On les aura !

Si Barroux n’avait pas marché un jour entre Bastille et République, il n’aurait jamais trouvé un carnet jauni sur un trottoir. Ce roman graphique n’aurait donc jamais existé.
Ce carnet est le récit des premières semaines de mobilisation au tout début de la première guerre mondiale, entre août et septembre 1914. L’album de Barroux reproduit intégralement le récit d’un homme devenu poilu.
Cela commence ainsi : « 3 août 1914. C’est le jour du départ. La mobilisation est décrétée, il faut partir, quitter femme, enfants, famille. J’ai du courage, il le faut. 9 heures. C’est fini : adieu à tous. Non, au revoir. Car je les reverrai. »
On suit donc cet homme qui part faire son devoir pour la France. Il raconte son installation dans le cantonnement, le voyage en train pour aller vers l’est, vers le front, les marches interminables qui donnent les pieds en sang, les tranchées qu’il faut creuser encore et encore, la nourriture que l’on trouve en se débrouillant, les moments tranquilles dans les champs, les premières escarmouches avec l’ennemi, les combats, les camarades qui tombent. Le narrateur est blessé au bras, évacué vers l’arrière pour y être soigné. Son journal s’arrête là et l’on ignore ce qu’il est devenu, s’il a survécu à l’enfer de cette guerre boucherie.
L’homme qui écrit là raconte simplement. On le sent peu habitué à manier les mots, à exprimer ses sentiments. On perçoit néanmoins, malgré l’espoir que cette guerre ne durera pas, la tristesse de la séparation, la peur qui arrive vite et qui colle à la peau de ces soldats. Mais le récit n’est pas aussi violent que la plupart des témoignages de poilus dans les tranchées. Nous ne sommes ici qu’au tout début du conflit.
Barroux s’empare de ce texte avec des images à la fois dépouillées et puissantes dans l’évocation. Son trait noir, épais, souligne les mots du poilu (reproduits sous les images) et leur donne de la force. Le découpage qu’il propose va à l’essentiel et il est efficace : deux ou trois vignettes par page seulement, et parfois, des dessins pleine page qui soulignent un temps fort.
Un album que les adolescents liront avec beaucoup d’intérêt.