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A la recherche d'autres univers graphiques

Fanny LACOUR (étudiante en DUT métiers du livre à l’IUT Paris) - 17/2/2001
1 janvier 1990
« Coup de projecteur sur deux démarches éditoriales indépendantes dans le domaine de l’image. Rencontre avec des passionnés de l’art visuel et graphique pour un autre regard sur l’illustration et la confrontation textes / images. »





Le débat A la recherche d’autres univers graphiques était programmé, dans le cadre du Salon du Livre de Jeunesse, le lundi 4 décembre 2000, entre 15h30 et 16h30 en salle « Le Débat ». Animé par Cécile Maveyraud, journaliste à Télérama, il était l’occasion d’une rencontre entre deux éditeurs indépendants : Pierre-Marie Jamet (P.M.J) et Alain Beaulet (Alain Beaulet Éditions). Le débat avait pour but de mettre en relief des expériences éditoriales originales de conception graphique et de poser les bases d’une réflexion sur le rapport texte / image. Même si les deux éditeurs présents ne sont pas spécialisés dans le secteur du livre jeunesse leur expérience dans le livre illustré avait sa place dans un Salon du livre de jeunesse étant donné la production de livres illustrés qu’engendre un tel secteur.

Il a cependant été regrettable que le débat, dont l’intitulé et le sujet étaient aussi alléchants, n’ait été réduit à une présentation générale de deux petits éditeurs indépendants.



Alain Beaulet a commencé sa carrière dans la publicité, où il a pu travailler avec des artistes de renom tels que Enki Bilal ou Jacques Tardi ; il est venu à l’édition grâce à une campagne publicitaire pour la compagnie FranceRails pour laquelle il avait eut l’idée d’offrir aux clients des sérigraphies et lithographies d’artistes contemporains. En effet, l’envie de faire un ouvrage regroupant toutes ces oeuvres l’a poussé à créer une SARL en 1984, c’est ainsi qu’est née la maison Alain Beaulet Éditions.

Alain Beaulet aime à dire qu’il crée des livres-objets destinés aux bibliophiles, il recherche la nouveauté et l’originalité jusque dans le format (allant de 5x2 cm à 40x50 cm). Pour lui, un livre pour enfant n’existe pas, estimant que ses livres s’adressent à tous. Ses choix éditoriaux sont le plus souvent guidés par des envies et des coups de cœur, son intérêt est de publier des livres que ses auteurs et illustrateurs ne pourraient pas faire chez d’autres.

Il s’estime aussi compétitif que d’autres grands éditeurs (en sortant par exemple un ouvrage de José Munoz à 3 000 exemplaires), mais pour cela il doit ruser pour découvrir des techniques moins coûteuses et rogner sur ses marges. Le problème majeur auquel il est confronté est celui de la diffusion (il est diffusé par Anthracite) : ses ouvrages sont en effet peu présents sur les rayonnages des libraires, mais lui-même admet que certaines de ses publications trouveraient difficilement leur place chez les libraires. La maison d’édition possède en outre un site internet représentant un point de vente, mais celui-ci n’est pas réellement efficace car ne permet pas de contact physique avec le livre. Cependant, bien qu’il maudisse sa mauvaise distribution, Alain Beaulet désapprouve toujours toute démarche marketing.

La maison d’édition est spécialisée dans le roman graphique, c’est-à-dire des ouvrages privilégiant la construction graphique entre le texte et l’image, offrant un contenu plus unifié que celui d’une bande dessinée (il jouera par exemple sur un trait dur associé à un texte évoquant la tendresse). En effet, le cheval de bataille de l’éditeur repose sur la constatation que les graphistes n’ont, en général pas de possibilité de faire de Beaux Livres.



Pierre-Marie Jamet, quant à lui, est issu d’une école d’arts appliqués, il a fondé sa maison d’édition en 1998, après avoir travaillé pendant vingt ans sur la revue PLG dont il était l’un des créateurs. La maison P.M.J a, pour l’instant, édité sept titres (dont quatre cette année), elle est spécialisée en jeunesse mais Pierre-Marie Jamet a pour projet de se tourner vers la jeunesse (il ne souhaite pas fonctionner sur le principe des collections). Ses choix lui sont, là encore, dictés par ses envies avec une prédilection pour la ligne claire. Par ailleurs, son statut de petit éditeur lui permet de nouer des relations de confiance extrêmement serrées avec ses auteurs.

Le tirage moyen de ses ouvrages se situe entre 2 000 et 3 000 exemplaires, mais il produit aussi des estampes ou des lithographies signées de grands noms du graphisme (comme Bilal) pour pouvoir publier des ouvrages moins « vendeurs ».

Distribué par Le Comptoir des Indépendants, Pierre-Marie Jamet se plaint, lui aussi d’une mauvaise diffusion : si l’on peut trouver certains de ses ouvrages dans les Fnac ou les grandes librairies spécialisées parisiennes, elles restent relativement absentes des rayons des librairies de province (cependant ses efforts de promotion se limitent à l’envoi d’e-mails à un petit nombre de librairies spécialisées jeunesse).



Les expériences d’Alain Beaulet et de Pierre-Marie Jamet sont, on vient de le voir, assez similaires : ce sont de petits éditeurs attachés à une certaine qualité graphique mais pas encore résolus à user de méthodes de promotions ; ils s’appuient tous deux sur quelques grands noms (Bilal, Tardi, Munoz par exemple) pour pouvoir produire des auteurs/artistes inconnus du public.

Le débat n’a donc pas eu lieu étant donné que les deux protagonistes avaient le même esprit et le même type de démarche. Après 35 minutes de « débat », il n’est donc resté au public que la vague impression d’avoir assisté à un spot publicitaire grandeur nature (les discours/témoignages étant répétitifs et sans aucune tentative de généralisation). Cette mise en avant des personnages par rapport aux idées aurait probablement suscité l’intérêt du public si elle n’avait été déguisée sous un intitulé certes alléchant mais loin de la réalité de l’intervention.