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Date de publication
Age-cible

Une chaussette dans la tête

Sélection des rédacteurs
Amélie Sarn
Roman
à partir de 14 ans
: 2745928163
10.50
euros

L'avis de Ricochet

Après un an passé en centre de soins neurologiques, Jersey Hatch rentre chez lui. Dans l’entrée, les photos montrent un adolescent sportif, ambitieux, rien à voir avec le nouveau Jersey. Celui-là a des cicatrices au visage, un œil en moins, une paralysie du côté gauche et pas mal de trous dans la tête, dont toute une année oubliée. On lui a dit qu’il s’était tiré dessus avec le pistolet de son père. Mais il n’en est pas sûr, il ne se souvient de rien. Pourquoi aurait-il fait ça, alors que sa vie avait l’air d’être parfaite ? Avec une volonté de fer et l’aide d’une vieille amie, Jersey reconstruit sa mémoire, sa vie et celle de ceux que son suicide a brisés.

De prime abord, ce roman, en adoptant un point de vue interne pour évoquer le thème du suicide des adolescents, interpelle. Mais il va au-delà, car il s’agit ici de l’ « après ». En effet, comme dans 99,5% des suicides d'adolescents, Jersey « se rate ». Le narrateur et héros de ce récit est donc un adolescent qui doit vivre avec le poids d’un suicide avorté, des conséquences que cet acte a eu sur ses proches, et des lourdes séquelles qu’il a laissé sur son corps.
L’écriture suit les pensées de Jersey, et est donc très décousue : « Je voudrais lui sourire aussi. Ou m’enfuir en courant. Ou les deux. Cacahouètes. Lacets. J’ai des lacets rose fuchsia. » Quand Jersey pense quelque chose, il ne peut se retenir de le dire. Petit à petit, les pensées du héros s’organisent, au fur et à mesure qu’il avance dans la reconstruction de son passé. Si les premières pages peuvent dérouter, cette écriture très dense et singulière est un des principaux intérêts du roman. Brute, sans artifice, elle contribue à lier fortement le lecteur et Jersey, ainsi qu’à donner une dimension poétique au récit.
Les thèmes abordés, et de nombreuses scènes sont très durs, néanmoins l’humour est présent. Les mots lancés par Jersey donnent lieu à des situations cocasses, notamment au lycée « pets de grenouille », « pétasse à roulettes ».
Le personnage de Mama Rush, vieille femme au caractère bien trempé, permet de prendre du recul, elle oblige Jersey a travailler sur sa mémoire sans jamais le prendre en pitié.
Tous les personnages secondaires ont une réelle épaisseur psychologique, notamment les parents du héros.
Si le lecteur a, comme Jersey, envie de savoir ce qui a provoqué la tentative de suicide, il n’y a aucun suspens déplacé. L’attachement envers les personnages et l’entrée totale dans cette écriture aliénée prennent le pas sur le « pourquoi ».
On peut toutefois regretter la note de l’auteur en fin de volume, qui évoque le suicide chez les adolescents d’un point de vue documentaire. La fiction se suffisait à elle-même.
Un roman bouleversant, abordant un thème rare et difficile de manière subtile, servi par une écriture époustouflante.

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à partir de 4 ans