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Brigitte Coppin

1 décembre 2002
Brigitte Coppin vient de faire paraître chez Père Castor Flammarion un nouveau roman, La Route des tempêtes. Nous avions quitté Jason et Catherine, les enfants de la jeune espagnole Leonora, dans Quai des secrets. Après le succès de ce roman historique, Brigitte Coppin propose pour cette rentrée la suite de leurs aventures. A nouveau séparés, Jason part seul pour la nouveau monde, en 1546, tandis que Catherine est confronté à une épidémie de peste. Face à la conquête de l'or et des richesses, Jason s'opposera à l'esclavage imposé par les Espagnols, retrouvera son véritable père, malade, et les deux enfants devenus adultes, finiront par se retrouver. Un roman historique au moment de la Renaissance, entre mystère, grandes découvertes, médecine et Inquisition. Rencontre avec Bigitte Coppin...

 

 

 

 

 

Ricochet - Brigitte Coppin, vous venez de publier La Route des tempêtes, pourquoi avoir souhaité donner une suite au Quai des secrets ?
Brigitte Coppin - De nombreux lecteurs me l'ont demandé: dans les salons du livre, ils venaient chercher la suite et dans les classes que j'ai rencontrées, certains me disaient que la fin du Quai des Secrets était trop ouverte, laissant le lecteur vraiment sur sa faim. Les adultes de mon entourage me l'ont reproché plus fermement encoreŠ Mais la principale raison vient de l'intérieur: assez vite j'ai été gênée par cette fin un peu incestueuse. Catherine et Jason n'ont aucun sang en commun mais ils sont frère et s¦ur dans l'âme. J'ai mieux perçu combien cet amour était adolescent et ce qu'ils avaient chacun à découvrir après.
 

 

 

Ricochet - Ce roman vous tient particulièrement à coeur. Pourquoi ?
Brigitte Coppin - Après avoir réalisé des documentaires pendant longtemps, écrire des romans me parait à chaque fois une entreprise grisante. J'avais déjà énormément aimé écrire le Quai des secrets mais celui-ci me semble plus construit, moins mou au départ, avec une intrigue plus riche, plus haletante, avec un plus grand souci du lecteur- qui n'aime pas s'ennuyer et à qui je donne tout le vivant que je pouvais-, avec sans doute un amour de mère envers Jason et Catherine que j'ai envie d'aider à grandir (!!) sur leurs tumultueux chemins. En les laissant s'épanouir au cours du livre, j'essaie de donner au lecteur des références, des lignes de vie. Ces voyages sont aussi des voyages initiatiques.

 

Ricochet - Ce roman nous plonge dans la Renaissance et l'époque des grandes découvertes, une période historique que vous affectionnez ?
Brigitte Coppin - Renaissance, à un moment dans ma vie, m'a paru un mot magnifique. A ce moment là, j'ai commencé à m'intéresser à la Renaissance et non plus seulement au Moyen Âge qui m'avait occupée jusqu'alors. La Renaissance, c'est 150 ans sur lesquels le cursus scolaire ne dit presque rien, passant en général du Moyen Âge à Louis XIV. La Renaissance est à la fois monstrueuse et géniale; c'est à la fois la mis en place de l'humanisme et l'intolérance religieuse, le triomphe de la culture européenne et l'écrasement des autres civilisations. La géopolitique aujourd'hui porte cette Histoire en elle.

Ricochet - Vous abordez également le thème de l'esclavage qu'imposent les Espagnols aux habitants du Nouveau Monde, un thème que vous avez peu décrit dans vos ouvrages précédents ?
Brigitte Coppin - C'est vrai. Le contexte historique rejoint ici un thème plus vaste : celui de l'oppression. Je ne me suis pas attachée à combattre les conquérants espagnols en particulier; il s'avère qu'il ont conquis à grande échelle avec les sévices qui acompagnent toutes les conquêtes. Un peu plus tard les émigrants européens de tous pays ont contribué un autre génocide indien en Amérique du nord. Mon propos n'est pas non plus de défendre les amérindiens comme un peuple de bons sauvages par rapport à nous, les méchants civilisés. Non, ce que je j'essaie de dénoncer, ce sont les rouages de l'oppression, et j'aimerais y opposer des valeurs comme le respect et le partage.

Ricochet - La défense des indiens, est-ce pour vous un trait marquant des Grandes découvertes ?
Brigitte Coppin - J'ai bien peur que non ! Peu nombreux sont ceux qui ont haussé la voix face aux abus des conquérants et ceux qui l'ont fait en créant "la légende noire" de l'espagnol conquérant étaient pour la plupart des protestants véhiculant ainsi leur haine du fanatisme catholique espagnol. Pas grand chose à voir avec l'esprit de tolérance ! Tel est, dans mon livre, le personnage de Martin Roze.
Quant à Las Casas qui a passé sa vie à lutter pour améliorer les conditions de vie des Indiens en alertant la couronne d'Espagne, son rôle est remarquable mais son action fut-elle vraiment efficace ? Les historiens s'interrogent. Ils s'interrogent aussi sur le personnage : jamais Las Casas n'a appris aucune langue indienne et n'avait pas la réputation d'être proche d'euxŠ

Ricochet - Vous décrivez également dans ce roman, la lente évolution de la médecine, en somme un signe de progrès ?
Brigitte Coppin - Oui. Un espoir de mieux être, un espoir de moins de souffrance, d'une plus grande intelligence du corps. Pour que cela fut possible, il fallait que l'Eglise baisse les brasŠ Un long chemin.

Ricochet - Est-ce la fin des aventures de Jason et Catherine ?
Brigitte Coppin - Dans l'immédiat, je pense que oui. Il me semble qu'à la fin du livre, il y a l'apaisement : Jason a choisi sa vie après avoir été confronté à ses vrais parents, Catherine a réussi à quitter le cocon du village qui l'attachait à l'enfance, Léonora va pouvoir vivre son deuil cahin caha et sa culpabilité s'est allégée, la dame de Mauriencourt a appris à être plus humaineŠ
Mais il est possible aussi que ces personnages continuent de s'imposer à moi. Un auteur ne fait pas ce qu'il veut mais seulement ce qu'il peut !
 

La Route des Tempêtes, par Birigtte Coppin, Père Castor Flammarion, 2002, collection Castor Poche.

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Illustration d'auteur

Brigitte Coppin

française