Mortelle mémoire

L'arrivée de Tobias, "l'Allemand", bouleverse la vie tranquille d'un petit village. Le jeune homme dit vouloir ouvrir un élevage de chevaux. En fait, il effectue une sorte de pèlerinage sur les traces de sa soeur Lotte, violée et assassinée dix ans plus tôt sur les bords de la rivière. Ariane, sa jeune employée saisonnière, va l'accompagner, à son corps défendant puis avec passion.
Avant tout, Jean-Paul Nozière excelle à reconstituer une atmosphère confinée de province, une ruralité où tout se sait et rien ne se dit, pour le meilleur et pour le pire... Les autres événements, allant des rumeurs de flirt inconvenant au drame mortel caché pendant dix ans, apparaissent comme découlant d'un fonctionnement étouffant. Au sein de ce microcosme, la narratrice et ses parents font (curieusement ?) figure de gens ouverts et éclairés. C'est donc Ariane la bien-nommée qui va s'impliquer dans une histoire douloureuse de secret(s) de famille(s). En cela, elle est autant manipulée par Tobias qu'elle y trouve ses propres intérêts de jeune fille romantique. La construction du roman utilise un suspens sans excès, jouant à la fois d'une intrigue policière et de la quête sensible d'une âme en peine. La thématique des soubresauts post- Seconde Guerre Mondiale est peut-être légèrement superflue, même si la sensation de huis-clos infernal s'en trouve renforcée. Un bon roman noir, très intime.