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Date de publication
Age-cible

Libertés

Recueil
à partir de 14 ans
: 9782364742727
13.50
euros

L'avis de Ricochet

Trois longues nouvelles se partagent ce recueil. Chacune ouvre une porte vers la liberté au terme d’une lutte difficile et douloureuse, portée par le poème de Paul Eluard, Liberté . Oppression des adultes, adultes opprimés, figure du père dans les trois textes éveillent les adolescents au monde.

La première nouvelle, le quatrième soupirail, nous transporte dans un pays hispanophone. Pablo, 40 ans, revient sur les lieux où son père a été emprisonné, torturé vingt-quatre ans plus tôt. A cette occasion il se remémore les circonstances de l’arrestation et le lien fort qui s’est établi entre eux deux clandestinement. Le père de Pablo est un « intellectuel », un prof, un passeur. Il vit de poésie ce que son fils adolescent ne comprend pas, ne partage pas. Lorsque la maison est rasée, le père arrêté, Pablo se retrouve seul et parvient par des réseaux de résistance à rejoindre son père à l’école San Marcos transformée en prison. Dans les sous-sols, se succèdent geôles, lieux de torture. Pedro est engagé dans la cuisine et parvient à communiquer avec son père à travers le soupirail, en lui tendant des poèmes de papier, ceux-là mêmes qu’il ne comprenait pas. L’issue dramatique pour le père s’accompagne d’une prise de conscience pour Pablo et du choix de sa vie. Père opprimé, père glorieux, sa figure modèle la voie de Pablo.

Les deux autres nouvelles sont d’un autre ton : des adolescentes luttent contre leur père et s’émancipent grâce ou à cause de cela.
Dans la deuxième nouvelle, Et tu te soumettras à la loi de ton père, « Je te crains » ouvre le texte, « Je veux vivre » le ferme. Entre les deux une sourde bataille entre père et fille. Le père est enfermé dans une religiosité sans amour que ne comprend pas Huguette, la fillette de dix ans. On est dans l’après-guerre, la situation familiale est peu brillante. Le catholicisme étouffant dans lequel Huguette est élevée, n’a que faire de la souffrance de la femme du voisin battue à mort par son mari, de la Kabyle rejetée, ni même et c’est le summum de Fabien, le petit frère, idiot, comme on dit. L’écriture de Marie-Sabine Roger excelle dans la peinture des élans du cœur de cette petite. Une écriture, brève, pointue à hauteur d’enfant qui cherche ses mots et en découvre d’autres « défenestration », « déportation », « communiste ». La parole de la fillette chemine de douleur en douleur, elle observe et fait voler en éclats les contradictions d’une société hypocrite qui laisse un mari avoir droit de vie et de mort sur sa femme et le condamne quand il est trop tard. Elle vit et le lecteur avec elle, les questions métaphysiques du mal et de l’innocence. Comment accepter ? On laisse Huguette à la porte de son collège religieux, on ne sait pas ce qui lui arrivera, on sait que dans cet enfermement-là, elle sera plus libre, un peu.

Une poignée d'argile est le récit rétrospectif de la narratrice qui, jeune artiste, se remémore comment sa vie a été orchestrée en trois temps : fille de Jean-Paul, fille de ce pauvre Jean-Paul, enfin fille de ce salaud. Trois étapes d’un chemin qui l’étrangle. D’abord, enfant heureuse, ses parents lui semblent aimants. Ensuite, pauvre Jean-Paul, le père absent ne peut qu’avoir été enlevé « par des Russes », pourquoi pas ?, c’est aventureux à souhait. Enfin, le « salaud », comme dit sa mère, il faut accepter la vérité, le père ne VEUT pas rentrer. La force du récit tient à la faille qui s’installe entre mère et fille. On s’attendrait à ce que la fillette prenne fait et cause pour sa mère, « victime ». Sommée de prendre parti pour sa mère, la fillette s’enferme en elle-même. Sa rédemption vient de sa découverte de l’art par l’intermédiaire d’un jardin secret et d’un fleuriste avec qui elle va apprendre à créer. Pour autant la lutte n’est pas finie. Elle croyait avoir atteint le sommet, celui du chef d’œuvre. « Intéressant » dit Monsieur Vernier, le fleuriste. Elle prend cela pour une injure et ne comprend que bien plus tard la voie qu’il lui a ouverte.

Dans les trois cas, grandir passe toujours par la mort du père, « réelle » ou figurée, la liberté est à ce prix. Pourtant nul manichéisme chez Marie-Sabine Roger, les filles se libèrent, mais elles se « sauvent » seules, tout finit presque bien. Elles laissent derrière elles, leurs mères, prisonnières de leur époque, de leurs préjugés, de leurs sentiments. L’auteure varie les points de vue et les âges que l’histoire soit vue rétrospectivement par Pablo ou la fille de Jean-Paul ou au moment même de l’histoire. Marie-Sabine Roger est en empathie avec ses héros, elle enrôle son lecteur dans l’action et l’émotion est très forte, vibrante.

Présentation par l'éditeur


Trois romans de Marie-Sabine Roger réunis et qui, à travers trois destins d'adolescents, font résonner avec force différentes réalités d'un même idéal : la liberté.
Le quatrième soupirail
Et tu te soumettras à la loi de ton père
Une poignée d'argile

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