Natacha Derevitsky
Plus de 100 ans après sa naissance, Peter Pan, cet enfant qui ne voulait pas grandir, fait toujours parler de lui. Ce 5 octobre sortait simultanément dans 23 pays le « Peter Pan in Scarlet », la suite des aventures de Peter Pan, ce héros gracieux, désinvolte et capricieux. C’est Géraldine McCaughrean, prolifique auteur pour la jeunesse anglaise qui a gagné le concours international et la charge d’écrire une suite à l’œuvre de James Matthew Barrie. Les éditions Pocket jeunesse publient la traduction française sous le titre « L’habit rouge de Peter Pan ». Natacha Derevitsky, directrice littéraires des éditions Pocket jeunesse, nous évoque cette sortie.
- Comment avez-vous négocié la traduction française de cet ouvrage ?
Lors d'un de mes voyages à Londres l'année dernière, j'ai rencontré un agent qui m'a parlé de ce projet un peu « off », extrêmement confidentiel. Cette initiative est venue de l’hôpital pour enfants, le Great Ormond Street Hospital auquel James Matthew Barrie avait en 1929 cédé ses droits d'auteur. Avant que les droits de cet ouvrage ne viennent à expiration, les responsables de l’hôpital ont décidé pour la première fois d’autoriser l’écriture d’une suite officielle à Peter Pan. Ils ont donc organisé un concours international pour trouver l’auteur capable de reprendre le flambeau. Le projet de Géraldine Mc Caughrean a été jugé le plus intéressant par le jury qui lui a donc confié cette suite. Les 60 premières pages de son texte ont suffit pour nous convaincre ainsi que les éditeurs de 23 autres pays. Peter Pan est une légende et nous sentions qu’il y avait quelque chose d’intéressant à jouer.
- Ecrire la suite d’un tel monument littéraire est certes osé. En quoi selon vous, Géraldine Mc Caughrean, réussit-elle ce pari ?
Elle a su trouver le bon équilibre entre le respect de l’esprit de l’original et l’intrigue nouvelle qu’elle a inventée. On retrouve l’atmosphère londonienne au début de l’histoire ainsi que les personnages fabuleux du Pays Imaginaire. Ce texte est bien sûr un hommage à l’univers de Peter Pan mais surtout, il existe aussi par lui-même, notamment grâce à l’écriture très poétique de Géraldine Mc Caughrean et à son imagination débordante.
Il faut aussi préciser qu’elle a plus puisé son inspiration dans le livre de Sir Barrie que dans le dessin animé de Walt Disney que nous connaissons tous. C’est pour cela que nous avons souhaité ajouter un résumé de l’histoire originale au début du livre. Je précise aussi que, comme pour le texte original, les droits d’auteur de la suite seront versés à l’hôpital pour enfants de Londres.
Photo OUP
-Sur quels ressorts joue l’auteur pour amorcer cette suite ? Va-t-on retrouver le capitaine Crochet ? La fée Clochette ?
Wendy et les enfants Perdus ont donc vieilli et c’est le point de départ de ce nouvel opus. Les anciens compagnons de Peter Pan sont devenus des adultes, des bourgeois très respectables et se rencontrent dans un club sélect. Mais la nuit, ils rêvent du Pays Imaginaires et retrouvent dans leur lit un objet venu de ce lieu merveilleux de leur enfance. Leur vie en est complètement perturbée. Ils en concluent que quelque chose s’est détraqué là-bas et qu’ils doivent y retourner. Pas facile pour ces bourgeois de redevenir enfants. Guidés par un farfadet qui est comme un double de la fameuse fée Clochette, ils parviennent malgré tout à s’envoler vers le Pays Imaginaire.
Ils y retrouvent Peter, Clochette et tous les personnages de l’œuvre originale dont Crochet, bien sûr. De nouveaux protagonistes apparaissent aussi au fil de cette histoire très riche, dont un certain Effilo, le mystérieux directeur d’un cirque très étrange.
Peter, lui, n’a pas changé, toujours aussi espiègle et sûr de lui. Mais il semble se transformer peu à peu de façon presque inquiétante…
- Quel ton a-t-elle donné à cet ouvrage ? En quoi se distancie-t-elle de l’œuvre de James Matthew Barrie ? Quels sont les éléments neufs qu’elle apporte ?
Géraldine Mc Caughrean est parvenue à donner beaucoup d’émotions à son récit en jouant sur les ressorts de l’imagination. Imagination des Enfants Perdus et imagination du lecteur, bien sûr. Cette histoire littéraire prend alors beaucoup de profondeur : en la lisant on passe par des émotions très diverses, en même temps que les héros. Le lecteur rit des épisodes loufoques, très réussis et détaillés, mais il tremble aussi quand les Enfants Perdus s’aventurent dans la partie interdite de l’île ou quand il comprend qui est vraiment Effilo. Certains passages sont aussi très poignants, comme celui où Peter et les enfants évoquent les mères qu’ils n’ont jamais revues. Ces émotions fortes donnent une grande humanité au texte et à ses personnages, qui sont tout sauf lisses. En particulier Peter qui est drôle, attachant mais aussi parfois inquiétant, surtout en présence de LA trouvaille de Géraldine Mc Caughrean, ce manteau rouge qui apporte une vraie ambiguïté dans le récit…
- Rassurez-nous, à la fin de cette histoire, Peter Pan reste bien au Pays Imaginaire...
Oui, bien sûr. Peter Pan, qui symbolise les rêves des enfants du monde entier ne peut pas partir du Pays Imaginare tandis que les Enfants Perdus, eux, retrouvent bien leur vie d’adulte, mais changés à jamais par cette aventure. En cela aussi, L’Habit rouge de Peter Pan, tout en conservant sa grande originalité, reste très fidèle à l’œuvre originale.
- A qui avez-vous confié la traduction de cet ouvrage ? Pourquoi ce choix ?
Nous avons choisi Marie Leymarie, une de nos très bonnes traductrices avec qui nous avons l'habitude de travailler sur des textes haut de gamme. On a eu quatre ou cinq versions de la part de Géraldine Mc Caughrean. Sans doute avait-elle des doutes, des interrogations…. Ce n’est pas habituel et on sentait que chaque mot était choisi. La traductrice a donc été vigilante, très soucieuse d'avoir le mot qu'il faut. Et le résultat est, je crois, à la hauteur.
- Peut-on imaginer un jour qu’il y ait un troisième tome ?
Difficile de prévoir un troisième tome, mais qui aurait imaginé qu’un jour quelqu’un écrirait une suite à Peter Pan ? Tous les espoirs sont permis, mais savourons déjà ce livre-là. En revanche, une adaptation cinématographique de cette histoire pourrait être envisagée... A suivre.
-Quels sont les premiers retours chez vous et ailleurs ?
Chez nous, ils ont été excellents et continuent de l’être ! Retour médiatique exceptionnel avec une centaine d’articles (élogieux !) dans la presse, reportages télés et radios. Il est vrai que lancer un livre simultanément dans 23 pays ne passe pas inaperçu.
Par ailleurs le livre a été mis en vedette au salon de Montreuil. Le thème de cette année s’y prêtant particulièrement avec « le rapport au TEMPS » ! A l’étranger, l’Angleterre a eu des scores de ventes tout à fait incroyables dûs à la grande notoriété de Barrie, de l’auteur, Géraldine Mc Caughrean, et de l’hôpital Great Ormond Street qui est à l’initiative de cette suite officielle.
Voir aussi
http://www.peterpaninscarlet.com/
http://www.gosh.org/
http://www.geraldinemccaughrean.co.uk