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Lire les classiques aujourd'hui

Kévin BERTIN
1 janvier 1990



PARCOURS PROFESSIONNELS POUR LA LECTURE DE JEUNESSE



Table ronde

Mardi 11 Janvier 2005

14 h 45 -16 h





Animateur : Martin Dufour, Inspecteur à l'académie de Créteil.


Intervenants :

Véronique Hublot-Pierre, éditrice (Hatier Parascolaire)

Véronique Jacob, éditrice (Bibliothèque Gallimard/Folio Plus)

Hélène Kérillis, auteur(e)

Charlotte Ruffault, éditrice (Hachette Jeunesse, livre de poche jeunesse)





Quelle est la définition d'un classique ?



Martin Dufour prend le premier la parole et explique que le titre de la table ronde montre déjà une certaine tension entre les pratiques des enseignants et des programmes qui ne sont pas discutables, mais dont la mise en œuvre reste discutable.

Le programme est un cycle central : il y a les classiques de l'enfance - ce patrimoine qui se transmet de génération en génération - et les connaissances culturelles - le contact avec les références.

La diversité des textes explique les différentes démarches selon les maisons d'édition - que ce soit du texte intégral ou du groupement de texte.



Charlotte Ruffault insiste sur la notion de " classiques " : dans un premier temps elle englobe tout ce qui est dans le domaine public - il s'agit de la définition minimaliste. Une œuvre peut être un patrimoine récent mais il existe des références comme LINDGREN, CHRISTIE ou LONDON. La mission pour une maison d'édition pourrait être de continuer ces classiquse ou de renouveler voir de retraduire certains textes classiques presque aussi illisibles que des œuvres étrangères.



Véronique Jacob commence par citer Italo Calvino - NDLR : écrivain italien auteur de célèbres œuvres comme le Chevalier inexistant. -.

Souvent les classiques sont connus par oui-dire : ils sont la trace de lecture des précédents lecteurs, des précédentes civilisations, sociétés ou mœurs.
Avec les classiques peut-on avoir de l'audace ? Aujourd'hui on lira plus Thérèse Raquin en classe que Germinal…



Selon Hélène Kérillis, un classique est un héritage culturel, au sens large - autant la littérature que les autres arts comme la sculpture. Ne pas le transmettre serait " un crime par omission ". C'est un ciment culturel et non pas un enfermement.

L'auteur(e) prend l'exemple d'Icare : sur Internet, il y aurait aujourd'hui plus de 1 020 000 références à ce nom mythique !



Pour Véronique Hublot-Pierre, le classique est un lien - conscient et inconscient entre ancien et moderne - chacun, par les classiques de l'enfance, se fabrique un patrimoine commun selon ses spécificités. Selon elle, le texte classique supporte la réécriture.





Adaptation, réécriture ou texte intégral ?



Pour Martin Dufour, le terme " classique " est plastique. Il présente des problèmes d'accès : comment faire venir le livre à nous ? Car un texte classique n'arrive jamais nu : il y a des annotations, des illustrations ; il est adapté, traduit, expurgé. Il y a donc plusieurs stratégies.



Charlotte Ruffault oppose le cas de L'Ecole des loisirs et de Gallimard - le premier réécrit alors que le second se montre plus proche de l'original - non sans évoquer le problème de la présence ou non d'un dossier pédagogique. Elle évoque le cas de Hachette. Pour l'œuvre de Homère, Ils ont fait le choix d'une " mise ne perspective du texte " par un dialogue entre un helléniste et un auteur. En ce qui concerne Ovide, l'auteur est venu avec une nouvelle traduction des métamorphoses. Le texte qui visait au départ les classes de 6ème semble être plus intéressant pour des 3ème. Ces différents investissements sont possibles pour des grosses structures comme Hachette

Il faut reproduire les textes : le classique à l'école est très important car les parents auraient lâché prise !



Véronique Jacob enchaîne sur ce problème de L'odyssée d'Homère. Folio Plus a choisi de retraduire certains grands passages. Cependant, le professeur doit être pris en compte dans l'élaboration de l'édition d'un classique : faudrait-il privilégier la forme nue - exemple : Librio - ou le tout appareil pédagogique ?

Il s'agit plus que d'une épreuve : l'élève doit avoir envie de lire. Pour cela, la Bibliothèque Gallimard présente plusieurs astuces : une couverture clin d'œil, des arrêts " stratégiques " - pour engager le commentaire. On a aussi choisi de commencer la lecture par l'analyse d'un tableau faisant écho à l'œuvre.



Véronique Hublot-Pierre explique que le marché du livre scolaire est tout à fait différent. Son point de vue doit être plus pédagogique. Les " outils " sont-ils plus adaptés lorsqu'ils s'adressent à l'élève- apprenti lecteur ? ou au professeur - le traditionnel passeur de texte ?

Pour que la lecture soit active, il faut que les livres fassent aimer le texte : ainsi il est important de multiplier les points de vue sur un texte, aller au-delà de l'histoire et donc d'inciter à la réflexion.



En tant qu'auteur, Hélène Kérillis insiste sur le fait que l'enfant est plus qu'un élève. Celui-ci doit avoir un accès au texte sans signalétique. Elle insiste sur l'importance des travaux de réécriture, d'adaptation et de comparaison des traductions.

Dans une œuvre telle que l'Odyssée il lui a été difficile de savoir ce qu'il faut transmettre, de savoir ce qui parle dans l'œuvre. Pour l'Odyssée, vaut-il mieux transmettre cette incroyable structure en flash-back ? Ou alors est-il préférable d'insister sur la notion des différents points de vue ? Un choix est donc une vue d'ensemble, une trahison mais un moindre mal. Son travail est de transmettre l'intérêt - et ce en dehors de toute prescription scolaire.



Charlotte Ruffault rebondit sur ces derniers mots en rappelant que ce travail ne remplace en rien l'œuvre originale. Cette Odyssée est le travail d'un autre auteur que Homère.


Problème de traduction



Aujourd'hui des traductions sont devenues inaccessibles - même aussi contemporaines que celle de Philippe Jaccottet pour L'Odyssée -. Est-ce que Shakespeare est toujours aussi bien traduit ? Charlotte Ruffault évoque le cas des éditions Pocket : on a proposé de réaliser une traduction en français moderne de l'œuvre de Racine ! [On note une profonde désapprobation dans une salle majoritairement composée de professeurs.]

Véronique Hublot-Pierre ajoute que ce problème de traduction ne se pose même pas lorsqu'il s'agit d'un texte moyenâgeux. Charlotte Ruffault s'interroge sur la meilleure manière d'aborder une langue étrangère : textes courts ? Plusieurs lectures ?



Différents auditeurs se demandent comme faire face à la difficulté d'un texte face à la baisse inexorable du nombre d'heures de français. Peut on faire comprendre le texte par le théâtre, une spectatrice évoque une expérience positive, avec ses élèves, pour un texte de Racine.


Différents genres, différents classiques.



Véronique Jacob raconte l'échec de la commercialisation d'un classique de la science-fiction tel que " Fahrenheit 451 " dans la collection Gallimard.

Pour Charlotte Ruffault, la SF est surtout appréciée par les garçons. Les professeurs seraient atteints d'un véritable blocage pour l'étude de ce genre. Relayée par Martin Dufour, elle précise que ce n'est pas le cas du classique policier.


Problème de l'appareil pédagogique



Le public est très partagé. D'un côté on critique le fait que l'appareil pédagogique saucissonne le texte par ses questions. De l'autre, on parle de mise en valeur, d'un texte étudié



Monsieur Dufour conclue qu'il est difficile de lire les classiques aujourd'hui : il vaut mieux lire plusieurs versions d'une même œuvre pour mieux savourer l'original.