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Palette... d’artistes, nuances de tons

Les éditions Palette... sont fondées en 2004, à Paris, avec une ligne éditoriale très précise: concevoir des livres d’art pour la jeunesse. La fusion de 2016 avec le groupe Rue des écoles ne les déviera pas de leurs intentions. Elles continuent d’éditer des livres pour toutes les tranches d’âge, des tout-petits aux ados, avec un seul credo, la découverte et la diffusion de la connaissance des arts, l’éveil de la curiosité en ce domaine.

Delphine Bernard
6 janvier 2021

En 16 ans, Palette… a conçu un catalogue riche de plus de 200 titres. En considérant son public à travers de nombreuses catégories d’âge (entre 0 et 18 ans), la maison d’édition propose une offre variée et adaptée qui se décline en différents genres (livres-jeux, monographies, documentaires, livres animés). Palette... aborde l’art de multiples façons: courants artistiques, portraits d’artistes, thèmes transversaux, biais humoristiques, ouvrages sur une seule œuvre, puzzles... La maison fait preuve d’une grande fantaisie de genres et de formes pour nous parler de création contemporaine et plus ancienne. Elle propose des livres qui parlent d’art mais aussi de beaux objets, des livres élaborés, en relation étroite avec le sujet qu’ils abordent et qu’ils servent.

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«1 et 1 font 3», d'Andy Guérif, © Palette...

Delphine Bernard: Bonjour, les éditions Palette...! Vous avez plusieurs collections (L’Art & la manière, Références, Création contemporaine...) pour les différents types d’ouvrages que vous proposez et les différents publics auxquels vous vous adressez. Est-ce que ceci est modulable? Pourriez-vous envisager de composer une nouvelle collection ou l’offre actuelle est suffisamment vaste pour intégrer tous types de nouveaux projets?
Éditions Palette…:
Il nous tient à cœur de faire perdurer les collections existantes en y apportant de nouveaux titres régulièrement mais nous ne nous interdisons absolument pas d’enrichir le catalogue d’ouvrages qui ne rentrent pas forcément dans des cases préétablies, à partir du moment où le sujet et la manière de le traiter nous apparaissent originaux et intéressants.

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«Art & philosophie», d'Anne Dalsuet et «Art & pub», de Mélanie Gentil dans la collection Références ; «Art urbain», de Mélanie Gentil dans la collection Création contemporaine, © Palette...

De quelles façons prennent forme vos projets de livres? Avez-vous un sujet et contactez-vous un expert? Concrétisez-vous des propositions spontanées d’auteurs? Essayez-vous de coller à l’actualité foisonnante des expositions et musées?
Nous avons deux axes de travail principaux: les sujets qui nous tiennent à cœur et pour lesquels nous cherchons les auteurs à même de mener à bien les projets et les auteurs qui nous apportent eux-mêmes des projets que nous finalisons ensemble.

Y a-t-il des récurrences dans vos démarches ou chaque ouvrage est-il une aventure originale?
Chaque ouvrage est un projet à part entière qui part d’une idée plus ou moins précise à l’origine et qui vient s’étoffer avec les échanges avec les auteurs. La manière de travailler ensuite répond à une organisation bien précise et commune aux différents projets: établir un sommaire, imaginer l’aspect physique de l’ouvrage, établir le budget iconographique nécessaire et enfin lui donner forme. Ce travail est d’autant plus conséquent lorsque le titre aborde une nouvelle thématique et demande une nouvelle approche graphique.

Comment choisissez-vous les auteurs et illustrateurs? Quels sont les conditions, les critères et les prémisses de vos collaborations?
Lorsque les projets nous arrivent directement par les auteurs, nous prenons soin d’être d’accord et de travailler dans la même direction tout au long du projet. Quand l’idée vient de l’éditeur, le choix de l’auteur, qui doit connaître suffisamment le sujet, est crucial, car il ne s’agit pas seulement d’avoir quelqu’un spécialisé mais aussi une personne qui sache s’adresser aux enfants et présenter ce sujet comme une aventure, un nouveau monde qui s’ouvre…

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«Land Art», de Floriane Herrero et Ambre Viaud, «L'art de l'ailleurs», d'Hélène Gaudy et «Body Art», de Floriane Herrero, © Palette...

Vos ouvrages se distinguent par la qualité du texte, le choix des illustrations et le lien que vous tissez entre ces deux aspects. Que pouvez-vous nous dire sur cet équilibre? Avez-vous une ligne directrice précise à ce niveau-là?
L’équilibre est réussi lorsque nous parvenons à répondre à toutes nos ambitions: faire découvrir, par le récit ou par le jeu, sans jamais être didactique ou académique, ouvrir des horizons nouveaux tout en restant accessible, rendre compte de la diversité tout en pointant de manière la plus subtile possible les passerelles et les points communs entre les arts, les styles, les époques…

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«Art & sciences», de Philippe Nessmann , «Les métiers oubliés à travers l'art», de Caroline Larroche et «Art et foot», de Mélanie Gentil, © Palette...

Dans vos livres, la typographie est originale, la mise en pages élaborée, chaque ouvrage est envisagé en fonction de son sujet. Cette dynamique favorise l’aspect immersif et fait écho à l’évolution de la culture muséale. À quand des livres Palette... numériques, en réalité augmentée, en application ou autre réalisation virtuelle? Sont-ce des options envisagées au sein de votre maison d’édition?
Nous allons travailler à proposer l’ensemble de nos livres en format numérique pour faciliter l’accès aux ouvrages quand la version papier n’est pas disponible ou difficile d’accès (fermeture des librairies pendant le confinement…). En revanche, nous ne souhaitons pas aller vers des versions enrichies du livre, car il faudrait de ce fait créer de véritables applications pour que cette dimension soit réellement efficace et l’on s’éloignerait de ce qui nous importe dans la présentation des ouvrages: avoir une progression à la fois naturelle et construite, ne pas s’éparpiller ou ne donner qu’à picorer…

Faites-vous entièrement confiance aux auteurs et illustrateurs ou la priorité est-elle accordée à la cohérence de la ligne éditoriale globale? Quelle part de liberté leur accordez-vous?
Une grande liberté est laissée aux auteurs, surtout quand il s’agit d’ouvrages hors collection, qui ne sont donc pas tenus de suivre une charte préétablie. En revanche, tout se fait dans l’échange et le partage, il faut avant tout que nous ayons les mêmes ambitions, que nous soyons «sur la même longueur d’onde».

Comment définiriez-vous votre travail d’éditeur? Se situe-t-il plutôt dans l’établissement d’un cadre très défini en amont, d’une collaboration tout au long de la conception, dans un travail intense de relecture? Ou un peu de tout cela?
Beaucoup de tout cela. Le rôle de l’éditeur est de jouer les chefs d’orchestre pour que l’ouvrage terminé soit la plus belle des partitions. Son rôle est bien sûr passionnant, parfois difficile, car il doit réellement tenir compte à la fois des ambitions créatives et des contraintes budgétaires. Car si l’éditeur souhaite faire partager sa passion, il doit le faire de telle manière que les ouvrages soient rentables pour faire vivre le plus longtemps possible son catalogue. Il intervient donc en amont et en aval, accompagnant l’auteur dans sa création et mettant en œuvre toute la partie technique de la réalisation.

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«Les animaux dans l'art», de Vanessa Henry-Virly , «Debout!», de Claire D'Harcourt et «Lumière», de Céline Delavaux, © Palette...

Est-ce que l’envie d’éveiller la curiosité des enfants peut biaiser dangereusement l’approche d’un sujet? Comme construire un discours ou voiler certains aspects cruciaux, jouer un peu avec la vérité; au-delà de certains partis pris – humoristiques notamment – clairement et ouvertement affichés comme dans l’ouvrage Toute la vérité sur l’histoire de l’art? Quelle libertés et contraintes vous autorisez-vous par rapport à cela?
Le sujet de l’art est particulièrement délicat à traiter. Il ne s’agit pas d’asséner des vérités ou d’imposer des préférences ou des hiérarchies entre les artistes, les époques, les civilisations mais de permettre une ouverture sur tous ces aspects avec un minimum de clés pour «décoder», comprendre, mettre en perspective. Bien entendu, comme nous n’avons pas non plus vocation à publier des ouvrages purement didactiques, cette ambition est plutôt sous-jacente, elle est présente en filigrane dans chaque projet. Nous l’espérons en tout cas.

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«Toute la vérité sur l'histoire de l'art», collectif, © Palette...

Y a-t-il des sujets que vous vous refusez d’aborder? Avez-vous des tabous? Quelles sont vos limites dans l’exploration d’une histoire de l’art souvent finement corrélée à celle de la subversion (en rapport avec votre public)?
Il ne me semble pas que le problème se pose de cette façon. Nous choisissons les sujets à développer d’une année sur l’autre en fonction des intérêts et des passions qui nous animent. La démarche est donc toujours créative et positive. Nous ne décidons pas d’un thème en réaction ou en opposition… Par contre, nous n’oblitérons pas non plus certains aspects plus difficiles des thèmes choisis. Je pense notamment au titre sur les tatouages que l’auteure aborde sous de nombreuses facettes, même les plus difficiles.

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«Art & tatouage», de Mélanie Gentil, © Palette...

Au niveau des périodes représentées ce sont surtout des sujets postmédiévaux (Renaissance, histoire moderne et contemporaine) qui constituent l’essentiel de votre répertoire. Pourrait-on imaginer un ouvrage sur l’art antique ou les peintures rupestres, par exemple?
Effectivement, nous n’avons pas forcément des titres sur toutes les périodes mais ce n’est pas une volonté affichée, plutôt des opportunités qui ne se sont pas forcément et/ou encore présentées. Je pense cependant à un titre récent que nous avons publié sur les Sept Merveilles du monde de l'Antiquité, qui montre justement cette époque sous une facette plus originale.

De même, dans certains titres récents nous abordons les sujets de manière très transversale (coiffes et parures, masques, par exemple) et nous traitons donc différentes époques.

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«Les Merveilles du monde», de Patrick Weber et «Coiffes et parures», de Sandrine Merle, © Palette...

Comment vivez-vous la situation particulière que nous traversons? Avez-vous pu poursuivre votre activité malgré les restrictions sanitaires? Retrouvez-vous gentiment un rythme de croisière?
Il nous a fallu reporter certains titres pour ne pas les publier alors que les musées et les librairies étaient fermés. Mais ils paraîtront en 2021 (un titre sur les mangas et un autre sur l’architecture, notamment). Cette période a renforcé les besoins de découvrir, de s’ouvrir et de voir de belles choses…

Dans le catalogue de Palette... avez-vous un coup de cœur, un livre pour lequel vous ressentez une fierté particulière?
Je parlerai d’un titre emblématique des envies qui ont motivé la reprise du catalogue Palette…: L’art du rap. Ce titre nous avait été suggéré car ce sujet intéressait particulièrement les plus jeunes sans qu’il y ait beaucoup de propositions dans ce domaine. Nous avons travaillé avec un grand spécialiste de cette musique, qui a réussi par son choix iconographique et son talent d’écriture, proche du journalisme, à raconter l’histoire du rap, d’hier à aujourd’hui, des États-Unis à la France, de manière vivante et accessible. L’ouvrage donne de véritables clés sur les racines de cette musique que les enfants apprécient particulièrement et permet aux plus grands, les parents notamment, d’apprivoiser un peu cet univers.

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«L'art du rap», de Jean-Éric Perrin et «Robert Delaunay, les couleurs en mouvement», de Claire Zucchelli-Romer, © Palette...

Dans un tout autre registre, pour les plus petits, le pop-up sur Delaunay, qui fait vivre la peinture de cet artiste, en faisant danser ses tableaux, répondant sans en avoir l’air à l’ambition musicale et symphonique des œuvres d’origine.

Que réservez-vous aux lecteurs dans un avenir proche?
Notre ambition depuis la reprise du catalogue s’inscrit dans deux directions, tout en restant accessible aux plus jeunes: développer une vision mondiale de l’art en faisant découvrir les civilisations différentes de la nôtre; élargir notre «palette» artistique en traitant moins de la peinture et plus des autres disciplines: nous avons par exemple développé le thème des jeux vidéo et l’univers de l’architecture, commencé à aborder le thème de la musique… Nous allons certainement explorer les champs du cinéma, de la photographie et bien d’autres encore!

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«Art et jeux vidéos», de Jean Zeid , «Des architectures pas comme les autres», de Diane Royer et «Art et musique», de Floriane Herrero, © Palette...

Infos:
Visitez le site Internet des éditions Palette...