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A propos de François Ruy-Vidal, éditeur de livres pour enfants

Georges André Vuaroqueaux
1 janvier 1990



Introduction

Les Années François Ruy-Vidal et Harlin Quist

Les Années Grasset

Les Année Delarge

François Ruy Vidal éditions de l'Amitié

François Ruy-Vidal et les Contes de Ionesco (propos de l'éditeur)




Introduction - Hommage à François Ruy-Vidal



Le Mois du Patrimoine écrit, manifestation nationale organisée par la Fédération française pour la coopération des bibliothèques, des métiers du livre et de la documentation (FFCB), la Direction du livre et de la lecture du Ministère de la culture et de la communication (DLL) et les structures régionales de coopération entre bibliothèques, se décline en cette année 2001 autour du thème de l'enfance. Outre sept expositions, sélectionnées par le Direction du livre et de la lecture sous le label (RE) Découvertes et un colloque nationale les 18 et 19 septembre à Annecy, plus de 300 établissements dévoileront leurs collections et leurs documents.

L'occasion pour nous de rendre hommage à François Ruy-Vidal, éditeur et auteur de grand talent, qui fut certainement l'un des précurseurs de la littérature pour la jeunesse d'aujourd'hui.


A partir des années 1960 en effet, se profile un optique nouvelle dans la littérature pour la jeunesse, considérer que les enfants peuvent appréhender, même s'ils ne comprennent pas au sens littéral du terme, les nuances, les allusions et les références culturelles, les implicites et les non-dits.

Par ailleurs, illustrateurs et auteurs réussisent à prouver qu'ils savent de mieux en mieux se faire entendre des enfants. C'est une multiplication soudaine et évidente des albums d'images, c'est l'entrée en force dans la littérature en couleur. François Ruy-Vidal est certainement l'homme qui a le mieux compris, par son travail d'éditeur, cette transformation.


François Ruy-Vidal est né à Paris en 1931. Il est encore aujourd'hui, l'un des grands noms de l'édition française pour enfant. Normalien, il a tout d'abord été instituteur de 1951 à 1963. Il travaille dans le domaine du théâtre pour la jeunesse, dans le cadre des CEMEA (Centres d'Entraînement aux Méthodes d'Education Active). Miguel Demuynck fut un de ses formateurs. Ceux qui ont eu la chance de travailler avec lui connaissent ses qualités de formateur de haut niveau.

C'est sa rencontre avec Harlin Quist en 1966, qui lui permet d'entrer dans le monde de l'édition pour la jeunesse. De part sa formation, Ruy-Vidal abordera toujours le livre pour enfants avec l'idée qu'il faut « oublier la pédagogie pour qu'elle soit contenue dans des livres qui seront pédagogiques à différents degrés plus intéressants que le premier ». François Ruy-Vidal et Harlin Quist vont travailler six ans ensemble, publiant une trentaine d'albums aussi surprenants par l'illustration que par le texte. En premier lieu, François Ruy-Vidal convaint de grands noms de la littérature française, comme Eugène Ionesco ou Marguerite Duras d'écrire des textes pour les enfants. Il contacte ensuite des illustrateurs considérés, à l'époque, comme d'avant-garde. Ce sont Etienne Delessert, Nicole
Claveloux
, Mordillo, pour n'en citer que quelques-uns.

Mais surtout, il aborde des thèmes qui ne sont guère traités à l'époque, ou sont passés sous silence à la fin des années soixante, tels que la mort, la sensualité, la crise de l'école. C'est de cette époque qu'est né le nom de la Littérature en couleur.

Mais l'aventure éditoriale engagée avec Harlin Quist s'interrompera bien vite. François Ruy-Vidal va néanmoins poursuivre son travail de concepteur chez Grasset. De cette époque, il affirme son engagement. Il ne veut ni ne peut accepter la notion de spécificité de la littérature enfantine. Il déclare : « Il n'y a pas d'art pour l'enfant, il y a de l'Art. Il n'y a pas de graphisme pour enfants, il y a le graphisme. Il n'y a pas de couleurs pour enfants, il y a les couleurs. Il n'y a pas de littérature pour enfants, il y a la littérature. ». Et d'ajouter : « En partant de ces quatre principes, on peut dire qu'un livre pour enfants est un bon livre quand il est un bon livre pour tout le monde. »


En 1976, commence l'«aventure Delarge» qui va permettre, entre autre, à François Ruy-Vidal de rééditer les Contes pour enfants de moins de trois ans de Ionesco et de publier, parmi les autres titres, Dikidi et la sagesse de Jacqueline Held, Zoo…o…o…o…oh ! de Jack-Alain Léger, illustré par Alain Letort et le dérangeant La Brousse de Ray Bradbury qui développe la problématique de l'agressivité, de la peur et les relations familiales.


En 1978, François Ruy-Vidal passera aux Éditions de l'Amitié. De cette collaboration sortiront plusieurs ouvrages marquants, Le Bistouri de Mlle Dard, avec des illustrations de Jacques Lerouge et surtout, Le secret du domaine, de Pascal Quignard, un texte d'une beauté rare, servi par une langue que nous avons retrouvée, avec bonheur, dans les ouvrages ultérieurs de cet écrivain.

Autant d'aventures éditoriales qui font aujourd'hui encore, plus de trente ans après, la renommée de François Ruy-Vidal...




Les années Ruy-Vidal et Harlin Quist


En 1966, François Ruy-Vidal crée une Sarl sous la nom "Les livres d'Harlin Quist", domiciliée à dans son appartement à Paris 54, rue de Montreuil dans le 11° arrondissement. Il est l'associé majoritaire (51% des parts contre 49% à Harlin Quist) et le gérant non salarié. Les deux associés commencent à publier leurs premiers livres conçus entre New-York et Paris, mais dont le copyright est américain.

Pourtant, dès 1967, conscients d'une stratégie qu'il ne veut pas suivre, Harlin Quist et François Ruy-Vidal décident d'un commun accord de dissocier leurs initiatives de conception. Il n'empêche que leur publication, bien que peu diffuser, connaissent une répide estime dans la profession. Ainsi, Le Voyage extravagant, illustré par Nicole
Claveloux
, obtient un premier prix du New-York Times. François Ruy-Vidal en a écrit le texte et le copyright est français.


De 1966 à 1972, trentre-trois livres ont ainsi été publiés, dans le cadre de la Sarl "Les livres d'Harlin Quist", distribués par Diffedit. Certains titres dépendaient d'un copyright américain, tandis que d'autres dépendaient de deux ou plusieurs copyright.

  • 1. Les livres dont le copyright (texte et illustration) est américain. Même lorsqu'il en était le concepteur, le nom de François Ruy-Vidal ne figurait qu'au titre d'éditeur du livre, dans le cadre de la Sarl Quist France. Sans fin la fête et Marceline le monstre en sont les meilleurs exemples. La Sarl Quist France et François Ruy-Vidal détenaient les droits d'exploitation français de huit titres de cette catégorie.

  • 2. Les livres dont une partie seulement du copyright appartient à François Ruy-Vidal et à la Sarl Quist France (l'autre partie appartenant à Quist à New-York). Dans cette catégorie se trouvent Conte n°1 et Conte n°2 puisque François Ruy-Vidal et la Sarl Quist France détiennent les droits du texte d'Eugène Ionesco tandis que Harlin Quist détient les droits du texte pour les versions non-françaises et les droits des illustrations d'Etienne Delessert (version album) pour tous pays. Dans cette catégorie se trouve également Conte n°3 et Conte n°4.

  • 3. Les livres dont le copyright est français (texte, illustration et conception) et dont François Ruy-Vidal et la Sarl Quist France détiennent les droit de revente sur le plan international y compris à Quist New-York. Dans cette catégorie figure Ah ! Ernesto de Marguerite Duras et Les télémorphoses d'Alala de Guy Monréal.




    1967

    Eleonore Schmid et Étienne Delessert, Sans fin la fête, Quist-Ruy Vidal, 1967.

    Réédité en 1980 chez Delarge.

    Citations à L'Art Director Club et à la Society of Illustrators de New-York.

    Les Délicieuses prunes du méchant-Roi-Oscar, conte et illustrations de Rick Schreiter, traduction française de François Ruy-Vidal, F. Ruy-Vidal, 1967, Un Livre d'Harlin Quist.

    Le Géant égoïste, texte de Oscar Wilde, traduction de François Ruy-Vidal, illustrations d'Herbert Danska, F. Ruy-Vidal, 1967, Un Livre d'Harlin Quist.

    1968

    Geraldine Richelson, Qu'est-ce qu'un enfant ?, traduction de François Ruy-Vidal, illustrations de John E. Johnson..., H. Quist, 1968, Un Livre d'Harlin Quist.

    1969

    Eleonore Schmid et Étienne Delessert, L'Arbre, F. Ruy-Vidal, 1969, Un Livre d'Harlin Quist.

    Prix Graphique de la Foire Internationale de Bologne.

    Eugène Ionesco, Conte n°1, ill. d'Etienne Delessert, 1969, H. Quist/F. Ruy Vidal.

    Marceline le monstre, fable de Mary Lystad, ill. de Victoria Chess, F. Ruy-Vidal, Un Livre d'Harlin Quist.

    Réédité en 1977 chez Delarge.

    1970


    7


    Le Voyage extravagant de Hugo Brise-Fer, texte de François Ruy-Vidal, ill. par Nicole Claveloux, H. Quist, 1970, Un Livre d'Harlin Quist.

    Prix des dix meilleurs livres de l'année du New-York Times.

    Dragons, ill. de Tudor Banus, Quist/Ruy-Vidal, 1970.




    Edward Lear, L'Histoire des quatre petits enfants qui firent le tour du monde, trad. de l'anglais de François Ruy-Vidal, ill. de Stanley Mack, F. Ruy-Vidal, 1970, Un Livre d'Harlin Quist.




    Alala, les Télémorphoses, conte de Guy Montreal, images de Nicole Claveloux, mise en page de Bernard Bohomme, H. Quist, 1970, Un Livre d'Harlin Quist.

    Le Petit cheval de feu, conte de Vladimir Maiakovsky, trad. d'Irène Kalaschnikowa-Brisville, illustrations de Flavio Costantini..., H. Quist, 1970, Les Livres du cyclope. 1.

    Anne Philippe, Atome, le petit singe de la lune, ill. de Jacqueline Duhême, Quist/Ruy-Vidal, 1970.

    Conte n°2, texte Eugène Ionesco, ill. d'Etienne Delessert, Quist/Ruy Vidal, 1970.

    1971

    L'oiseau qui radote, texte et illustration de Bernard Bonhomme et Nicole Claveloux, Quist/Ruy-Vidal, 1971.

    Comtesse de Ségur, La Forêt des Lilas, ill. de Nicole Claveloux, Quist/Ruy-Vidal, 1971.




    Le Galion, ill. de Guillermo Mordillo, Quist/Ruy-Vidal, 1971, sans texte.

    Diplême Loisirs Jeunes 1971. Prix des critiques en herbe de la Foire de Bologne.

    Madeleine Chapsal, Hop la !, ill. de Bernard Bonhomme et Nicole Claveloux, Quist/Ruy-Vidal, 1971.

    Andromédar S.R.1, texte de Martin Riskens et Hans Stempel, ill. de Heinz Edelmann, trad. de Brigitte Lacroix, Quist/Ruy Vidal, 1971.

    1972




    Pierre l'ébouriffé, de Heinrich Hoffmann, adaptation de François Ruy-Vidal, illustrations, Claude Lapointe, Quist/Ruy-Vidal, 1972.

    Monsieur l'Oiseau, texte et illustration de Patrick Couratin, Quist/Ruy-Vidal, 1972.

    Prix Graphique Loisirs Jeunes 1972. Prix des 50 plus beaux livres 1972.




    Richard Hughes, Gertrude et la Sirène, ill. de Nicole Claveloux, Quist/Ruy-Vidal, 1972.

    Gordon Sheppard, Adieu Monsieur Poméranie, ill. de Jacques Rozier, Quist/Ruy-Vidal, 1972.

    Grand Prix des Treize 1972.




    Conte N°3, d'Eugène Ionesco, ill. de Philippe Corentin, Quist/Ruy Vidal, 1972.




    Marguerite Duras, Ah ! Ernesto !, ill. de Bernard Bonhomme, Quist/Ruy-Vidal, 1972.




    Jacqueline Held, Le chat de Simulombula, ill. de Bernard Bonhomme, Maurice Garnier et Nicole Claveloux, Quist/Ruy-Vidal, 1972.

    Sur manuscrit, avait reçu le Prix 1970 de l'O.R.T.F. de littérature pour la jeunesse.




    Jean-Pierre Abraham, L'homme aux pigeons, ill. de Alan E. Cober, Quist/Ruy Vidal, 1972.




    Albert Cullum, Le Géranium sur la fenêtre, vient de mourir..., adaptation de François Ruy-Vidal, ill. Collectif, Quis/Ruy Vidal, 1972.

    François Ruy-Vidal, Théo la terreur, ill. de Jean-Jacques Loup, Quist/Ruy Vidal, 1972.

    Crazy Cow-Boy, texte et illustration de Guillermo Mordillo, Quist/Ruy Vidal, 1972.




    Manipule 1, 2, 3, 4, texte de François Ruy-Vidal, Bernard Bonhomme et Jean Seisser, ill. de Bernard Bonhomme, Yvette Pitaud, Tina Mercié, Patrick Couratin et France de Ranchin, Quist/Ruy Vidal, 1972.

    Et si vraiment les oiseaux existaient, P. Courantin et Tina Mercié, Quist-Ruy-Vidal, 1972.

    Les années Grasset




    En décembre 1972, la Sarl Quist France est menacée de dépôt de bilan par son photograveur à qui François Ruy-Vidal refuse délibérément de payer la photogravure du livre Le Galion de Mordillo parce qu'il a livré contre son grè, un jeu de duplicata des films du livre à Harlin Quist (lequel a dit que le livre lui appartenait puisqu'il portait son nom).

    Dans la foulée, il va s'empresser de vendre personnellement sur le plan international les éditions multiples qui en seront tirées hors les intérêts de François Ruy-Vidal et de la Sarl Quist France. Ruy-Vidal entame alors une action en justice.

    Pour faire face aux frais judiciaires engagés et aux exigences du concordat, François Ruy-Vidal accepte alors la proposition qui lui est faite de créer un département jeunesse chez Grasset.

    Les éditions Grasset, qui publiaient déjà quelques livres de qualité à l'intention des enfants (avec notamment des auteurs comme Jacques Prévert ou André Maurois), ne fondent une véritable politique éditoriale dans ce domaine qu'avec l'arrivée de François Ruy-Vidal en mai 1973. En juillet, Ruy-Vidal commence à éditer dans la cadre de Grasset jeunesse. Il y publiera une trentaine de livres en deux ans et demi, avec des auteurs comme Jean-Claude Brisville, Jacques Chessex ou encore Jean Chalon, illustrés par Danièle Bour, Alain Gauthier ou Nicole
    Claveloux
    .

    Pourtant, les difficultés judiciaires ne le quitte pas et la brouille entre lui et Harlin Quist est largement entamée. De son côté, Harlin Quist, estimant que les difficultés que rencontre Ruy-Vidal et la société qui porte son nom ne le concernent pas, décide de publier, dans une autre structure éditoriale, sous le titre "Encore un livre d'Harlin Quist", des livres qui n'ont plus rien à voir avec François Ruy-Vidal (à l'exception de deux livres, Marceline le monstre et Le Géranium, voir les Années Ruy-Vidal et Harlin Quist)

    Entre temps, la dette de la Sarl Quist France et devenue la dette de François Ruy-Vidal, gérant majoritaire. Ruy-Vidal entend alors poursuivre seul ses activités, soit dans le cadre de la Sarl Quist France en cours de réhabilitation, soit dans le cadre d'autres maisons d'éditions.




    1973




    A pied, à cheval ou en lunambule, chansonnettes de François Ruy-Vidal, ill. par Marie-Odile Willig, Grasset, 1973, Albums 3 pommes pour les enfants hauts comme trois pommes.




    La Dompteuse et le musicien, texte de Charles Charras, dessins de Henri Galeron, Grasset, 1973, Collection 7-9 ans.

    Les Feuilles mortes d'un bel été, texte de Françoise Mallet-Joris, illustrations de Catherine Loeb, Grasset, 1973, Collection 9-12 ans.

    Histoire du nuage qui était l'ami d'une petite fille, conte de Bertrand Ruillé, images de Mila Boutan, Grasset, 1973, Album 3 pommes pour les enfants hauts comme trois pommes.




    Au fil des jours s'en vont les jours, texte et illustrations de Danièle Bour, Grasset, 1973, Album 3 pommes pour les enfants hauts comme trois pommes.

    Aiglon d'or des moins de 8 ans de la ville de Nice.

    Le Carré est carré et le rond est rond, petit patapon, poèmes de Christian Bonzo, illustrations de France de Ranchin, Grasset, 1973, Album 3 pommes pour les enfants hauts comme trois pommes.

    Poiravechiche, comptines de Claude et Jacqueline Held, illustrées par Tina Mercié, Grasset, 1973, Album 3 pommes pour les enfants hauts comme trois pommes.

    Diplôme Loisirs Jeunes 1973.



    Moa, Toa, Loa et leur cousin Tagada, texte de Guy Monréal, illustrations de Henri Galeron, Grasset, 1973, Album 3 pommes pour les enfants hauts comme trois pommes.

    Un hiver dans la vie de gros ours, texte de Jean-Claude Brisville, illustrations de Danièle Bour, Grasset, 1973.

    1974

    Pom'patapom, comptines, Marie-France Boyer sur des fruits d'Yvette Pitaud, concept de François Ruy-Vidal, Grasset-Fasquelle, 1974, Album 3 pommes pour les enfants hauts comme trois pommes.

    Les Gribouilles, de Bernard Barokas, Grasset, 1974.

    Les Deux caprices, histoire en images de Sabine Monirys, racontée par Roland Topor, Grasset-Fasquelle, 1974, Collection dirigée par François Ruy-Vidal.

    A l'aide Arsène!, illustrations d'Alain Leray, scénario, mise en page et en couleur de Bernard Bonhomme, Grasset, 1974, Collection dirigée par François Ruy-Vidal.

    Le Pense-bêtes, texte de Jérôme Peignot sur des insectes de Colette Portal, Grasset-Fasquelle, 1974, Album trois pommes pour les enfants hauts comme trois pommes.




    Trois petits flocons, Joëlle Boucher, Bernard Barokas, Grasset-Fasquelle, 1974, Collection dirigée par François Ruy-Vidal.

    Prix Graphique de la Foire de Bologne.




    L'Un par l'autre, l'un dans l'autre, l'un pour l'autre, l'un après l'autre, poèmes pluralisés de Jean-Hugues Malineau sur des chiffres de Michel Martre, concept de François Ruy-Vidal, Grasset-Fasquelle, 1974, Album 3 pommes pour les enfants hauts comme trois pommes.

    Jean qui voit Jean qui est vu turlututu têtu, portraits-reflets de Jacques Maréchal sur des masques de Françoise Darne, concept de François Ruy-Vidal, Grasset-Fasquelle, 1974, Albums 3 pommes pour les enfants hauts comme trois pommes.

    Le Petit Poucet, d'après un conte de Charles Perrault, adapté par François Ruy-Vidal ; bande illustrée de Claude Lapointe, Grasset, 1974.

    Lewis Caroll, Alice au pats des merveilles, illustrations de Nicole Claveloux, trad. d'henri Parisot, Grasset, 1974.

    Prix Graphique Loisirs Jeunes 1974. Plaque de la Biennale internationale de Bratislava.




    Bêti-bêta et bête comme chou, acrostiches de Jean-Marie Despinette, sur des images d'Arnaud Laval, Grasset, 1974.




    Zizou, artichaut, coquelicot, oiseau, texte de Jean Chalon, illustrations d'Alain Gauthier, Grasset et Fasquelle, 1974.

    Le Renard qui disait non à la lune, texte de Jacques Chessex, illustrations de Danièle Bour, Grasset, 1974.

    1975




    Contez fleurettes, détours, atours et alentours des parlers fleuris, Jean-Marie Despinette, Monique Michel-Dansac, concept de François Ruy-Vidal, Grasset et Fasquelle, 1975

    La couv. porte en plus : "petit lexique d'un penser fleuri".

    Médaille d'honneur du prix européen de la ville de Trente. Liste d'honneur de la ville de Tokyo.

    Et la belette joue de la trompette, comptines de Jean-Claude Darnal, images rythmées de Claude Lapointe, Grasset, 1975.

    Je ne sais qui, je ne sais quoi, la femme de bon conseil, Pierre Gripari, illustré par Bernard Girodroux, Grasset et Fasquelle, 1975.

    Avant-titre : "Un Conte de la rue Broca"




    Les Trèfle de Longue-Oreille ; Petit Trèfle en péril, de Jean-Claude Brisville, illustrations de Nicole Claveloux, Grasset, 1975, Album trois pommes pour les enfants hauts comme trois pommes.

    Les Trèfle de Longue-Oreille ; Lançons le cerf-volant, de Jean-Claude Brisville, illustrations de Nicole Claveloux, Grasset, 1975, Album trois pommes pour les enfants hauts comme trois pommes.

    Les Trèfle de Longue-Oreille ; Et hop dans le chapeau, de Jean-Claude Brisville, illustrations de Nicole Claveloux, Grasset, 1975, Album trois pommes pour les enfants hauts comme trois pommes.




    Volent, pigeons volent, poème de Marie Morel, dessins et collages de Mila Boutan, Grasset, 1975.

    Prix des 50 plus beaux livres 1975. Diplôme Loisirs Jeunes 1975.

    Le Scaphandrier, conte de Gilles Rosset, illustré par Christian Jauffret, Grasset et Fasquelle, 1975.

    Hoxie Kid et Jasper Bull, élucubrations du Texas à la ville, vécues et présentées par Michel Gay en séquences animées, Grasset, 1975, Collection dirigée par François Ruy-Vidal.

    Les Petits chemins de Veille-en-Bulle, manuel philocomique vécu et imaginé par Jean-Claude Marol, Grasset, 1975.

    Histoire du prince Pipo, de Pipo le cheval et de la princesse Popi, Pierre Gripari, illustrations par Gérard Brun, Robert Constantin, Alain Gauthier, Jean-Marie Gauthier..., Grasset, 1975.

    Holà Léo ! qu'il est haut !, texte et images de Lydia Devos, Grasset, 1975, Albums 3 pommes pour les enfants hauts comme trois pommes.

    Les années des Editions Universitaires - Jean-Pierre Delarge


    Devant le refus des éditions Grasset de racheter les droits d'exploitation des livres qu'il avait publiés dans la cadre de la Sarl Quist France, François Ruy-Vidal quitte Grasset au début de l'année 1976, sur une proposition du PDG de Diffedit et Directeur des Editions Universitaires.

    Cette proposition l'engageait à créer un département jeunesse et à permettre la réexploitation des titres précedemment publiés par lui dans le cadre de la Sarl Quist France. C'est chose faite en septembre 1976.

    Ruy Vidal créée ainsi le dépatrement jeunesse de chez Jean-Pierre Delarge. De leur côté, les Editions Universitaires assuraient l'apurement de la dette de la Sarl Quist France selon les modalités du concordat.

    Ainsi furent réédités les trois premiers contes d'Eugène Ionesco, puis le Conte n°4 illustré par Nicole
    Claveloux
    . Sera réglée également la cession des droits de ces quatre ouvrages en version poche (Folio junior) aux Editions Gallimard.




    1976




    Au pied de la lettre, déductions imagées de Jérôme Peignot, poèmes graphiques de Robert Constantin, J.P. Delarge, 1976.




    La brousse, Ray Bradbury, ill. de Jean-Marie Gauthier, trad. de C. Andronikof, J.-P. Delarge, 1976.

    Extrait de "L'Homme illustré", "The Illustrated man"

    Pouchi, Poucha et le gros loup du bois, texte de Monique Bermond, illustré par Yvette Pitaud, J.P. Delarge, 1976.

    Dikidi et la sagesse, antifables de Jacqueline Held, illustré par Yvette Pitaud, Robert Constantin, Gérard Hauducoeur, Claude Lapointe, etc., J.-P. Delarge, 1976.

    Conte numéro 1, Eugène Ionesco, illustré par Étienne Delessert, J.-P. Delarge, 1976, Réédition.




    Conte numéro 2, Eugène Ionesco, illustré par Étienne Delessert, J.-P. Delarge, 1976, Réédition.

    Conte numéro 3, Eugène Ionesco, illustrations de Philippe Corentin, J.-P. Delarge, 1976, Réédition.

    Conte numéro 4, Eugène Ionesco, illustré par Nicole Claveloux, J.-P. Delarge, 1976.

    Boucle d'or et les trois ours, texte d'Henriette Bichonnier, ill. de Danièle Bour, Delarge, 1976.

    1977




    Marceline le monstre, fable de Mary Lystad, illustrations de Victoria Chess ; traduction de François Ruy-Vidal, J.-P. Delarge, 1977, Réédition.




    L'Enfant qui voulait voir la mer, Jean-Claude Brisville, illustré par Robert Constantin, J.-P. Delarge, 1977.

    Prix des 50 plus beaux livres 1977.




    Les Avatars de Pilou, Jean Joubert, images d'Alain Gauthier, J.-P. Delarge, 1977.




    Le Voyage à Poudrenville, conte-poème de Jean Joubert, images de Danièle Bour, J.-P. Delarge, 1977.




    La Courte échelle, texte et images de Fulvio Testa, J.P. Delarge, 1977.

    Le Premier saut, texte de Mildred Kantrowitz, illustré par Nancy Winslow Parker ; traduit par Lydia Devos, J.-P. Delarge, 1977.

    Le Choix du roi des rois, texte de Christopher Gregorowski, illustré par Caroline Browne ; traduit par Bertrand Galimard Flavigny, J.-P. Delarge, 1977.




    Marie et Marie, des villes et des champs, texte et images de Catherine Waller, J.-P. Delarge, 1977.

    1978

    Les Oreillons, histoire de Vivian Ostrovsky, illustrée par Rose Ostrovsky ; traduit du portugais, J.P. Delarge, 1978.

    Pierre qui mousse, texte de Daniel Thibon, illustrations de Mila Boutan, J.-P. Delarge, 1978.

    Brun l'ours et Le Bois, histoire de Tonino Conte, illustrée par Alain Letort, J.-P. Delarge, 1978.

    Zoo, o, o, o, oh !, douze continets de Jack-Alain Léger, illustrés par Alain Letort, J.-P. Delarge, 1978.




    Le Secret de la source, texte de Jean-François Ferrané, images de Catherine Waller, J.-P. Delarge, 1978.

    Georges Brassens, récueil de 35 partitions, F. Ruy-Vidal, édition Alain Pierson, 1978

    La chenille, de Fabrice Boissière, ill. de Serge Ceccarelli, F. Ruy-Vidal, édition B.D.C. Italiques, 1978.

    1979




    Tommy et l'éléphant, Juan Ballesta, traduit et adapté par Bernadette Delarge, J.P. Delarge, 1979.




    Le Tigre du douanier Rousseau, texte et illustrations de Kate Canning, traduit par Lydia Devos, J.-P. Delarge, 1979.




    Helga, histoire d'amour drôle et troll de Tomie De Paola, traduit et adapté par Lydia Devos et Odile Périvier-Baudel, J.-P. Delarge, 1979.




    Le Clown de Dieu, légende de toujours racontée et illustrée par Tomie De Paola, traduit par Lydia Devos, J.-P. Delarge, 1979.

    Texte d'Anatole France.




    Le Chat noir, extraits, Edgar Poe, illustré par Nicolas Kéramidas, J.P. Delarge, 1979.

    François Ruy-Vidal et les Editions de l'Amitié



    En 1978, sollicité par les Editions de l'Amitié, François Ruy-Vidal accepte un nouveau contrat de trois ans.


    Le Bistouri de Mlle Dard, histoire de François Ruy-Vidal, illustrations de Jacques Lerouge, Éditions de l'Amitié, 1979, Collection rose et noire.




    Charlie Wurlitzer, écrivain, histoire de François Mottier, illustré par Alain Bartmann, Éditions de l'Amitié, 1979, Collection Amimaginaire.




    Carabi Toto Carabo, recueil de chansons anciennes, ill. d'Alain Letort, Editions de l'Amitié, 1979.

    Nabiscounaberne, histoire de Jean-François Ferrané, sur des idées de Catherine Enjolet et de Jean-François Ferrané, illustré par Serge Ceccarelli, Éditions de l'Amitié, 1979, Collection rose et noire.




    Paroles d'arbre, histoire d'Yves Labat, illustrations de Monique Michel-Dansac, Éditions de l'Amitié, 1979, Collection Amimaginaire.

    Dans la maison, illustrations d'Yvette Pitaud, Isabel Gautray, Philippe Radigue, Alain Bartmann..., Éditions de l'Amitié, 1979, Animagier.




    La Famille de Pauline, illustrations de Sophie Mathey, Serge Ceccarelli, Mila Boutan, Anita Becker..., Éditions de l'Amitié, 1979, Animagier.

    Autour du berceau, illustrations de Serge Ceccarelli, Sophie Mathey, Alain Letort, Yvette Pitaud..., Éditions de l'Amitié, 1979, Animagier.

    Au jardin public, illustrations d'Alain Gauthier, André Vial, Isabel Gautray, Philippe Radigue..., Éditions de l'Amitié, 1979, Animagier.

    Un Chien de saison, la philosophie dans le chenil, extraits, Maurice Denuzière, illustrations d'Alain Gauthier, Éditions de l'Amitié, 1979.

    Médaille de Bronze au festival du Livre d'Art de la ville de Leipzig.

    Claude Nougaro, récueil de partitions, Editions de l'Amitié, 1979.

    1980

    Le Secret du domaine, Pascal Quignard, illustrations de Jean Garonnaire, Éditions de l'Amitié, 1980.




    Mouna et le petit fantôme, histoire d'André Hodeir, illustrations d'Alain Gauthier, Éditions de l'Amitié, 1980, Collection rose et noire.

    Le Fabuleux destin d'Adèle Lapinou, histoire d'Henriette Bichonnier, illustrations de Danièle Bour, Éditions de l'Amitié, 1980, Collection rose et noire.

    Blouson bleu, conte de Jean Joubert, illustrations de Gérard Hauducoeur, Éditions de l'Amitié, 1980.

    Maxime Le Forestier, récueil de partitions, Editions de l'Amitién 1980.

    1981

    Les Papillons de Pimpanicaille, comptines et formulettes d'ici, de là-bas et d'ailleurs réunies et présentées par F. Ruy-Vidal ; illustrations d'Alain Gauthier ; traductions, François Ruy-Vidal, Caroline Scob, Tania Gensous, Éditions de l'Amitié, 1981.

    Les souliers lilas de Mon âne, recueil de chansons anciennes, ill. de Denis Pouppeville, Editions de l'Amitié, 1981.

    Les Petits mensonges blancs, histoire de François Ruy-Vidal, illustrée par Mila Boutan, Éditions de l'Amitié, 1981, Amimaginaire.

    La Première nuit, histoire de Nicole Chosson, illustrée par Alain Letort, Éd. de l'Amitié, 1981, Collection Rose et noire.




    Le Ciel inévitable, Jean-Claude Brisville, illustrations de Jean Garonnaire, Éditions de l'Amitié, 1981.

    Le Merveilleux projet de Ludovic Biscuit, histoire de Marc Desmazières, illustrée par Nicolas Guilbert, Éditions de l'Amitié, 1981, Amimaginaire.




    Chevêche, aussi rouge que l'aurore, Odile Cail, illustrations de Frédéric Clément, Éditions de l'Amitié, 1981, Amimaginaire.

    Le Jardin zoopalogique, Jean-François Ferrané, illustrations d'Olivier Renou, Éditions de l'Amitié, 1981, Amimaginaire.

    Histoires de la lune et quelques étoiles, Jean Joubert, illustrations de Jean-Marie Vivès, Isabelle Molinard, Patrick Pélissier, Sylvie Saulnier...Éditions de l'Amitié, 1981.

    Un chien de saison, texte de Maurice Denuzière, ill. d'Alain Gauthier, Editions de L'Amitié, 1981.

    1982

    L'Habit d'Arlequin, fables choisies de France et d'autres lieux, ill. d'Alain Letort, F.-Ruy-Vidal, Editions de l'Amitié, 1982.

    Léo Ferré, récueil de parititions, F. Ruy-Vidal, éditions Alain Pierson, 1982.

    Edith Piaf, récueil de partitions, F. Ruy-Vidal, éditions Alain Pierson, 1982.

    J'ai vu un dinosaure qui mangeait des étoiles, texte de Bernard Barokas, Édition de l'Amitié, 1984.

    Autres publications de François Ruy-Vidal


    Sorcières !, un procès au Moyen Age, texte de François Ruy-Vidal, ill. de Jacques Lerouge, Berger-Levrault, 1985, Coll.Leçons de choses

    Les Contes de fées et l'art de la subversion, étude de la civilisation des moeurs à travers un genre classique, la littérature pour la jeunesse, de Jack Zipes, trad. de l'anglais par François Ruy-Vidal, Payot, 1986, Bibliothèque historique.

    François Ruy-Vidal nous parle des contes de Ionesco




    Moi qui ai eu vingt ans dans les années 50, j'ai toujours associé Eugène Ionesco à nos grands écrivains de l'après-guerre, et plus particulièrement à Jean-Paul Sartre et à Albert Camus qui, tous deux philosophes, écrivirent aussi pour le théâtre.

    Eugène Ionesco nous invitait à prendre conscience de cette réalité noire dans laquelle nous avions pataugé. Sa philosophie du quotidien, au quotidien, de ses personnages dérisoires, de ces situations dans lesquelles ils se débattaient, de cet univers inquiétant jusqu'au comique dans lequel ils barbotaient ou se noyaient, était bien proche de notre spleen d'adolescents mal grandis, témoins muets et fascinés des dilemmes, des transes, des angoisses et des récits d'actes héroïques des aînés revenus de la guerre.

    Pour commencer à croire en nous, il fallait bien emprunter les chemins d'une certaine dérision.

    Comme tout apprenti comédien, j'avais appris des scènes entières de Jacques ou la Soumission, Les Chaises, Victimes du devoir ou Amédée ou comment s'en débarrasser. Puis, plus tard, celle du Rhinocéros ou du Piéton de l'air.

    Ce fut dans les années 60, dix ans après la création par Nicole Bataille de La Cantatrice chauve (anti-pièce comme l'avait intitulée l'auteur) que j'eus l'occasion de participer, accompagné de mon fils, âgé de sept ans, à des répétitions de cette inexistante et omniprésente "Cantatrice"...Je fut surpris de l'attention qu'il accordait à l'enchaînement incongru des réparties et du plaisir qu'il prenait à suivre les jeux, intellectuels, décapants, auxquels se livraient, avec brio, des personnages bien moins conscients, ou bien plus conscients de leurs états que le commun des mortels ou que des caractères habituels de théâtre français.


    Pour tout dire, Pierre-François, sept ans, riait aux éclats. L'humour de cet anti-ma-nuel de savoir-vivre et raisonner logiquement lui était accessible. Et je prenais conscience, moi qui étais à cette époque encore enseignant, que je n'aurais jamais osé, sans cette constatation, proposer une telle confrontation entre son auteur anti-conformiste, voir anarchiste (tous les critiques de l'époque étaient unanimes) et des enfants.

    D'ébahissement je le questionnais, "Est-ce que tu comprends ?", "Bien sûr !", me répondit-il. "Mais que comprends-tu ?", "Ben tout !", "Ah !"

    Le temps passa. Je ne voulais pas être comédien et j'avais quinze années d'enseignement. L'édition me tentait et je sautais le pas, fidèle néanmoins à la pédagogie, puisque je venais de décider de contribuer, avec Harlin Quist, à publier des livres pour la jeunesse.

    Etienne Delessert, jeune illustrateur que j'avais rencontré à Paris, s'était installé à New-York. Un des ses tout premiers livres, Sans fin la fête, somptueusement produit, venait d'être salué comme le livre le plus détestable de l'année par le Publisher Weekly ! J'étais persuadé que le texte manquait de force et que la littérature n'est pas qu'un alignement d'idées juxtaposées. Je tentais de convaincre l'illustrateur, dont je ne doutait pas du talent, de consacrer son œuvre autant à servir ses idées que celles d'un écrivain. Je parlai littérature, semblant l'opposer à cette création graphique dont Delessert voulait pour protéger ses optiques, me faire admettre qu'elle était, puisqu'elle s'adressait aux enfants, suffisante.

    Je dus revenir plusieurs fois à la charge... avançant la précarité de notre jeune entreprise d'édition, et également sa rentabilité quand je perdais foi en mes convictions.

    Enfin, me prenant au mot, me provoquant puisque je le provoquais, tout en feignant de se ranger à mes conseils, Etienne me rétorqua, "Bon, d'accord, mais à condition que ce soit Ionesco ou Beckett".

    Je n'hésitai pas. Cela entrait trop dans mes visées et dans mes goûts et j'opinais, "Je promets, vous aurez Ionesco ou Beckett".

    Tout commençait véritablement et par un double défi qui ne préservait nullement d'un échec. Je fis rapidement le tour de mes forces et rassemblais, dans une cristallisation hâtive, l'enthousiasme que je vouais au théâtre d'Eugène Ionesco, les remarques banalement logiques que j'avais cru devoir formuler à celui manifesté par mon fils et les associai au talent d'Etienne Delessert et à son désir un peu téméraire.

    M'enjoignant de me surpasser, il s'engageait forcément à se surpasser lui aussi. N'était-ce pas, au fond, ce que nous attendions l'un et l'autre ?...Ce que nous nous devions de mieux.

    Rentré à Paris, je contactais Eugène Ionesco. Je joignis un exemplaire de Sans fin la fête à ma requête, et fut ravi par la prompte réponse. Ce qu'il me disait me comblait, sa fille Marie-France avait grandi, mais quand elle était enfant, il lui avait raconté des histoires qu'il avait presque écrites, enfin pas toutes...

    Quand je reçus les premières, que je les eus lues, je sautais de joie, c'était mieux que je n'avais pu imaginer, un chef-d'œuvre.
    Peu de temps après, une coédition internationale s'amorçait, Etienne Delessert s'était mis au travail, Le Roi se meurt serait joué à Broadway et la publication du Conte n°1 en six langues se confirmait.

    C'est seulement à ce moment que m'est apparue l'énormité du projet et du pari. Si, par chance, nous l'emportions, un esprit d'une autre qualité, pour la première fois, soufflerait dans la littérature pour la jeunesse avec pour conséquence, difficile à faire admettre, cette autre manière sans sérieux de considérer sérieusement les enfants, de les inciter à lire et à rire, leur permettant de jouer de ces vérités qui n'étaient plus la vérité et qui, pourtant, la laissaient transparaître pour mieux être décelée.
    Sur le plan de l'illustration, ce fut, pour Etienne Delessert l'occasion d'un démonstration de talent, d'intelligence et d'amour de son métier. Toute la presse anglo-américaine et allemande, l'admit unanimement. La presse française fut plus réservée. Loisirs-jeunes fit exception. Josette, la petite-fille de ces contes, ne pouvait plus avoir d'autre regard que celui, couleur de noisette et d'amusement, que l'illustrateur lui avait donné. Et on ne pourra plus jamais parler d'album sans citer ce premier conte. C'est d'un chef-d'œuvre insolite d'équilibre, de conception et de mise en page.

    "Ah ! non" dit Madame Bon Sens, la bonne dans le Conte n°2, "...les images ne sont pas des images, ce sont des images". Celles de Delessert sont pleines de clins d'œil complices, pétries de références culturelles, d'allusions, de connivences, donnent à voir et à penser, ravissent, non sans inquiétude ni sans surprise, le jeune lecteur et cet adulte qui, nécessairement, lui offre le plaisir d'un livre à partager.

    Dans la dérision émancipatrice, dans l'illogisme et dans l'humour déroutant, ces contes sont un passeport et un viatique pour la fusée des explorations chimériques vers cet imaginaire qui n'est, après tout, que l'envers du monde possible, reflet de celui-ci sans lequel nous ne nous sentirions pas sur terre de pied ferme.



    François Ruy-Vidal