Ricochet, un lieu où sentir battre le pouls de la littérature jeunesse
Le portail numérique ricochet-jeunes.org, leader francophone de l’information en matière de littérature pour la jeunesse est géré officiellement depuis un an par l’Institut suisse Jeunesse et Médias ISJM. Le risque de fermeture de Ricochet en 2010-2011, suite aux difficultés de réunir les ressources financières indispensables à sa gestion par l’association CIELJ, a été écarté. Aujourd’hui, un an après la reprise officielle du portail par l’ISJM, Ricochet se porte bien !
Vanessa Borghini dirige Ricochet depuis le 1er août 2012. Elle répond aujourd’hui à nos questions à propos de cette plate-forme numérique, leader francophone de l’information en matière de littérature jeunesse.
Vanessa Borghini, quelle est la singularité de Ricochet dans le paysage de la littérature jeunesse ?
Ricochet, en tant que portail numérique spécialisé en littérature jeunesse, est unique en son genre. Son regard est ouvert sur toute la Francophonie. Il renferme, grâce à sa base de données documentée depuis la fin des années 1990, une mémoire de la création littéraire pour la jeunesse des dernières décennies. Il est au service de la diversité de la création littéraire, aussi bien narrative, esthétique que thématique dans une logique différente que celles que pourraient avoir des éditeurs, des libraires ou des auteurs de blogs - logiques que je comprends ; d’ailleurs Ricochet collabore avec tous ces différents acteurs du livre. Ricochet traite l’information à propos de la littérature primaire et secondaire en s’intéressant à tous les aspects de la chaîne du livre : la création (auteurs, illustrateurs), la production (éditeurs), la médiation (bibliothécaires, enseignants, parents), la réception (lecteurs adultes et enfants), la formation, la recherche... Ricochet s’intéresse également à la culture pour les enfants (spectacles, animations, expositions).
Quels sont pour vous les défis majeurs liés à votre mission ?
Adapter mes ambitions pour Ricochet à la réalité.
C’est-à-dire ?
Ricochet a été créé par l’association CIELJ sous l’impulsion visionnaire de Janine Despinette et d’Henri Hudrisier. Cette association a malheureusement dû être dissoute en 2010 en raison de difficultés croissantes à réunir les fonds nécessaires. Son dernier président, l’artiste Etienne Delessert, a cherché des solutions pour permettre à Ricochet de survivre et a pris contact avec l’ISJM.
L’ISJM a accueilli ce projet avec enthousiasme. Les fonds pour sa gestion minimale sont aujourd’hui acquis mais ceux-ci restent insuffisants en regard des besoins.
Autrement dit : Ricochet n’a pas encore les moyens de réaliser ses ambitions, même si son avenir et assuré dans un moyen terme.
Que souhaitez-vous changer, ou au contraire maintenir, dans le contenu et la gestion du site ?
Ricochet a été pensé de manière cohérente et intelligente. Les équipes précédentes nous lèguent un interface d’une grande richesse. Elles ont toute mon admiration.
La version actuelle du site, cependant, est marquée par l’époque qui l’a vue naître. Nous aimerions améliorer son outil de gestion et automatiser certaines opérations. Auparavant, un informaticien opérait en tant que webmaster. Désormais notre équipe se charge de l’intégralité de la gestion, ou presque. Il devient indispensable de moderniser l’outil et de mettre à notre service les nouveautés techniques dans ce domaine.
Dans un espace Web en mutation constante, comment voyez-vous Ricochet dans cinq ou dix ans ?
Un Ricochet identique à ce qu’il est aujourd’hui dans son esprit, mais novateur dans sa forme.
De manière plus pragmatique, j’espère que nous pourrons proposer une version mobile de Ricochet, afin de pouvoir consulter le portail sur smartphone, en librairie, dans le train, en bibliothèque…
Il serait important de prolonger les activités de Ricochet sur les réseaux sociaux. Cela impliquerait l’engagement d’un « community manager ». Faute de moyens financiers, nous ne pouvons pas nous engager dans cette voie aujourd’hui, au risque d’abandonner d’autres rubriques importantes.
Qui sont les visiteurs du site ? D’où viennent-ils ?
Des professionnels du livre (bibliothécaires, enseignants, éditeurs, illustrateurs, auteurs…) et le grand public (parents, jeunes, enfants) en provenance du monde entier.
Comment évolue le nombre de visiteurs du site ?
Le nombre de visites a continuellement augmenté, de l’ordre de 20% par année, depuis la reprise officieuse du site par l’ISJM en 2011. L’année dernière, Ricochet a comptabilisé 2.7 millions de visites et plus de 10 millions de pages vues. Ces chiffres spectaculaires nous réjouissent et nous confortent dans certains de nos choix, comme par exemple celui de fournir un maximum d’information pour chaque livre.
Comment la période de transition s’est-elle déroulée ? Avez-vous rencontré de nombreuses difficultés ? Et si oui sont-elles aujourd’hui résolues ?
La transition entre la dissolution du CIELJ et la décision de justice de céder Ricochet à l’ISJM a été longue. Durant cette période, nous avons travaillé de manière officieuse et dans l’incertitude.
Il faut ajouter à cela que le départ de Ricochet de la région Champagne-Ardennes a provoqué auprès des acteurs régionaux qui avaient accueilli Ricochet une grande déception et une réelle tristesse : un fleuron de l’information en littérature jeunesse quittait leur région. J’ai été profondément touchée de rencontrer ces personnes à Charleville-Mézières et je les remercie d’avoir facilité la transition et le déménagement des livres collectés au cours du temps, livres qui constituent le Fonds Janine Despinette associé au site Ricochet.
L’incertitude a entraîné, évidemment, la crainte légitime des éditeurs et leur réticence à nous adresser leurs services de presse. Quant à certains internautes, ils se demandaient si Ricochet deviendrait un site payant.
Aujourd’hui, la transition fait partie du passé.
Les éditeurs nous adressent des colis tous les jours et les internautes sont toujours plus nombreux à nous exprimer leur reconnaissance de disposer d’un tel service gratuit.
Le contact quotidien avec le pouls de la création et la médiation littéraires est pour nous une source d’énergie et de motivation immense.
Quelle place comptez-vous donner au Magazine de Ricochet ?
Des magazines spécialisés en littérature jeunesse de grande qualité littéraire et scientifique existent en Francophonie. Les spécialistes et professionnels de la littérature jeunesse les connaissent et y sont abonnés. On doit malheureusement constater que les articles de fond proposés dans notre Magazine n’intéressent que très marginalement notre public.
La grande difficulté, c’est de cerner les thématiques et le niveau d’analyse qui correspondent le mieux aux internautes. Nous devons repenser le Magazine. Et ce projet n’a pas encore été initié faute de ressources.
Nous tenons cependant à poursuivre les collaborations avec des chroniqueurs de qualité. Par ailleurs, vous pourrez prochainement découvrir une nouvelle signature ; Anne Clerc, ancienne rédactrice en chef de Lecture Jeune, proposera régulièrement des articles sur Ricochet.
Que représente Ricochet pour les auteurs et les illustrateurs?
De la reconnaissance.
Les auteurs sont nombreux à nous adresser des messages, des commentaires, à nous demander de corriger leur biographie ou compléter leur bibliographie. Nous accueillons ces demandes avec plaisir et en tenons compte. Pour les bibliographies d’auteurs et d’illustrateurs cependant, il faut que les livres concernés nous parviennent (car Ricochet n’est pas une bibliothèque fictive) et que les titres à ajouter aient été édités dans les deux dernières années.
Et les éditeurs ?
Pour les éditeurs, c’est une opportunité de mieux faire connaître leur travail. Ceci est particulièrement important pour les petits éditeurs qui ne disposent pas forcément de budget marketing. Malgré la situation économique difficile, ils restent nombreux, et leurs lignes éditoriales sont la plupart du temps bien délimitées – par leur approche esthétique, leurs thématiques, etc.
Ricochet va-t-il être plus centré sur la Suisse et sa culture littéraire ?
Lorsque les Suisses lisent en français, ils le font sans distinction. Dans le domaine de la littérature jeunesse, c’est encore plus vrai, bien que le terreau des auteurs et illustrateurs jeunesse de Suisse romande soit très fécond.
Bien sûr, nous allons nous assurer que la production suisse trouve la place qui lui revient sur Ricochet. Parallèlement, nous allons veiller à intensifier nos relations avec les autres régions francophones, non seulement en Europe et en Amérique, mais aussi sur les autres continents.
L’ISJM édite Parole, une revue spécialisée de littérature jeunesse. Y a-t-il des synergies entre Parole et Ricochet ?
Ricochet et Parole ont chacun leur identité. Et les collaborations entre ces deux projets existent. Ricochet reprend certains articles de Parole. Certaines personnes écrivent pour les deux médias. Je suis d’ailleurs très ouverte à de nouvelles collaborations avec d’autres revues.
Qui travaille au quotidien pour Ricochet ?
Un réseau d’une quinzaine de personnes en France, en Belgique, au Québec et en Suisse alimente les chroniques de Ricochet.
Des correspondants réguliers rédigent ponctuellement des articles pour le Magazine.
Enfin, à Lausanne, l’équipe de base gère le projet (2 personnes à temps partiel, dont moi-même, ainsi que des personnes bénévoles très motivées).
Quel est votre bilan aujourd’hui ?
Aujourd’hui, après sept mois à la tête de Ricochet, je suis consciente que le site est perfectible ; certaines rubriques méritent plus d’attention, des processus organisationnels doivent être remaniés. Divers changements seront apportés en fonction de nos ressources.
Cependant, le rôle de Ricochet, à savoir offrir des données pertinentes sur l’univers de la littérature jeunesse, son histoire et son actualité, organiser l’information pour les médiateurs du livre, faciliter leurs choix au sein d’une production éditoriale importante… Ce rôle est rempli par Ricochet.
Le nombre d’internautes augmente de manière constante, témoignant d’une vraie utilité, ainsi que d’une appréciation de notre travail. Les jeunes créateurs nous sollicitent de plus en plus pour la rubrique « Coup de pouce ».
Le vivier d’acteurs passionnés et passionnants du livre jeunesse est toujours en mouvement. C’est un privilège que de pouvoir travailler à son contact.
Que pensez-vous de l’ouverture aujourd'hui d’un site consacré à la littérature jeunesse par le Syndicat national français de l’édition ?
Je me réjouis de ce nouveau venu sur la toile. Ricochet et le site du Syndicat national de l’édition (ou d’autres, comme celui de la Joie par les livres…) proposent des approches différentes et complémentaires. Une offre d’informations diversifiée sur la littérature jeunesse permet aux médiateurs du livre de mieux s’informer en fonction de leurs propres besoins et envies… et surtout de mieux s’outiller pour entretenir ou susciter le goût de lire auprès des jeunes générations.
Statisques 2012 :
2.7 millions de visites du monde entier, représentant plus de 10 millions de pages vues
Durée moyenne des visites : 2 minutes 55 secondes
2704 ouvrages référencés provenant de 323 éditeurs différents
1183 biographies d’auteurs ou illustrateurs créées
1000 livres chroniqués
21.03.2013