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Christelle Dabos: «La réalité est une frontière que j’ai toujours besoin de dépasser…»

Avec La mémoire de Babel, Christelle Dabos signe le troisième et avant-dernier volet de sa saga à succès La passe-miroir. L’auteure étend encore davantage son univers foisonnant et explore les liens entre passé et présent à travers des personnages toujours aussi attachants.

Bernard Utz
2 novembre 2017

Christelle Dabos ©EditionsGallimard

Bernard Utz: A quel moment avez-vous réalisé que l’histoire de La passe-Miroir nécessiterait quatre tomes pour être racontée?
Au tout début, je ne pensais même pas en termes de tomes. Je postais simplement des chapitres sur un site internet d’une communauté d’auteurs nommée Plume d’Argent. C’est une fois que le premier livre a été publié par Gallimard que j’ai réfléchi à la manière de découper l’histoire. Au milieu du deuxième tome, quand je me suis rendu compte du nombre d’éléments que je voulais encore traiter, j’ai réalisé qu’une trilogie ne suffirait pas et qu’un quatrième livre serait nécessaire.

Si vous pouviez discuter avec Ophélie (l’héroïne de l’histoire), quel serait votre premier sujet de conversation?
En réalité, elle et moi, on discute déjà. Peut-être pas sur un coin de table, mais c’est un dialogue intérieur permanent. Quand je réfléchis à l’histoire, je suis tout le temps en train de l’interroger. Mes romans ne sont certes pas écrits à la première personne, mais je me situe vraiment de son point de vue à elle. Depuis des années, le personnage m’habite complètement!

Y a-t-il un vieil objet en votre possession que vous voudriez pouvoir lire (L’héroïne de La passe-miroir peut, en touchant les objets, connaître la vie de ses différents propriétaires)?
C’est une très bonne question (Rire). Je pense à un dessin d’enfant sur lequel je suis tombée chez ma grand-mère. Il m’avait beaucoup interpellée quand j’étais petite. Je me demandais qui l’avait fait et de quand il datait. Quand j’ai posé la question à mon entourage, personne n’a pu me dire d’où il sortait. Ça m’a longtemps obsédée. D’ailleurs, je l’ai toujours dans mes affaires, en Belgique. Je me dis que peut-être, un jour, j’arriverai à percer son mystère…

Sur votre site internet, vous avez dit qu’écrire change le regard qu’on porte sur soi et sur le monde. Comment votre regard a-t-il changé depuis que vous avez commencé l’écriture de votre tétralogie?
Quand j’étais adolescente et même jeune adulte, je n’étais ni observatrice ni physionomiste. Je crois que l’écriture a développé mon regard. Il est beaucoup plus aigu qu’avant. Quand je regarde un paysage ou un visage, je vois mieux les détails. C’est comme si j’avais été myope avant !

Après votre tétralogie, imaginez-vous revenir à l’univers des arches, en racontant l’histoire d’autres personnages?
Les lecteurs me demandent souvent si j’envisage une prolongation après le quatrième tome. En faisant, par exemple, un spin-off sur un personnage secondaire. Et ma réponse est non. Si les lecteurs veulent s’approprier l’univers et développer certains personnages, je leur donne carte blanche. Pour ma part, je m’en tiendrai à cette histoire en quatre tomes. Après, je débuterai un nouveau projet.

Est-ce que les genres de l’imaginaire sont votre littérature de prédilection ou pensez-vous en aborder d’autres dans le futur?
J’espère un jour être capable d’écrire de tout. Mais pour le moment, j’ai une imagination trop débordante. C’est comme si la réalité était une frontière et que j’avais toujours besoin de la dépasser. La nouvelle histoire ne sera peut-être pas de la fantasy, mais je crois qu’elle débordera quand même un peu du réel. Elle aura cependant une autre ambiance et abordera sûrement d’autres thèmes que les aventures d’Ophélie.

Est-ce que vous avez déjà un projet précis en tête?
Il y a en effet une histoire qui commence à me chatouiller le crâne. Maintenant que je vais bientôt commencer à écrire le dernier tome de La passe-miroir, je commence à avoir d’autres idées, un peu informes, qui me viennent à l’esprit. Je les note toutes et je les mets dans un tiroir. Mais je n’en dis pas plus…

Durant une interview, vous avez dit que vous verriez bien votre histoire adaptée au cinéma en animation plutôt qu’avec des acteurs. Durant l’écriture, est-ce que vous visualisez aussi vos personnages en dessins?
Je les imagine comme des rêves. Tout est tellement fluctuant. Les personnages sont toujours en train de changer d’apparence. Je vois des détails très précis, un haussement de sourcils ou une paupière qui s’abaisse. Mais pour le reste, c’est une sorte de flou artistique. Alors j’imagine mal des acteurs jouer mes personnages. Surtout qu’ils ont des particularités physiques difficiles à retrouver chez un véritable être humain. Le cinéma d’animation serait peut-être plus approprié.

Vous êtes très présente sur internet. Vous avez votre propre site, vous êtes sur les réseaux sociaux et vous apparaissez aussi sur des vidéos de booktubeurs. Quelle est l’importance du contact avec le public à vos yeux?
Je suis connectée, mais pas hyperconnectée. Je pense que c’est important de rester accessible car ce sont les lecteurs qui donnent un sens à ces livres. Je suis d’ailleurs toujours très contente quand ils peuvent me faire des retours. Mais j’essaie aussi de me préserver un peu, car les lecteurs ont leurs propres désirs, attentes et craintes par rapport à l’histoire. Et il faut tout de même que j’écrive ce que j’ai envie de raconter.

La mémoire de Babel

Le premier tome de La passe-miroir a récemment été édité en version poche par Gallimard jeunesse et, en même temps, par Folio, pour les adultes. Vos lecteurs sont-ils majoritairement des adolescents ou des adultes?
Quand j’ai commencé à écrire, je ne me suis pas posé la question du public cible. Je ne me considérais ni comme un auteur jeunesse, ni comme un auteur adulte. Aujourd’hui, je crois que mon lecteur moyen est un jeune adulte. Une grande partie de la population peut cependant entrer dans cette catégorie, moi y compris!

Votre public semble majoritairement féminin. Avez-vous une explication?
Il faudrait que je mène une étude de marché pour savoir pourquoi (Rire). C’est peut-être parce que le personnage principal est une femme. C’est peut-être aussi parce qu’il n’y a pas beaucoup d’action brute dans mon histoire. Mais, rassurez-vous, j’ai tout de même des lecteurs masculins!

Sur votre site, vous mentionnez régulièrement votre Cher et Tendre. Comment est-ce que cet amour influence vos histoires?
Enfin quelqu’un qui me pose la question (Rires)! Alors je ne vais pas mentir, le personnage de Thorn est un peu inspiré de mon Cher et Tendre. Les deux agissent en fonction de ce qu’ils estiment être juste, quitte à déplaire au reste du monde. Autrement, il m’aide beaucoup pour tout ce qu’il y a autour de l’écriture. C’est un véritable travail d’équipe. Je peux parfois être désarmée quand il s’agit de m’exposer, de faire des rencontres. Lui m’a toujours soutenue, encouragée et conseillée.

Vous êtes très transparente sur le métier d’écrivain, en donnant par exemple le pourcentage des droits d’auteur que vous percevez. Est-ce un effort conscient pour parler de la rémunération des auteurs?
Quand j’ai été publiée, j’ai regretté de ne pas pouvoir en parler avec d’autres auteurs, qui étaient assez pudiques sur la question. Et je me suis sentie un peu perdue. Finalement, je suis tombée sur Carole Trébor, qui a été d’une totale transparence et qui m’a vraiment bien conseillée. Depuis, je me dis que c’est important de communiquer sur le sujet et de ne pas faire de mystère sur le métier d’auteur. Pour que les personnes intéressées soient bien informées.

Auteurs et illustrateurs en lien avec l'interview

Illustration d'auteur

Christelle Dabos

française