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Cordélia: «Par le pouvoir de la lecture, par la grâce de l’écriture, défendons l’égalité et la diversité!»

Quiconque rencontre Cordélia sur le net ne peut manquer de remarquer le professionnalisme de cette jeune chroniqueuse, qui a fait du chemin depuis ses premiers textes sur le blog Mademoiselle Cordélia. Littérature, Lecture, Écriture, Culture. Ses ambitions ainsi affichées, comment a-t-elle gagné sa popularité? Et mûri ses talents, jusqu’à devenir Cordélia, auteure, entre autres, du roman Alana et l’enfant vampire publié chez Scrineo ce printemps? Nous avons décidé d’en apprendre davantage.

Véronique Cavallasca
16 septembre 2020
Cordélia
Cordélia (©Anaïs Armelle Guiraud)

Véronique Cavallasca: Lorsqu’on fait une recherche sur votre activité, Cordélia, on se rend compte que vous ne vous limitez pas. Pourriez-vous brosser votre autoportrait?
Cordélia: Je lis… depuis toujours et j’écris depuis longtemps, environ douze ans, même si Alana et l’enfant vampire est mon premier roman publié par un éditeur. J’ai commencé un blog parce que j’étais curieuse de ces nouveaux outils de communication et que j’aimais écrire, et puis j’ai décidé de créer une chaîne sur YouTube. Aujourd’hui je suis présente sur les réseaux sociaux et je publie en ligne aussi, des textes originaux et de la fanfiction.

Pourquoi avez-vous choisi de parler de vos lectures?
J’ai créé la chaîne Mx Cordélia en 2014, pour parler de ce que j’aimais, la littérature ado, la représentation LGBT, et de ce que j’avais envie de lire. Je ressentais le besoin de parler de ces thèmes qui n’apparaissaient encore que très peu dans la littérature pour ado, en tout cas dans la production française. Je me suis prise au jeu, d’autant plus que j’y trouvais un intérêt professionnel, puisque je travaille dans la communication et que l’utilisation de la vidéo en particulier y est de plus en plus importante.

Quelles ont été les œuvres/auteurs qui vous ont marquée enfant et adolescente?
J’ai toujours beaucoup lu. J’ai fréquenté assidûment les clubs de lecture, participé à de multiples Prix des Lecteurs, y compris plus tard au Goncourt des Lycéens. À l’époque on avait ouvert un blog, et je rédigeais souvent les chroniques. Je tenais un journal aussi.
J’aimais les romans d’aventure, les histoires de sorcières, la fantasy, tout ce qui se publiait alors. Comme beaucoup d’ados, j’ai aimé lire Barjavel. J’ai été fan de Pierre Bottero, que nous avions invité au collège. Il nous avait montré son manuscrit d’Ewilan; cette rencontre est un souvenir important pour moi. Mais j’avais besoin de trouver autre chose aussi, qui commence tout juste à apparaître dans la production des auteurs français.

Alana et l'enfant vampire
«Alana et l'enfant vampire» de Cordélia (©Scrineo)

Que pensez-vous du traitement de la diversité dans la littérature ado en France?
Clairement, aujourd’hui encore, on est loin du compte en matière d’offre: on a toujours beaucoup de héros blancs, hétéros et en pleine forme! Mais la situation évolue: même si les pays anglo-saxons et même le Québec ont une bonne longueur d’avance, il y a un intérêt pour la mise en lumière de toutes les formes de diversité, et de nombreux textes sont publiés par beaucoup de petites maisons d’édition. Les héroïnes, sous-représentées dans les récits d’action, sont également en train d’apparaître. Mais il faut faire attention au volontarisme: la reconnaissance ne passe pas forcément par les productions de commande. Certains titres donnent une image des personnes trans, par exemple, absolument fausse, même si les auteurs semblent s’être documentés. C’est pourquoi je soutiens le mouvement #ownvoices qui promeut les publications sur la diversité d’auteurs eux-mêmes concernés par leur sujet, et que je suis aussi le travail du site Planète diversité[1].

Est-ce que c’est ce qui vous a décidée à écrire pour les ados? Alana et l’enfant vampire est votre premier titre publié pour ce public, vous abordez plusieurs types de diversité y compris le handicap: quel était votre objectif?
La tranche d’âge des 10-14 ans est souvent difficile pour les lecteurs·trices: les gros pavés que sont souvent les bons textes les rebutent. Je voulais écrire pour leur offrir ce qu’on cherche tous·tes: des textes entraînants, avec une grande variété de personnages et de thèmes, mais dans un format ramassé, pas plus de 200 pages environ, qui les tienne en haleine jusqu’au bout. C’est pourquoi j’ai choisi d’écrire sur les vampires qui sont souvent des personnages de romans pour les plus âgés, voire les adultes, mais qui sont très populaires parmi les plus jeunes. Mais dans Alana, j’évoque aussi le validisme[2], ou le questionnement de genre, la discrimination envers les personnes âgées… Et le personnage principal est une héroïne!

On ressent votre engagement dans l’écriture, le style est classique, sans facilités, sans recours à l’oralité, vous créez même un néologisme (Infanpire): est-ce que c’est «naturel» ou avez-vous travaillé particulièrement cet aspect de votre création? Pour quelles raisons?
En fait j’essaie d’écrire avec simplicité, par souci de la réception par le public. J’ai été bien conseillée d’ailleurs par mon éditrice pour Alana, qui m’a aidée à renforcer tous les points forts de mon expression.

Vous pratiquez l’écriture inclusive; comment imaginez-vous qu’elle rentre dans les pratiques?
En général, j’écris à la première personne, c’est ce qui me permet d’approcher au plus près la réalité de ce que je veux dire.
Je pratique l’écriture inclusive lorsque ça me semble pertinent; chez Scrineo, j’y ai été encouragée là encore par l’éditrice, pour donner de la visibilité au personnage d’Oli. L’écriture inclusive est un outil de reconnaissance qui doit être expérimenté, afin que le masculin cesse enfin de «l’emporter» sur le féminin! La diversité doit pouvoir s’exprimer dans le langage: on peut, si on veut.

Avez-vous d’autres projets de romans pour les jeunes de cet âge (12-14 ans), et quels thèmes aimeriez-vous aborder?
Le prochain sera une série en trois tomes, qui paraîtra en août 2021, l’histoire d’une fille qui découvre ses pouvoirs magiques en luttant contre le sexisme dans son collège! Et mes autres projets auront toujours un rapport avec la défense de la diversité, et, pourquoi pas, une dimension fantastique!

Qu’auriez-vous envie de dire aux jeunes?
Je voudrais leur assurer que chacun·e a de la valeur, que toutes leurs histoires méritent d’être reconnues, racontées, et que tous·tes méritent d’être heureux·ses et d’avoir une belle vie, pleine d’aventure.

Merci beaucoup, Cordélia.


[1] planetediversite.fr: «Tout ce qui concerne la littérature Young Adult (et parfois adulte ou plus jeunesse) et la diversité: des chroniques, des discussions et des infos sur les sorties.»
[2] La norme du «valide» qui régit le fonctionnement du monde et réprime tout ce qui s’en écarte, en particulier le handicap. (ndlr)

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Illustration d'auteur

Cordélia

française