François Place et le Secret d'Orbae - interview
Avec son port de mer et ses larges remparts, Saint-Malo est la ville idéale pour accueillir une exposition des dessins originaux de l'album Le secret d'Orbæ (Casterman), de François Place, tout entier tourné vers les découvertes et les grands espaces - ce qui nous ramène finalement toujours à nous-même. Surtout quand les illustrations sont montrées à l'Ecole de marine marchande de la ville! Cela a été un des multiples ancrages du Festival Etonnants Voyageurs qui s'est déroulé dans la cité malouine du 26 au 28 mai.
Nous avions déjà évoqué cet album, trop brièvement, dans ce blog http://lu-cieandco.blogspot.be/2012/05/ld-gaine-ses-francois.html
Il fallait évidemment revenir sur cet épatant travail, remarquable à plusieurs égards.
Par sa présentation, un coffret cartonné fermé par un aimant, contenant deux romans écrits à la première personne, indépendants mais complémentaires, passionnants, et un portfolio cartonné à l'ancienne, abritant dix-huit illustrations de toute beauté.
Par son contenu romanesque.
Par sa maîtrise graphique.
Tout le grand art de François Place!
Les deux histoires parallèles des romans finissent par converger. Ces deux récits de quête explorent le monde mythique d’Orbæ. "Le Voyage de Cornélius" retrace le parcours d’un fils de drapier parti d’Europe du Nord à la recherche de la "toile à nuage", tissu plus fluide que la soie. "Le voyage de Ziyara" explique comment Ziyara, fille du sud, trouve une fève en forme de dauphin dans un pain d’épices, un talisman qui la désigne Grand amiral de la flotte. Elle sera ensuite bannie et entamera une longue errance sur les mers. Ils se rencontreront et tenteront de cheminer ensemble.
Comment avez-vous imaginé ce projet qui apparaît tellement original par rapport à ce qui se publie aujourd’hui?
Les destins de ces deux voyageurs vont se rencontrer.
Oui, à un moment du roman, Cornélius et Ziyara se rencontrent et font alors un voyage commun pour retrouver la femme capable de tisser la "toile à nuage". Mais Ziyara souffre lors de ce chemin, elle est trop liée à la mer. Tous les jours, elle se baigne avec les dauphins! Ils vont donc se séparer. Elle va l'attendre, sur terre, mais près de la mer. Mais on se demande aussi si la Montagne bleue, but du voyage, ne serait pas la montagne de la mort. Cornélius n'a, en effet, pas l'air de revenir de son expédition. Pour l’aider, Ziyara dessine alors sur une carte le but qu’il ne parvenait pas à voir tout seul.
Le titre du coffret comporte le mot Orbæ qu’on a déjà croisé dans votre œuvre.
Mon travail est aussi une réflexion amoureuse sur la cartographie.
Dans la farde réalisée à l’ancienne, fermée par un ruban à nouer, on trouve aussi dix-huit illustrations indépendantes, séparées des livres.
Oui, il y a dix-huit vues des paysages traversés, six du voyage de Cornélius, six du voyage de Ziyara, six de leur voyage commun. J’avais envie que les illustrations soient séparées des romans, que ceux-ci soient sans image, rien que du texte, que chacun puisse agencer librement les images, que chacun se fasse son voyage. C’est pour cela qu’elles sont sur papier libre. Je donne les ingrédients, à chacun de se faire son plat.
Cornélius et Ziyara, on les connaissait aussi déjà un peu.
Oui, ils étaient tous les deux dans l’ "Atlas", mais leurs histoires n’étaient pas finies. Dans ces romans-ci, on repasse par certains pays de l’ "Atlas". J’ai tiré un fil qui passe d’un pays à l’autre et emmène les personnages plus loin pour donner finalement le véritable sens de l’île d’Orbæ.
(1) Rappelons que "L’atlas des géographes d’Orbæ" (Casterman) est un atlas imaginaire (superbe) où les frontières des vingt-six pays rêvés suivent le tracé des lettres de l’alphabet et abritent autant d'univers distincts.