » Et que va-t-il rester à manger, que va-t-il rester de vivant, quand elle aura tout englouti ? La bascule s’opère alors entre page de gauche et page de droite, grâce à un décollage inattendu et hilarant !

Mais qui peut croire qu’une poule ait assez faim pour croquer un éléphant ? L’absurde de la situation n’échappera pas au jeune public de cette jolie fable, servie par une mise en scène très éloquente, sur l’avidité égoïste et destructrice qui ne se soucie de rien que de la satisfaction immédiate d’un besoin bien artificiel… Là encore, une leçon de sagesse chez nos amies les poules.