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Clémentine Beauvais : « C'est sans doute la chose la plus enivrante et la plus belle du métier... »

Nathalie Wyss
5 mars 2017

Auteure française d’ouvrages destinés à la jeunesse, dont Les petites reines et Songe à la douceur, deux très grands succès publiés chez Sarbacane, Clémentine Beauvais est aussi enseignante-chercheuse en éducation et littérature anglaise à l'université de York (Angleterre). Elle a eu la gentillesse de répondre, il y a quelques semaines, aux questions de Ricochet.
 
 
Nathalie Wyss : Ecrire, un rêve d’enfant ? 
Une réalité d’enfant ! J’écrivais tout le temps – beaucoup plus que maintenant…
 
Pouvez-vous nous raconter votre premier OUI de la part d’un éditeur?
J’étais assise en face d’elle. J’avais envoyé sous pseudonyme deux manuscrits à la maison d’édition pour laquelle j’étais interne…
 
Avez-vous un mot de réconfort pour les auteurs qui ont reçu leur 373ème refus ?
J’ai un tableau Excel datant de 2006-2010 où je tabulais tous les envois et les réponses. Les trois quarts des nombreuses, très nombreuses lignes n’avaient même pas de lettre de refus. Juste rien. Rien de réconfortant là-dedans, mais juste un mot : c’est normal.

 
La pièce de théâtre des Petites reines débute la semaine prochaine en France, êtes-vous impatiente ?
Oui, très. Pour le moment je n’ai vu qu’une lecture mais c’était génial. J’ai hâte de venir en France au mois de mars pour la voir…
 
Allez-vous, ou participez-vous, à l’élaboration du film Les Petites reines ?
Non, ce n’est pas prévu ! Je laisse cela aux professionnels… L’écriture d’un scénario, ce n’est pas ma spécialité. 
 
Beaucoup de lecteurs/rices vous demandent la suite des Petites reines, est-ce quelque chose d’envisageable ?
Hé non, désolée… Il me semble qu’Astrid, Hakima et Mireille ont maintenant vécu l’histoire qu’elles avaient à vivre. Un second tome serait superflu et inviterait à des comparaisons, ce serait dommage.
 
J’ai ouï-dire qu’un roman à plusieurs mains était en cours. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Alors je ne suis pas au courant ! Mais il y a un recueil de nouvelles avec une de moi dedans, qui sortira bientôt chez Eyrolles.
 
Comment commencez-vous une histoire ?
Après de très nombreuses journées et nuits de réflexion pendant balades, vaisselle ou autres. Je suis très longue à commencer…
 
Que faites-vous lorsque vous bloquez sur le passage d’un texte ?
Très souvent j’abandonne, et c’est pour cela que j’ai plein de textes non finis. Parfois je me force, je me fixe un objectif clair – arriver à la fin de cette scène, de ce chapitre – et je termine, mais dans la douleur.
 
Quel effet cela fait de donner le goût de la lecture aux ados ?
C’est sans doute la chose la plus enivrante et la plus belle du métier, vraiment.

 
Certains adolescents ont-ils lus Eugène Onéguine de Pouchkine grâce à votre roman Songe à la douceur ?
Oui ! Et certains adultes aussi. La prof en moi est ravie ; l’auteure se doit de préciser que « ce n’est pas nécessaire, hein ! » (Mais en vrai, lisez-le !) 
 
L’adolescence vous fascine-t-elle ? Si oui, pourquoi ?
Je ne dirais pas qu’elle me fascine. Beaucoup moins que l’enfance, en tout cas. L’enfance garde toujours pour moi un côté magique, pas l’adolescence, qui était dure et perplexifiante. Mais elle m’intéresse, c’est certain, dans ses aspects extrêmes, brouillons, embarrassants, surprenants.
 
A la fameuse phrase qui dit que « de toute façon, les ados ne lisent plus… », que répondez-vous ?
« Ils lisent beaucoup plus que vous à leur âge. » Ce que les gens veulent dire par là, c’est plutôt qu’ils ne lisent plus de livres. Je n’ai pas lu d’étude concluante sur le sujet, donc je ne sais même pas si c’est vrai. Et peut-être vaut-il mieux lire moins et mieux.
 
Le titre de votre blog est : Mais pourquoi tu fais pas de la vraie littérature ? Est-ce une question que l’on vous pose parfois ? Qu’y répondez-vous ?
On me l’a beaucoup posée sérieusement par le passé, mais maintenant qu’on sait que je suis incorrigible, on ne me la pose plus beaucoup… Je réponds que je ferai de la vraie littérature le jour où on considérera la littérature jeunesse comme de la vraie littérature.
 
D’où vient votre humour ?
D’un gros livre de blagues de Mina et André Guillois qui était dans les toilettes quand j’étais petite.
 
Un mot ou un geste de lecteur/rice qui vous a beaucoup touchée ?
Il serait vraiment goujat d’en séparer un du reste. Récemment j’ai été très touchée par les textes en vers que j’ai eus après Songe à la douceur. Mais je suis particulièrement sensible aux mots, dessins et messages des petits enfants.
 
L’auteur du moment que vous admirez ?
Chimamanda Ngozi Adichie
 
Qu’est-ce qui vous fait peur ?
L’avion et le Brexit.
 
Vos projets pour la suite ?
Trouver une nouvelle idée. Je creuse avec ma petite pelle…
 
Et vos rêves ?
Généralement grandiloquents, plurilingues et en Technicolor. Je les note avec soin. Mais ils sont très prompts à tourner au cauchemar – chutes, bombes et requins.

 

06.03.2017