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Chaise et café

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à partir de 7 ans

L'avis de Ricochet


La complicité entre le narrateur de Chaise et Café et le lecteur est installée dès la première ligne du récit : « en entrant chez nous » dit le garçon - un garçon à l’imagination fertile, dans lequel on croit reconnaître une part de l’auteur.

On sait très peu du garçon en question, Béatrice Poncelet n’en fait aucune description et ses dessins ne nous donnent guère plus de renseignement sur le personnage principal de l’histoire, apparaissant sous les traits sombres d’une simple marionnette chinoise. On n’en saura d’ailleurs pas davantage sur le second personnage, un homme mûr qui fascine le garçon avec son « fatras » : ses compas, stylos, équerres, sa chaise et sa tasse de café, et que l’on ne verra que le dos.

Cette introduction des personnages est accompagnée d’une imagerie aussi drôle qu’inventive - presque oppressante pour le jeune lecteur - fonctionnant sur le mode de la double page, dont chacune nous fait franchir un pas de plus vers l’hallucinante composition visuelle que réalise Béatrice Poncelet, composée de voitures bleues et autonomes, de lettres dispersées aux quatre coins du dessin, de champs qui rappellent Van Gogh, d’arbres suavement définis avec une pastel habile. Quelle stupeur quand nous découvrons quelques pages plus loin la plus classique des églises côtoyant un hélicoptère de l’armée, le tout dans un collage malsain qui relève du bricolage. De fait, ces images toujours sombres, mais qui laissent néanmoins une place essentielle à la lumière (lumière artificielle, celle des ampoules), créent une ambiance lugubre, risquant d’effrayer les enfants plutôt que de leur faire apprécier l’histoire. Ici, le récit se révèle (peut-être à force de créativité ?) répétitif, voire étourdissant.



La relation qui s’établit entre les deux (ou plutôt ne s’établit pas) n’est certes pas celle à laquelle nous ont habitué les traditionnels schémas adultes-enfants, faits de douceur, de compréhension, à tout le moins d’attention. Or ici le plus jeune se fait voyeur en « épiant » l’adulte. Et celui-ci n’offre à celui là qu’un mépris caractérisé, interdisant tout échange entre les deux - le plus jeune se contentant de pensées solitaires et de regards désabusés. C’est une conception fort inhabituelle dans la littérature de jeunesse, voire la littérature tout court.



L’irruption du Nouveau Roman dans la littérature de jeunesse



Le lecteur a ainsi l’étrange impression de se trouver en face d’une production très novatrice, avant-gardiste, dans laquelle l’auteur dévoile une partie de son travail à travers son œuvre. On pense notamment pouvoir trouver dans la description des personnages suffisamment d’indices pour envisager l’éventualité d’un autoportrait mêlé (on notera à ce propos la pensée à la fois tendre et troublante du garçon : « Lui et moi on était si bien ! les deux, on ne faisait qu’un. » De même, on pourra voir dans le ‘‘fatras’’ de l’adulte le matériel du créateur (en l’occurrence : la créatrice) : celui de l’auteur-illustratrice, composé d’un équerre, d’un compas… d’une chaise et de café.

Plus troublant encore est l’altération du texte lorsque, celui-ci se superposant aux dessins, elle cause une perte de sens pour le lecteur - on ne peut en effet se résoudre à envisager une inattention de l’imprimeur -, et qui renvoie à l’inhabituel anonymat des personnages - presque impoli quand on ne voit du second que le dos sévère.

Tous les éléments énoncés plus haut caractérisaient déjà les nouveaux romanciers, et laisse légitimement penser que Béatrice Poncelet a tenté avec Chaise et Café le grand écart entre Grimm et Alain Robbe-Grillet ; délaissant les schémas traditionnels, ainsi que toute logique dans la narration.



Œuvre exigeante tant sur le fond que sur la forme, Chaise et Café, par la lourdeur de ses images et la fatuité de ses desseins (aggravées par les illustrations), ne semble guère à mettre entre toute les mains.

Mais il faut tout de même rendre hommage à la novation et au courage de Béatrice Poncelet, jamais avare d’imagination et de surprise.

Sébastien MOAL, étudiant en DUT métiers du livre à l’IUT Paris, 29/3/2001

L'avis des internautes

Les avis exprimés ci-dessous n'engagent que leurs auteurs
le 10/24/2008 14:49

A mon sens, ce n'est pas un album pour les enfants, il serait un "inclassable", car il y a beaucoup de finesse dans cet album, il faut le lire et le relire.

Les mots qu'on ne voit pas en entier ou les phrases coupées justement sont nécessaires ! elles font sens et se mêlent parfaitement aux images !
C'est tout simplement une oeuvre d'art.

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