Le grand incendie

Une ville orientale, blanche, avec un minaret. Dans la nuit, une lueur éclaire une petite fenêtre alors qu’une voix invisible se plaint de l’oppression : « le jour, il nous faut travailler, nous courber, prier et obéir ». La structure est celle d’un conte : « un jour tout a changé, quand elle est tombée du ciel ». Le lecteur ignore ce qui est tombé. La page suivante, lumineuse, nous explique la situation : une page envolée s’est échappée du grand incendie. Gilles Baum développe la destruction des livres qui répond à l’ordre d’un sultan despotique qui veut effacer l’histoire.

L’illustration esthétise une ville orientale. Une place couleurs de sable, les bleus doux situent l’histoire dans un univers un peu vague mais où les lecteurs pourront reconnaître, au-delà des images traditionnelles de l’Orient, des événements plus contemporains. L’album porté par Amnesty International renvoie aux pratiques d’autodafé dans l’Europe des temps modernes ou à la thématique de Fahrenheit 451. La vision militante de la grande association des droits de l’homme est optimiste et la parole ne peut pas manquer de vaincre. Le narrateur, celui qui a saisi la première feuille, devient le ferment de la résistance par l’écriture. Ce récit entre histoire biblique des murs qui tombent et parchemins brûlés de Tombouctou raconte cette lutte sans âge entre pouvoir autoritaire, esclavage et lumière de l’esprit. Au bout du compte, la poésie gagne mais à quel prix ? Pétrie de bonnes intentions et porteuse d’espoir, la narration est tendue vers le but final dont on ne doute pas. Malgré la grande qualité du texte et celle de l’illustration, le récit a un peu des allures d’histoire pieuse. On a envie d’y croire.