Olivier Belhomme

Ricochet - L'atelier du Poisson Soluble fête cette année ses 15 ans d'existence. Quel regard portez-vous sur vos quinze années de travail ?

Olivier Belhomme - Petit à petit, nous avons appris notre métier. Quinze ans, c'est l'âge où on fait des conneries, non ?

Ricochet - Quel était le projet de départ quand vous avez commencé?

Olivier Belhomme - Nous n'avions d'autre ambition que de nous inventer une histoire, pour nous, sans aucune arrière pensée.

Ricochet - D'où est venu le nom de l'Atelier du poisson soluble?

Olivier Belhomme - Emprunt au titre d'un recueil de texte d'André Breton. Mais chut…

Ricochet - Un trait de votre catalogue, est l'infinie diversité de vos genres (conte, humour,...) des styles graphiques, des thèmes ( homosexualité, la peur, la violence, jeux sur le langage, les loups, ...), des formats (livre-objet, livre-accordéon aussi, livre jeu, coffret, imagier, recueil de nouvelles, albums de différents formats) ? Qu'est-ce qui fédère vos choix?

Olivier Belhomme - Faisant fi des collections, notre démarche privilégie le projet. Reçu par la poste ou rencontré sur un salon, nous sommes d'abord séduits par l'histoire, le texte. Ensuite, tout en gardant sa cohérence et en accord avec le ou les auteurs, nous chercherons à l'enrichir par un format, des papiers, une mise-en-page qui le serviront au mieux. Plutôt que de l'étouffer dans un format, un moule pré-défini.

Ricochet - Qu'attendez-vous des projets que vous recevez?

Olivier Belhomme - Qu'ils nous surprennent.

Ricochet - Graphiquement, vous publiez des albums aboutis qui sortent de l'ordinaire, attachez-vous beaucoup d'importance aux illustrations ? A quel type de graphisme êtes-vous attentif?

Olivier Belhomme - Notre souci est, là-encore, la cohérence avec le propos. Nous ne cherchons pas seulement " à faire joli ". Notre catalogue est extrêmement éclectique, effectivement. Du plus classique au plus graphique, chacun de nos illustrateurs a donné le meilleur de lui-même, sans contrainte de nombre de pages ou autres. Ce n'est finalement pas si souvent qu'ils peuvent ainsi abuser d'une vraie liberté. Le maquettiste ensuite, vient peaufiner l'ensemble, ajouter les petites touches qui font la différence. Chaque nouveauté doit être une vraie surprise.

Ricochet - Parmi vos auteurs, on trouve des auteurs français mais aussi anglais comme Owen Dowling, le Canadien Stéphane Poulin, l'Américaine Tatjana Mai-Wyss,...Comment se passe le choix des auteurs-illustrateurs étrangers ?

Olivier Belhomme - Ce sont chaque fois des rencontres (par livres interposés pour Stéphane Poulin puisque nous allons enfin nous voir à Montreuil où il dédicacera " Marius "). Après plusieurs refus, parfois.

Ricochet - Dans votre catalogue, on trouve des albums de Fabienne Séguy et Yann Fastier, un duo qui semble bien fonctionner, comment s'est passée la rencontre avec ces auteurs?

Olivier Belhomme - Yann Fastier, bibliothécaire spécialisé jeunesse, connaissait notre catalogue. Il nous a adressé ses premiers projets que nous nous sommes empressés d'accepter. Il en aboutit quatre par an mais nous ne pouvons, hélas, pas les publier tous.

Ricochet - Y a-t-il des thèmes qui vous intéressent particulièrement?

Olivier Belhomme - Au départ, nous sommes plutôt attirés par les livres qui revendiquent un certain humour. Mais avec l'âge….

Ricochet - Dans votre catalogue, une seule collection, la collection "en queue de poisson", quelle est sa spécificité?

Olivier Belhomme - Nous n'aimons tellement pas les collections. Nous avons appelé celle-ci " en-queue-de-poisson ", pensant justement n'y publier qu'un titre. Il s'agit en fait de recueils de nouvelles, loufoques, farfelues, humoristiques… qui s'adressent à des tranches d'âge très variées et pas du tout indiquées sur la couverture.

Ricochet - Vous préconisez la qualité, cela demande des choix parfois difficiles?

Olivier Belhomme - Non. Il faut prendre du temps, réfléchir ensemble, avec les auteurs et les illustrateurs, échanger des idées.

Ricochet - Au niveau de la diffusion et de la distribution, vous avez constitué un réseau de libraires militants. Comment avez-vous construit ce réseau de distribution? En êtes-vous satisfaits?

Olivier Belhomme - Ce réseau s'est bâti au fil du temps, moitié par rencontre, moitié par bouche à oreille. Nous en sommes très satisfaits, puisqu'il garantit notre indépendance économique et notre liberté éditoriale. Cependant nous connaissons nos points faibles (Paris, Ile de France…)

Ricochet - Vous proposez une "collection" de livres-objet réalisés par Delphine Perret, comment est né ce projet?

Olivier Belhomme - Delphine est venue nous présenter son premier projet à Montreuil, il y a … 3 ans! Elle venait d'entrer aux Beaux-Arts à Strasbourg. Son livre est sorti alors qu'elle y était encore.

Ricochet - Pouvez-vous nous dire quelques mots sur vos nouveaux projets " Lèche-casserole", sorti en octobre 2004

Olivier Belhomme - Un conte inspiré d'une tradition, sans être pour autant du tout traditionnel, dans la continuité de " Le Tyran, le Luthier et le Temps " (prix octogone 2003), servi lui aussi par un illustrateur remarquable.

Ricochet - et ceux qui paraîtront en 2005, "On-dit" et "Libellule"?

Olivier Belhomme - "On-dit" : le nouvel album de Yann Fastier & Fabienne Séguy, qui aborde le thème de la rumeur et va encore, je le sens, provoquer bien des débats, avec sa fin ouverte à toutes les interprétations. Yann innove en utilisant cette fois une technique proche du lavis, toute en nuance. "Libellule" est notre GRAND projet du printemps. Un album universel sur les premiers chagrins d'amour.

Ricochet - Dès le printemps 2005 va apparaître le site internet de l'Atelier du Poisson soluble....Que va-ton y trouver?

Olivier Belhomme - Effectivement. Pour suppléer notre catalogue papier et renvoyer plus facilement les lecteurs chez nos libraires partenaires qui nous défendent toute l'année près de chez eux. On y trouvera le catalogue, diverses infos et liens sur les auteurs, une rubrique actualité et la liste des librairies partenaires.

Ricochet - Quels sont vos projets dans les quinze prochaines années?

Olivier Belhomme - Un plein tiroir à publier. Après, on ne demande qu'à être séduit.

Ricochet - D'auteur, vous êtes passé au métier d'éditeur, est-ce deux démarches qui se complètent?

Olivier Belhomme - Non. L'écriture est une " erreur " de jeunesse qui aura au moins permis de devenir éditeur. Travail moins solitaire.

Ricochet - Vous êtes deux à la barre de l'Atelier du Poisson Soluble. Comment vous répartissez-vous les tâches ? Chacun a ses spécificités...

Olivier Belhomme - Stéphane Queyriaux accompagne le travail des illustrateurs et met en page les livres. Il suit également la fabrication. Je m'occupe de toute la diffusion et de la distribution.

Ricochet - Quelle est la qualité que vous appréciez le plus chez votre collègue?

Olivier Belhomme - De ne pas avoir du tout les mêmes goûts que moi.