Le MUZ
Un Musée virtuel pour les oeuvres des enfants
Un Musée virtuel pour les oeuvres des enfants
Depuis le mois de novembre 2009, il existe sur Internet un nouveau musée un peu particulier entièrement dédié aux créations des enfants. Son nom: le Muz, le musée des œuvres des enfants. Le bouillonnant Claude Ponti est un des huit fondateurs de ce projet porté par une équipe de 4 personnes et soutenu par une cinquantaine de parrains de choix, personnalités du domaine de la culture ou de l'enfance. Le musée présente des dessins, des écrits, des sculptures, des photos, du son et des vidéos, choisis avec exigence et sans complaisance. Plus qu'un musée, ce lieu transdisciplinaire se veut aussi une plate-forme d'échanges, de créations et de réflexions. Entretien avec Anne Josse, chargée de communication et des relations avec la presse et des partenariats.
- Quelle est l'origine du projet ? Comment a-t-il vu le jour ?
Le Muz n'aurait pas pu voir le jour sans la personne de Claude Ponti. Il est parti du constat qu'il existait une contradiction entre ce qu'on pouvait solliciter en terme de créativité auprès des enfants et ce qu'on faisait de cette créativité. Force est de constater que la plupart du temps, les créations des enfants sont peu relayées ; souvent elles finissent dans un placard, à la cave ou dans une poubelle ! A notre connaissance, il n'existe pas aujourd'hui d'endroit qui rassemblent ses créations, quelles que soient leurs formes, quelles que soient leurs origines, qui pourtant font partie de notre patrimoine culturel. C'est de ce constat et de ce manque qu'est né le Muz avec l'envie de donner à voir les œuvres des enfants au plus grand nombre, de les valoriser et de mettre en réseau, les personnes qui favorisent l'émergence de cette créativité et ce travail des enfants.
- Votre approche semble vouloir se défaire des a priori sur les créations des enfants. Quels sont les fondements et les spécificités de celle-ci ?
Habituellement, tout se fait par le prisme du dessin et comme si le champs d’expression des enfants se limitait au cadre d’une feuille de papier ! C'est sans doute lié à l'histoire du trait, à travers lequel beaucoup de spécialistes cherchent à lire l’évolution de l’enfant ou encore la trace d'un langage universel. Le dessin fait partie d'un tout, d'une quantité parfois insoupçonnée d'œuvres d'enfants. En accueillant dans ses différentes salles, non seulement des dessins, mais aussi des jouets, des costumes, des statuettes, des fresques, des textes, des musiques, faites par les enfants, le Muz se fait l’écho de la diversité des formes de création et donne toute sa place à d’autres cultures qui n’ont pas toutes une tradition de l’écrit et du dessin. C’est ce qui en fera sa richesse et son intérêt. Nous ne voulons ni nous enfermer dans une technique ni dans une approche particulière. Montrons, donnons à voir ce qui nous semble le plus qualitatif et le plus intéressant parmi les oeuvres des enfants partout dans le monde. Une autre particularité du Muz, c’est qu’il ne s’approprie aucune œuvre et ne se rattache à aucune discipline. Beaucoup de disciplines s'intéressent pour différentes raisons aux oeuvres d'enfants. Elles sont souvent segmentées par domaine. Le psychologue va s'intéresser aux interprétations, l'ethnologue verra dans l'œuvre des traces de culture. Il n'y a pas encore, à notre connaissance, un lieu qui rassemble toutes ces disciplines et qui les dépasse. Le Muz est sans étiquettes, il se veut fédérateur et rassembleur.
"Sans les enfants, l’humanité n’existerait pas. Pourtant les œuvres des enfants ne sont pas considérées comme faisant partie du patrimoine culturel de l’humanité. Quelque soit leur âge, leur pays ou leur culture, les enfants participent à la création du patrimoine culturel de l’humanité au même titre que les adultes.." Extrait du manifeste du Muz, Claude Ponti |
- Plus précisément, que cherchez-vous à mettre en valeur ? Est-ce des œuvres collectives, individuelles, des œuvres réalisées à la maison, dans le cadre d'atelier privé ou à l'école ?
Ce sont principalement des œuvres réalisées par des enfants âgés de 3 ans à 12 ans. Des œuvres individuelles mais aussi des œuvres réalisées par plusieurs enfants comme des fresques par exemple. Mais le critère de l’âge ne doit pas être le seul pris en compte. Dernièrement, on a eu un exemple d'une jeune fille de 13 ans qui a proposé un morceau de musique. Allions-nous lui fermer les portes du Muz ? Certainement pas. En fait, on se rend compte que la notion d'enfance fluctue d'un individu à l'autre et aussi d'une culture à l'autre. Ce qui est important pour nous c’est l’émotion que suscite cette œuvre, son originalité ou plutôt sa spécificité qui va la rendre « unique ». On accorde aussi de l'importance au contexte de création des œuvres. Plus l'œuvre est renseignée (son auteur, son âge, les techniques utilisées, la date de création, sa dimension…), plus elle satisfera la curiosité et l’intérêt des visiteurs! Je lance ici un appel à tous ceux qui nous remontent des œuvres. Pensez à bien renseigner la fiche de l’œuvre. Il arrive que des œuvres nous arrivent sans aucune explication. C’est dommage…
- Tout peut-il être exposé dès lors qu'on est un enfant ?
Au risque de vous décevoir, non. Toutes les oeuvres des enfants qui nous remontent ne seront pas exposées. Tout d’abord nous sommes vigilants sur l’implication des enfants: dans la mesure du possible (difficile quand les œuvres datent !) il faut l’accord des enfants. Ensuite, le Muz revendique un choix par un jury et une sélection selon des critères.
- Justement, pouvez-vous nous dévoiler quelques critères ?
Pour être honnête le premier critère est subjectif : c’est l’émotion que va susciter l’œuvre. Il faut que l'œuvre éveille quelque chose, qu'il y ait une résonance chez celui qui la découvre. Bref, que cela interroge la personne qui va être devant cette oeuvre. Un second critère concerne la qualité des œuvres produites. Il y a une différence entre un simple gribouillis et un investissement de l'enfant avec une vraie intention de partager quelque chose. Sans aller dans l'interprétation, il y a un désir d'échange, quelque chose qui est transmis à travers cette œuvre. Un autre critère, c’est la diversité. Pour schématiser, nous ne voulons pas que des dessins faits par des écoliers français. La constitution du Jury permet un équilibre et une richesse dans les œuvres exposées.
- Qui compose le jury du Muz ? Comment procède-t-il concrètement pour faire entrer une œuvre au Muz ?
Ce jury est composé d'une dizaine de personnes d'horizons différents dans le but de proposer une pluralité de regards et d'approches. Les jurys se font sur base du volontariat. Il nous semble primordial d'être réceptif. Cela peut être un parrain (nous en comptons 55 aujourd’hui !), un enseignant, un partenaire du Muz, ou toutes personnes qui montrent un intérêt pour le projet. Autre point très important pour nous : il n'y aura jamais de notation des œuvres. Les œuvres intègrent d'abord une salle non accessible au public où le jury est invité à se prononcer. Dès qu'une œuvre suscite son l'intérêt, il clique pour qu'elle entre dans le musée. Si la majorité du jury, émet un avis favorable, l'œuvre intègre directement les collections du Muz. Chaque personne, enfant ou adulte qui nous soumet une œuvre est systématiquement informée de la décision du jury par mail.
- Comment sont collectées les œuvres des enfants ?
Pour l’ouverture du Muz, un travail de collecte a été mené auprès de classes ou d'associations qui réalisaient des ateliers et qui possédaient des archives. Ce premier choix permettait de ne pas ouvrir avec des salles vides, et avait valeur d’exemple. Aujourd'hui, les oeuvres nous sont soumises spontanément via le site. Elles arrivent tous les jours. Cela peut être des adultes qui ont collecté des oeuvres d'enfants ou des enfants qui, accompagnés de leurs parents, décident de nous confier leurs réalisations.
- Le Muz s'est entouré d'une cinquantaine de parrains parmi lesquels figurent des éditeurs pour la jeunesse, des auteurs et des illustrateurs, des chercheurs,... Quel est le rôle des parrains ? Plébiscitent-ils certaines œuvres ?
Ces personnes aux profils, parcours, horizons riches et complémentaires, portent le projet depuis sa conception. Ils nous soutiennent et parlent du projet autour d'eux. Ce sont aussi des personnes que l'on sollicite aux différentes phases de création du Muz pour collecter leur avis. Ils ont un regard pertinent et critique. Ils peuvent aussi faire partie des membres du jury. Ce sont un peu nos « antennes paraboliques. Ils émettent les ondes du Muz en même temps qu’ils nous remontent des idées, des informations pour son développement.
l'art de la récup ! Humour exigé
Provenance : association LA SOURCE
- En plus de sa vocation de sauvegarde et d'échange, le projet du Muz s'inscrit-il dans une démarche d'éducation artistique ?
Le Muz n'est pas un donneur de leçons et ne veut pas s’ériger en modèle. Il ne préconise pas une démarche pédagogique en particulier. Il donne à voir plusieurs manières d’explorer sa créativité. Ce n'est absolument pas un projet fermé sur l'éducation artistique. C'est un lieu ressource transdisciplinaire et un lieu de partage. Mais il est vrai que les écoles et les ateliers, en tant que première sources de créations, sont des partenaires privilégiés. C’est pourquoi nous allons bientôt ouvrir pour eux un espace d’ateliers, afin qu’ils nous fassent partager leurs projets.
- Considérez-vous les œuvres des enfants comme des œuvres d'art ?
Tout ce que font les enfants ne sont des oeuvres d'art. On préfère parler de potentiel créatif qui existe en chacun et qui doit être valorisé, entretenu. On ne souhaite pas rentrer dans ce débat sur les origines de l'art. On le laisse aux professionnels. Si le projet du Muz relance une interrogation, tant mieux. Cela permettra de faire réfléchir des personnes sur la place de la créativité des enfants.
- Vous présentez aussi des expositions permanentes et des collections particulières. Que peut-on découvrir à travers ces entrées ?
A côté du fonds de collections du Muz, il existe des collections permanentes et des expositions temporaires qui permettent une autre lecture des œuvres. On peut par exemple regrouper des œuvres autour d'un thème. Pour ce qui est des collections particulières, ce sont des mini-fonds d'œuvres collectées par des personnes, une institution et qui ne peuvent être dissociées car elles s'inscrivent dans une démarche globale. Pour le moment, nous avons 4 collections constituées autour de 4 démarches créatives : « La source » qui encourage la créativité en milieu rural, Germaine Tortel qui intègre la créativité dans une pédagogie de l’initiation, Constellation, qui stimule le potentiel créatif d’enfants en difficulté à travers le monde, Freinet, dont le mouvement revendique le potentiel artistique de l’enfant et le met au service des apprentissages.
- Quel va être le programme de cette année ? Les projets à venir ?
La prochaine étape sera l'ouverture des ateliers qui seront mis en place dès le mois de février. C'est un moyen d'échanges et de communications entre des professionnels pour expliquer leur démarche, faire découvrir les coulisses de leurs projets. Tout le monde est convaincu que la créativité participe au développement individuel des enfants, qu'elle est porteuse de l'identité individuelle et culturelle. Avec ces ateliers, nous allons voir comment le Muz pourra contribuer à l'émergence de nouveaux projets qui favorisent l'entretien et le développement de la créativité. Partout des initiatives formidables se développent. Notre volonté est d'ouvrir le Muz à tout le monde et d'être un lieu international. Cette dimension internationale va prendre du temps, mais on y travaille à travers le réseau de parrains, de correspondants et des personnes qui nous font confiance. Par ailleurs, nous avons un beau programme d’expositions temporaires très différentes les unes des autres. Les visiteurs pourront en être informés via une Newsletter, autre nouveauté de l’année, qui verra le jour avec la prochaine exposition, en février 2010.