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Date

Jean Claverie

27 février 2006

Le papa de Little Lou est notre invité cette semaine. Après des études à l'Ecole des Beaux-arts de Lyon, puis à l'Ecole des Arts Décoratifs de Genève, Jean Claverie fait ses premières armes dans la publicité en réalisant des affiches publicitaires et institutionnelles. En 1977, il fait son entrée en littérature de jeunesse avec «Le joueur de flûte d’Hamelin». Suivront une quarantaine d'ouvrages : des illustrations de contes anciens et d'écrivains actuels, mais aussi les livres qu'il réalise avec son épouse Michelle Nikly et ses propres créations comme La batterie de Théophile, La voiture d'Arthur ou encore les Little Lou. Illustrateur phare dont l'œuvre a été de nombreuse fois récompensée, Jean Claverie partage son temps entre l’enseignement à l'Ecole Nationale des Beaux-Arts de Lyon et à l'Ecole Emile Cohl, l’illustration, la musique et les animations.


- A quel "héros"/ personnage de fiction vous identifierez-vous volontiers ?

Autrefois j’ai été d’Artagnan, Quentin Durward, Sir Nigel, Capitaine Fracasse, Riquet à la Houppe, la fiancée de Barbe-bleue… maintenant je suis un peu Little Lou… un peu trop même.


- Quelle utopie seriez-vous prêt(e) à défendre ?

Une histoire de copains qui resteraient ensemble alors forcément pour une belle cause.
- A part être auteur-illustrateur, que rêveriez-vous d'être ?

J’aurais aimé être musicien ou cuisinier, maçon aussi peut-être. En tout cas un métier ou l’on exécute ce qu’on a soi-même projeté.





- Quel est le lieu qui vous inspire le plus ?

Les lieux investis par de belles architectures. Cela dit les banlieues déglinguées peuvent avoir du charme. C’est en fait une question de temps. Le temps d’apprendre à aimer.


- Quel est le sentiment qui vous habite le plus souvent ?

Maintenant celui du temps qui passe et qui voudrait qu’on fasse les choses plus vite ; mais le temps de « marinade » est incompressible. La réponse au « trop de livres » aujourd’hui me semble être dans une « prise de temps » par les auteurs. Mais je m’égare, ce n’est pas la question.

- Quel (s) genre(s) de livre(s) vous tombe(nt) des mains ?

Ceux que je me sens obligé de lire professionnellement, des essais, des ouvrages théoriques. Mais quand je les ai lus, je suis quand même content : j’ai appris quelque chose ; toutefois sans plaisir de lecteur. Et puis aussi certains livres qui sont des copies de copies, comme on en trouve pas mal dans le monde du livre de jeunesse également.


- Que redoutiez-vous enfant ?

Les cris et toute forme de violence et puis aussi l’huile de foie de morue sans oublier une certaine maîtresse hostile à toute forme de rêverie.




- Vous arrive-t-il de côtoyer des êtres imaginaires ?

Oui beaucoup, dans la rue, l'autobus, le métro c’est incroyable le nombres de visages, de corps qui n’attendent qu’un rôle. Tiens cette petite fille est sans nul doute le petit « Chaperon-rouge » idéal, ou celui-ci qui se gratte le nez, je lui vole sa bouille pour « Monsieur-tout-le-monde » et ce petit noir qui revient de l’école fera un bon guide pour Litte Lou perdu dans le bayou.


- Que feriez-vous ou diriez-vous à un ogre s'il vous arrivait d'en croiser un ?

J’en ai croisé quelques-uns que j’ai pris garde d’éviter mais en ai affronté aussi parfois. J’y ai laissé quelques plumes. J’avoue préférer le commerce des fées.


- Qu'avez-vous conservé de l'enfance ?

Beaucoup d’images, les bons moments avec des êtres chers et puis aussi une certaine naïveté. Peut-être aussi le désir de faire exister des rêves sans me préoccuper de savoir s’ils aboutiront. Le plaisir du dessin est certainement aussi quelque chose qui me reste de l’enfance.

- Selon vous, qu'est-ce qui fait vendre un livre ?

Quoique ce ne soit pas au cœur de mes préoccupations lorsque je dessine ou écris, je crois qu’il faut achever son travail avec le sentiment qu’on a fait tout ce qu’on a pu. Mais ce n’est pas une condition suffisante. Il arrive que des choses aimées ne rencontrent que peu de succès. Plus prosaïquement, la publicité fait vendre : le moindre livre un peu soutenu décolle comme n’importe quel produit. Mon prochain bouquin s’intitulera « Tête de Gondole ».


- Quel qualificatif vous colle à la peau ?

Gentil… (mais pas « bien gentil ») alors il est grand temps que je montre mon « dark side » mais même-là je ne serai pas très méchant.




- Quelle est la meilleure phrase qu'un enfant vous ait dite ?

Comme je reçois passablement de lettres de lecteurs, j’hésite à choisir. Cependant la plus touchante c’est Michelle, ma femme qui l’a reçue : « j’aime vos livres parce que… (hésitation manifeste) parce que j’aime vos livres ! » Elle avait 7 ans et écrivait du Minnessota.


- Quelle est votre définition du bonheur ?

J’ai bien aimé la formule d’Alain : « le bonheur est dans l’action » mais ma vie telle qu’elle passe, sans grands éclats, me convient assez finalement.


- Si vous aviez la possibilité de recommencer, que changeriez-vous ?

Jocker ! En fait pas grand chose : je passerais au magasin des accessoires et je ferais l’emplette d’une mémoire phénoménale et extrêmement bien organisée.





- Enfant, quel genre de lecteur (et /ou "lecteur d'images") étiez-vous ?

J’étais grand consommateur d’histoires lues ou racontées par ma mère et ma grand-mère. Puis sont venus les premiers albums de Samivel « Merlin-Merlot », « Ysangrin », « Brun l’Ours », tous les contes, surtout ceux de Perrault, les « Bibi Fricotin » et les « Pieds Nickelés », les « Tintins », les Conan Doyle, les Jules Verne. Mon premier souvenir d’image imprimée, c’est une petite fille s’échappant d’une minuscule pièce où elle a été enfermée, par le rayon de lumière qui vient d’un lucarneau hors de sa portée. Si quelqu’un a une piste, je lui en serai très reconnaissant.


- Vis-à-vis de quoi vous sentez-vous impuissant ?
Un peu comme tout le monde : cette frénésie de tout temps qui conduit au pire… et qui aujourd’hui est attisée par ce qu’il est convenu d’appeler les médias.


- Quel est l'animal auquel vous ressemblez le plus ? Pourquoi ?

Pour aussi étrange que cela puisse paraître pour quelqu’un qui aime travailler pour la jeunesse je n’ai pas trop de goût pour les animaux. J’aime les regarder, les dessiner mais je ne me vois pas dans la peau d’un chien ou d’un chat.


- Que souhaiteriez-vous que l'on retienne de vous ?

Il a plus ou moins accompli ce qu’il voulait faire étant petit… hormis le fait de vivre dans un château fort.





Vos livres
- Quelle est votre dernière sortie pour la jeunesse ?

« L’atelier de Poésie » de Rolande Causse chez Albin-Michel.


- Le(s) livre(s) dans votre production dont vous êtes particulièrement fier ou qui vous laisse(nt) un souvenir particulier

Mon premier livre :  « Le Joueur de flûte de Hamelin », « Que ma Joie demeure » de Michel Tournier, « L’Art du Pot », « L’Art des Bises » et « L’Art de Lire » avec Michelle Nikly et puis les 2 « Little Lou ».


- Quel est le thème que vous aimez davantage traiter ?

En fait j’aime changer d’univers, de thèmes et d’« âges » à chaque projet.


- Quelle est votre technique graphique de prédilection ?

Ce serait le dessin laissé brut mais comme l’a dit un critique anglais à propos d’un livre fait là-bas il y a quelques années : « it looks a bit unfinished »





- D'où est né votre premier livre/ illustration ?

De mon amour pour l’histoire du « Joueur de Flûte » et de la version qu’en avait donné Samivel. Il faut dire que j’ai vécu jusqu’à sept ans à Verdun sur le Doubs, petite ville qui ressemblait à la ville telle que la voyait Samivel. Cette forme d’urbanisme me semble avoir été très propice au bonheur des gens avant d’être un peu désertée.


- Quel livre/ illustration en littérature de jeunesse auriez-vous voulu réaliser à la place d'un autre ?
J’ai caressé le rêve il y a une dizaine d’année d’illustrer Shakespeare selon Charles et Mary Lamb mais comme je le voyais, c’était un travail titanesque. Heureusement Michelle s’est acquittée de cette belle tâche en traduisant ces adaptations exemplaires.


- Sur quel projet travaillez-vous actuellement ?

En 1944 les gens de Verdun sur le Doubs (encore) ont eu une belle conduite et j’aimerais ainsi dire à mon père ce que je ne lui ai pas dit de son vivant.


- Où et comment vous voyez-vous dans 10 ans ?

J’aimerais pouvoir continuer à faire ce métier… si l’on veut toujours de moi.





Références

Littérature de jeunesse


- Un livre pour la jeunesse qui vous a marqué petit ?

J’en ai déjà donné plusieurs ; alors ajoutons « Peau d’Ane » pour faire bonne mesure.


- Quels sont vos auteurs-illustrateurs de référence ou qui pour vous développent une approche intéressante ?

Il y en a beaucoup alors en voici trois très différents : Gary Kelley pour le grand style, Hélène Riff pour son dessin si juste et qui est inséparable de ses histoires, Damien Cuypers qui est encore étudiant et dont j’attends le premier livre avec impatience.

- Quels sont vos livres "coups de cœur", les "incontournables" en littérature de jeunesse ?

« l’Enfant et la Rivière » de Henri Bosco avec Georges Lemoine, « Poucette » de Georges Sand avec Nicole Claveloux, « Le Prince grenouille » de Binette Schroeder, « la Parure » de Maupassant avec Gary Kelley, mais il y en a tant…


Culture
- Un film, une photo/illustration qui vous touche ?

« La Nuit du Chasseur »


- Un musicien 

Big Bill Broonzy


- Un lieu où vous aimeriez vivre :

Il y en a pas mal ! Allez au pif : Syracuse !


- Une phrase (une devise) qui vous guide :

Elle est de Laurence Olivier rapportée par Bergman : « l’honnête satisfaction de bien faire ce que l’on avait à faire »


Actualité
- Vos dernières (bonnes) lectures ?

« Traités politiques, esthétiques … » de Baltasar Gracian, « Tokyo Décibels » de Hitonari Tsuji, « Tout à l’Ego » de Tonino Benacquista.


- Un site (sur les techniques graphiques, un auteur-illustrateur, une approche particulière du texte, de la littérature...) que vous souhaitez recommander ?

http://www.vincentdutrait.com/

Vincent est un "ancien" étudiant qui m’a étonné et continue de le faire


http://www.jeanclaverie.com

Auteurs et illustrateurs en lien avec l'interview

Illustration d'auteur

Jean Claverie

française