Le garçon qui rêvait de requins

Bee ferait tout pour son petit frère Tommy, atteint de mucoviscidose. Face à une mère un peu dépassée, malheureuse dans son célibat, elle gère le quotidien des petites et des grosses angoisses. Un répit se profile : passionné de requins, Tommy a gagné un voyage en Californie pour aller les observer dans leur vie naturelle. Toute la petite famille part avec plein d’espoirs différents dans la tête. Bee est heureuse pour son frère, Tommy excité de concrétiser sa passion, la mère ravie de faire de nouvelles rencontres. Mais rien ne se passe comme prévu. Tommy est déçu de l’attraction touristique qu’on lui présente ; pour compenser et en l’absence de la mère frivole, Bee l’emmène chez deux surfeurs qu’il a connu par Internet, et dont l’un a failli être tué par un requin. Plein de bonnes intentions, les jeunes gens proposent à Tommy une séance de surf. Malgré sa fragilité, Bee accepte pour lui faire plaisir.

Le roman aurait pu se raconter du point de vue de Tommy, tant le petit garçon mature a pensé sa maladie et sa façon de vivre avec, tant il entretient un rapport complexe avec les requins et l’exprime avec aisance. Mais la narratrice est Bee, la grande sœur sacrifiée. Le rapport fusionnel qu’elle entretient avec Tommy lui permet de nous retranscrire finement ses émotions d’enfant, et nous suivons aussi les siennes, entre envie d’arrêter le temps, sentiment d’injustice profond, et désir d’une adolescence normale.
Son récit s’émaille de petites informations sur les requins, issues des connaissances de Tommy, et la métaphore autour des squales se conçoit peu à peu à double sens : ils représentent pour Tommy à la fois les prédateurs qui dévorent ses forces et des animaux ostracisés que l’on évite, tout comme lui. Mais cela, Tommy ne veut pas trop y penser, et plutôt vivre du mieux qu’il peut des années qu’il sait, et accepte, courtes. Son courage pourrait en remontrer à bien des adultes, et Bee n’hésite donc pas beaucoup avant de mettre ce tout petit bonhomme sur une planche de surf – les deux amis de Tommy dynamitent d’ailleurs l’image légère que l’on peut avoir de ces sportifs. Évidemment, le drame n’est pas loin, mais le jeu en valait largement la peine…

Écrit sans aucun pathos et avec un équilibre de nuances, le roman aborde frontalement des questions concrètes autour de la maladie, tout en gardant une large place à la psychologie de ses personnages, meurtris et sincères. On n’en ressort pas indemne, mais sûrement avec une féroce envie de vivre le jour présent.