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Date

Céline Azorin

1 juillet 2007

Après des études aux Beaux-Arts de Caen et une fois son DNAT (Diplôme des Arts et techniques) en poche, Céline Azorin crée le magazine local associatif « Oz » et se lance en 2002 comme illustratrice-graphiste indépendante. Elle réalise alors la décoration, les marionnettes et l'affiche du spectacle musical "Le jour de la Lune"de Papaq Compagnie (Caen). Depuis 2003, cette jeune illustratrice qui aime travailler en volume collabore avec Zinc-Editions. Son travail a pu voir le jour en 2006 avec la publication de « La planète alphabet » écrit par Annick Béchet et « Cabotage », un livre-poster de Fabien Lefèbvre. Nous avons voulu en savoir plus sur cette jeune illustratrice à l’univers riche et particulier. Entretien.




« Le jour de la Lune » 2002



« Le petit Chaperon Rouge »2004



- Comment est née votre rencontre avec cette maison d’édition ?


C'est grâce à Ricochet que j'ai fait la rencontre de Zinc-éditions ! C'était fin 2003. Ils cherchaient à l'époque un illustrateur pour travailler à partir du projet d'ABCDAire de Annick Béchet. Après avoir contacté quelques illustrateurs à qui ils ont demandé d'illustrer le texte se référant à la lettre "B", leur choix s'est porté sur mon travail. Il y avait une certaine cohérence à travailler ensemble, au-delà du projet de "La planète Alphabet", par le mode d'expression que j'utilise -le volume- et leur conception du livre en tant que livre-objet. Il s'agit d'une vraie rencontre, également sur le plan humain. 



"La planète Alphabet" paru chez Zinc Editions.



- Pouvez-vous nous présenter « La planète alphabet » et « Cabotage » que vous venez de réaliser chez Zinc-éditions ?


"La planète Alphabet" devait initialement contenir l6 pages : le texte devait être intégré dans l'illustration (j'étais aussi chargée de la mise en page). Mais les textes étaient assez denses, et en  cours de route, le projet a pris une autre ampleur. Le nombre de pages a été doublé, pour permettre d'avoir ainsi des espaces de "respiration".La première illustration avait donné la direction; j'ai été vraiment libre dans ce travail.  


Le projet se voulait à la fois didactique (l'apprentissage des lettres et de la lecture) et à la fois ludique. Les lettres y sont personnifiées et évoluent dans des univers différents et ont  des caractéristiques variées. La contrainte a consisté à représenter lisiblement les 4 formes d'une lettre (caractère manuscrit et imprimerie, majuscule et minuscule) dans chaque image. Mais aussi de rester fidèle à la richesse des détails, tout en restant cohérente et pouvoir présenter un ensemble 26 univers différents et harmonieux.

Il a fallu créer autant de décors que de lettres. Ce projet représente un travail important : je m'y suis consacrée une année entière.


Le projet devenu plus ambitieux, n'a pu être publié que trois années plus tard, en septembre 2006. 

Zinc-éditions a choisi d'imprimer le livre en "tout cartonné" (52 pages, 2,7 cm d'épaisseur) : un véritable objet, en plus de son contenu! 



« Cabotage »



- Vous avez travaillé avec Annick Bechet pour votre projet  « La Planète Alphabet » et avec Fabien Lefèbvre pour « Cabotage ». Que pouvez-vous nous dire de ces deux collaborations ?


Nous n'avons pas réellement travaillé ensemble, mais j'ai pu rencontrer Annick Béchet à plusieurs reprises dans un cadre convivial et lors d’une réunion de mise au point autour du projet.  D'après ce qu'elle m'a dit, elle a aimé mon travail autour de "La planète Alphabet". En effet, elle avait bien imaginé ses lettres comme autant de petits personnages et de mondes... 


Zinc-éditions m'a ensuite confié l'illustration d'un polar "Cabotage" en octobre 2006. Le texte m'a plu. J'aime les expériences et je n'étais pas mécontente de jouer avec un univers moins enfantin. J'ai travaillé de façon plus traditionnelle; mais quand même avec un peu de volume (il s'agit de photographies).

Là aussi Zinc-éditions a joué les entremetteurs. Je n'ai rencontré Fabien Lefèbvre qu' à la sortie de "Cabotage", au moment du salon du Polar à Granville, fin janvier 2007.

- Le volume paraît important dans vos créations. Quel est votre attrait pour ce médium ?


J'utilise le "volume" dans mon travail d'illustration depuis plusieurs années. Ce mode d'expression appartient à mon identité d'illustratrice. Cette technique s'est construite naturellement et progressivement, avec une fascination pour le monde des marionnettes. Je tente d'exprimer dans mes images l'énergie bien particulière que les marionnettes dégagent. Même inertes, elles semblent dotées d'une véritable âme. C'est aussi pour cela que je fais constamment des allers-retours entre mon travail d'illustration et mes recherches en volume : des "sculptures-textiles", comme notamment les "Bêtas-Heureux".

- Je voudrais m’arrêter sur votre pratique plastique et graphique. Comment la définiriez-vous ?


Mes images sont conçues comme des mises en scène photographiques. Je tente d'allier le volume et le dessin, d'assembler ces deux modes d'expression et de les rendre harmonieux, de les fondre ensemble jusqu'à une certaine ambiguïté. J'évite de plus en plus le photomontage, et tente d'obtenir mon image dès la prise de vue. L'outil informatique me permet de finaliser l'image (chromie...). Pour la réalisation des éléments de mes images, j'utilise des techniques variées comme la couture, le dessin traditionnel, le modelage, le découpage... Il s'agit d'un joyeux mélange!... D''où le nom de mon site web : la tambouille.

  

Parfois, je me sens un peu prisonnière de ma technique. Même si elle s'enrichit et se peaufine à chaque projet, il y a une dimension très cérébrale dedans, une notion un peu complexe et imposante de "construction". Je souhaiterais revenir à une démarche plus spontanée, à priori plus "traditionnelle", peut-être juste pour enrichir mon savoir-faire. Ces derniers temps, j'ai constaté que je recherchais une certaine épuration dans mes images, à l'encontre de l'aspect un peu "baroque" dans mes travaux précédents...

- Avez-vous d'autres projets en cours ?

 

J'ai finalisé récemment le prototype d'un "pêle-mêle" (un livre livre-objet dans la continuité de mon travail en volume) avec mes créatures-totems, "les Bêtas-Heureux". Il s'agit d'un projet interactif, ludique, graphique et coloré qui propose 169 formules (13 portraits en pieds) et autant de jeux de mots à partir du thème du portrait. J'ai envoyé ce projet à des éditeurs très récemment : le processus de recherche de publication est maintenant entamé! 



« Les Bêtas-Heureux »




J'ai travaillé sur un second projet parallèlement cette année, sur un scénario de Maud Biron, auteur avec qui je travaille régulièrement. Le projet, intitulé "Ça, c'est à moi", est en cours de finalisation. Là encore, j'ai transposé des marionnettes. Le thème est très simple, mais l'absence de texte induit un important travail de l'image. Elle doit être à la fois très lisible et expressive,  pour que la narration soit le plus fluide possible. En même temps, la force du projet réside dans l'absence de texte : cela lui donne une dimension universelle et libre d'interprétation. Nous cherchons les derniers calages qui donnerait au projet son juste équilibre.




"Ça, c'est à moi", projet 2007



- Quelles sont vos perspectives ou vos envies pour l'avenir ?


Concrètement, je travaille sur un projet de micro-édition de dînettes. Je ne suis pas à l'initiative du projet mais impliquée, puisque chargée de "l'image" des dînettes, de leur emballage plus exactement. Le projet avance mais je ne saurais dire concrètement quand il verra le jour. 

Le design m'attire beaucoup, je fais des créations textiles notamment, et l'idée de développer cette partie m'intéresse beaucoup.

J'aimerais développer aussi un projet de film d'animation, mais c'est un peu trop vague pour l'instant pour en parler.

Bien sûr, j'aimerais continuer à développer des projets pour l'édition jeunesse! L'étape de la publication d'un projet étant un peu sa finalisation. Je souhaiterais attendre que les précédents soient édités pour pouvoir passer à autre chose. Bien sûr cette étape n'est pas simple : c’est un vrai travail de trouver un éditeur! Même si je poursuis ma collaboration avec Zinc-éditions,( celui-ci a déjà quelques projets pour le futur... ), cela ne m'empêche pas de chercher ailleurs tout en restant fidèle!

- Que pensez vous avoir su gardé de votre enfance ?


J'ai gardé de mon enfance, une certaine naïveté, et parfois une difficulté à affronter la "dure" réalité! J'ai aussi gardé le plaisir de jouer à la poupée et de me raconter des histoires...



saison 2006 de la bibliothèque-médiathèque de l'Orne



- Quel(le)s illustrateur(s/trices), quel(le)s auteur(s) vous interpellent et vous inspirent ?


En réalité, de nombreux domaines d'expressions visuelles m'inspirent... Cela passe par la peinture, la photographie, le  cinéma, le graphisme, la BD, le théâtre, la danse, le design... 


Parmi les illustrateurs ou auteurs en littérature jeunesse contemporaine, je trouve qu'il y a de nombreux talents!! Christian Voltz, dont j'aime beaucoup le travail, est sans doute l'illustrateur duquel je me rapproche le plus. Les " chats pelés" également. Mais j'aime beaucoup le travail de Kveta Pacovska, de Frédérique Bertrand, de Delphine Durand, de Wolf Erlbruch, de Susanne Janssen, de Anne Herbauts, de Janik Coat, de Rebecca Dautremer, Carll Cneut... et tant d'autres encore!...

J'ai été bercée et marquée par des classiques comme les contes de la mythologie grecque notamment, les contes de Grimm, les contes d'Andersen...

- Quels sont les deux livres que vous conseilleriez ?


"Le petit Prince" de Saint Exupéry et "Alice au pays des merveilles", de Lewis Carrol...

- Comment vous situez-vous dans le milieu de l'édition jeunesse ?


Je me sens toute petite-petite dans le monde de l'édition jeunesse, en terme de reconnaissance. Zinc-éditions m'a permis de réaliser mon premier vrai projet d'édition pour la jeunesse et m'a accordé une totale confiance. Mais ce n'est pas pour autant que les choses paraissent plus simples. J'ai l'impression que le travail du volume dans l'illustration n'est pas forcément bien perçu ou bien compris par le monde des éditeurs, alors qu'il est réellement bien accueilli par le public! J'ai le sentiment d'avoir un travail un peu inclassable, il faut que j'en fasse un atout, là où cela peut parfois déstabiliser.




Image 8: "Gérémille", projet 2003



- Quel texte classique aimeriez vous mettre en image ?


"Barbe bleue" pour son aspect gothique, un peu sombre et effrayant... Je pense qu'il y aurait un travail très intéressant sur les jeux d'éclairage, sur les personnages... Peut-être parce que je connais peu d'illustrations sur le sujet et que cette histoire m'a marquée petite. Mais c'est parce qu'il faut n'en citer qu'un... 


site : http://www.la-tambouille.com/

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