Tu t'appelleras Lapin

Quelque part entre rêve et réalité, entre village et forêt, du côté « d’ailleurs », vit seule une étrange fillette : Belette. Son prénom interroge, est-ce un surnom ? Un trait de caractère ? Elle est futée, capable de vire seule, en totale liberté, au contact de la nature. Un matin, cette liberté s’affronte à une réalité très étrange : une forme immense ! « Ce matin, elle l’a vu et elle a cru que c’était la fin du monde ».

L’illustration de Marine Schneider rend sensible cette vitalité de Belette, ses capacités. Elle est tellement vive que les poules fuient devant elle et lorsqu’elle est perplexe, l’illustratrice superpose trois vignettes, les bras lui en tombent, elle se gratte la tête et la main au menton s’interroge, avant de la montrer de face, à côté de l’étrange découverte, une grande marque blanche au sol. La narration entretient le suspense : elle appelle d’autres enfants encapuchonnés et l’ambiguïté persiste… ainsi encapuchonnés, sommes-nous avec des trolls, des Moumines ? Ils se questionnent avec elle mais le lecteur ne sait toujours rien !

La révélation vient sous forme d’une carte, qui mêle repérages habituels, les monuments du village, les maisons des protagonistes et LA forme centrale : un lapin, « un grand, un énorme, un gigantesque lapin ».

Le récit prend un tour nouveau, les adultes entrent en jeu. Ils sont décevants et ridicules sous le crayon de Marine Schneider, dans leurs efforts acharnés et vains pour se débarrasser de l’animal. Leur impuissance laisse les enfants libres et heureux. Le texte chante leur amitié et l’auteure développe une écriture chaleureuse, poétique, d’apprivoisement.

L’apparition est un mystère, la disparition aussi. Qui est Lapin ? L’étranger indésirable des adultes, l’étrangeté fantasque de l’esprit des enfants, le symbole des peurs qu’on dépasse à l’âge de raison, « Lapin n’était pas la fin du monde finalement ».

Un album riche de mystère, avec ses lavis et son atmosphère de sous-bois où dominent les verts moussus et les bruns, où vit une humanité minuscule à la fois proche et distante de nous. Un album intriguant. A chacun d’y trouver son chemin.