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Des livres jeunesse qui abordent la transidentité pour célébrer le 17 mai

A l’occasion de la Journée mondiale contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie, célébrée le 17 mai, Ricochet vous propose une sélection d’ouvrages qui abordent le thème de la transidentité. La question de l’identité de genre, les difficultés rencontrées par les personnes transgenres, ainsi que les joies qui accompagnent cette découverte de soi ; vous trouverez tout cela sous forme de documentaires, d’albums ou encore de romans dans notre sélection ! De quoi entamer de jolies réflexions et discussions.

Drapeau trans

Nous vous proposons de commencer cette bibliographie par deux documentaires qui explorent les questions du genre, de la sexualité et de l’attraction de manière générale, pour offrir à tous·tes quelques bases.

Transidentité 01
Couvertures de «Qu’est-ce qui fait mon genre ?» (©Gallimard) et «Je suis qui ? Je suis quoi ?» (©Casterman).

1. Qu’est-ce qui fait mon genre ?, de Aïda N’Diaye et Léa Murawiec, Gallimard Jeunesse, 2022
Documentaire dès 14 ans

Paru dans la collection Philophile ! de Gallimard Jeunesse qui « initie les lycéens à la réflexion philosophique et à ses lumières pour les aider à mieux comprendre leur vie au lieu de la subir, à appréhender la complexité du monde qui les entoure et ses enjeux », Qu’est-ce qui fait mon genre ? est un documentaire qui pose de bonnes questions et offre de bonnes réponses.

Le petit livre de 46 pages explore et interroge la distinction entre sexe et genre et retrace l’évolution historique et culturelle de ces notions. Il nous fera aussi réfléchir sur le poids de la nature et/ou de la culture sur la définition de ces concepts, sur le statut particulier de la transidentité, il nous demandera s’il faut sortir de la binarité des genres, nous questionnera sur les rapports de domination entre les genres et leurs origines, et plus encore.

Écrit de manière simple – sans être simpliste ! – et factuelle, ce petit documentaire philosophique est un bon point de départ, ou point de référence, pour les lecteur·ice·s voulant comprendre les questions de genre et de sexe, si présentes dans le débat publique ces dernière années. Les références aux auteur·ice·s et théories qui ont pavé cette réflexion au fil du temps sont bienvenues et peuvent aiguiller celles et ceux qui voudraient s’intéresser aux études de genre plus en détail. On déplorera quand même l’absence d’une vraie bibliographie qui renverrait aux ouvrages clés des auteur·ice·s cité·e·s au fil des pages. Malgré cela, Qu’est-ce qui fait mon genre ? est un documentaire qui devrait passer entre toutes les mains ! (AZ)

2. Je suis qui ? Je suis quoi ?, de Jean-Michel Billioud, Sophie Nanteuil, Terkel Risbjerg et Zelda Zonk, Casterman, 2019
Documentaire dès 12 ans

Feuilles de chaîne [5]. Je suis qui ? Je suis quoi ? - YouTube

Le cahier de lecture de Nathan

Nous passons maintenant à des ouvrages dont le thème central est la transidentité.

3. Je suis Camille, de Jean-Loup Felicioli, Syros, 2019
Album dès 8 ans

C’est la rentrée et Camille, qui débarque de Los Angeles, ne sait pas si elle arrivera à se faire des amis dans sa nouvelle école. En effet, la jeune fille cache un secret qui lui pèse et rend la perspective de se lier à de nouvelles personnes effrayante. Heureusement, sa camarade de classe, Zoé, avec qui elle partage une passion pour la musique, saura lui donner une étincelle d’espoir.

La transidentité est un thème tout aussi nécessaire que délicat à aborder. Sujet parfois difficile à expliquer à de jeunes enfants, cet album y arrive parfaitement, tout en simplicité et en subtilité, notamment lors du passage où l’héroïne avoue son secret et se retrouve confrontée à l’incompréhension (toutefois bienveillante) de son interlocutrice. Il n’essaie pas de « surexpliquer » la situation de Camille, il souhaite juste montrer que de telles situations existent et doivent être acceptées. Camille est dépeinte comme une personne qui vit les mêmes expériences que les autres enfants « ordinaires » de son âge, mais est toujours bloquée par son secret qui l’empêche d’en profiter pleinement. L’histoire montre aussi que les gestes simples du quotidien, comme aller aux toilettes par exemple, revêtent une importance cruciale pour la jeune fille, ce qui peut mettre les choses en perspective pour les lecteurs, les interroger sur leurs habitudes qui leur semblent si anodines, mais qui ne vont pas de soi pour les personnes transgenres. Outre le cas de l’héroïne, la question de la différence entre les genres* est abordée tout le long de l’ouvrage, en étant thématisée par le fait que Zoé est dite à l’aise avec les filles mais intimidée par les garçons ou que le prof de SVT demande à notre protagoniste si son prénom relève du féminin ou du masculin. Mais finalement, cette question peut passer à la trappe, car ce qui importe, ce n’est pas de savoir si Camille est biologiquement une fille ou un garçon, elle est elle-même tout simplement, comme l’indique l’album qui s’ouvre (par son titre) se conclut sur cette phrase : « Je suis Camille ». Voilà donc un beau récit d’amitié et de tolérance, qui ne cherche pas à faire croire que vivre sa transidentité est facile, mais qui illustre l’idée qu’être entouré des bonnes personnes est déjà un pas vers la lumière. (AG)

*La notice a été légèrement retouchée pour utiliser le terme correct.

4. Buffalo Belle, d’Olivier Douzou, Rouergue, 2016
Album dès 12 ans

Très vite, on comprend que « elle » devient « il » et « il » devient « elle ». Il est question de genre, de liberté, d'envie d'être soi tout simplement. Olivier Douzou inverse les syllabes. Le fait de les avoir mis en gras facilite la lecture de ce texte versifié. Le dessin exécuté au crayon gras noir évoque l'inachevé, une certaine rudesse présente dans le récit, le flou de la situation, les hésitations du personnage qui grandit, à la recherche de son identité.

« On m'appelait Annabil

Je m'appelais Buffalo Belle »

Au-delà de cette quête, on peut aussi y voir une enfant qui joue, aime se raconter des histoires et jouer des personnages, se voir en « Buffalo Bill », façon Belle. Annabelle réussit à vivre sa vie à sa façon sans tenir compte de son entourage :

« Je suis ce que je suis

Je serai ce que je veux ».

La force d'Annabelle est admirable. On ne peut qu'aimer ce personnage qui s'impose et se connaît finalement très bien. (PP)

5. Appelez-moi Nathan, de Catherine Castro et Quentin Zuttion, Payot, 2018
Bande dessinée dès 14 ans

Lila, 12 ans, voudrait ne plus grandir. C’est qu’elle déteste la manière dont son corps se transforme jour après jour : les règles, les seins qui poussent, tout cela lui ressemble si peu. En réalité, Lila est un garçon né dans une enveloppe corporelle féminine. Dans un premier temps, il doit accepter cet état de fait. Mais le plus difficile sera de se confronter au regard et à l’incompréhension de ceux qui l’entourent, qu’il s’agisse de ses amis, de ses camarades de classe ou encore de sa famille. Et s’il commençait par demander aux gens de l’appeler Nathan ?

Cette bande dessinée, tirée d’une histoire vraie, retrace la vie de Lila-Nathan du début de sa puberté jusqu’à sa majorité. Outre la qualité indéniable du texte et des illustrations, le livre est une véritable source d’informations pour tous ceux qui désirent mieux comprendre la thématique de la transidentité. Le lecteur suit Nathan dans les grandes étapes de sa recherche d’identité et de sa transformation : premiers émois amoureux, changement de look, hormonothérapie, démarches administratives pour officialiser son prénom et son vrai sexe. La famille de Nathan, très réticente dans les premiers temps, finit par être d’un grand soutien pour l’adolescent. Les auteures ont eu la bonne idée de multiplier les points de vue et de s’intéresser également aux ressentis de la mère, du père et du petit frère du héros. Un livre très abouti et une ressource précieuse ! (F-F)

Transidentité 02
Couvertures de «Je suis Camille» (©Syros), «Buffalo Belle» (©Rouergue) et «Appelez-moi Nathan» (©Payot).

6. Stay Gold, de Tobly McSmith, Pocket Jeunesse, 2021
Roman dès 14 ans

Dans ce roman, on nous raconte la rencontre de Georgia et Pony. Elle est pom-pom girl et fait partie des filles populaires du lycée, lui est nouveau dans cette école et bien décidé à ne pas faire de vagues. Dès le premier regard, les deux adolescents tombent amoureux l’un de l’autre. Toutefois, Pony est un garçon mystérieux et cache de nombreux secrets… dont celui de sa transidentité.

Quand Pony décide de révéler à Georgia cette part de lui-même, c’est le drame. Georgia, qui a vécu des relations amoureuses compliquées par le passé, ne l’accepte pas du tout. Elle prétend ne plus voir Pony comme un homme, ni comme un potentiel amoureux, mais au fond le problème est le regard des autres. Par peur du rejet des lycéens et lycéennes, elle coupe les liens avec Pony, puis revient vers lui en tant qu’amie, au grand dam de ce dernier. Mais l’attirance est toujours là…

Sous couvert d’une romance un peu clichée, Tobly McSmith brosse ici le portrait d’une jeunesse LGBTQIA+ aux prises avec la popularité, le regard des autres et l’affirmation de soi. Plus clairement, le lecteur et la lectrice pourront, via ce livre, en savoir plus sur la transidentité et comprendre comme il peut être douloureux d’être mégenré·e·x, d’être appelé·e·x par son deadname, de souffrir d’une dysmorphophobie (ne pas se reconnaître dans son propre corps), ou encore d’être rejeté·e·x par ceux et celles qui devraient nous aimer, point barre. Mais pas seulement ! L’auteur aborde des thématiques queer plus larges comme la non-binarité, la bisexualité et le lesbianisme, tout en dénonçant les macro- et micro-agressions du quotidien.

Pour autant, ce roman n’est pas une suite de situations tristes. Tobly McSmith est amateur des comédies musicales et cela se ressent dès l’ouverture de Stay Gold. Le roman commence par l’arrivée de Pony. Celle-ci est racontée à la troisième personne. La suite est écrite en « je » et alterne les points de vue de Pony et Georgia. L’ouverture est donc décalée et particulièrement humoristique. Pony et Georgia sont tous les deux attachants, drôles et sont construits avec une certaine psychologie, mais ils ne sont pas les seuls.

Partez à la découverte de tous les étudiants LGBTQIA+ du lycée d’Hillcrest ! (MC)

7. Trois garçons, de Jessica Schiefauer, Thierry Magnier, 2019
Roman dès 15 ans

La narratrice Kim a quatorze ans, comme ses meilleures amies Bella et Momo. Inséparables, elles aiment se déguiser et prendre le thé dans la serre où Bella cultive son jardin. Un jour, la jeune fille reçoit un plant de fleur extraordinaire. Les amies découvrent qu’en buvant un peu de son nectar, elles se transforment pour quelques heures, une nuit, en garçons. Le regard des autres change radicalement : de fragiles femmes en devenir, elles passent dans le monde des hommes tout-puissants. Bella puis Momo finissent cependant par se lasser du jeu. Seule Kim va continuer, heureuse de son corps nouveau dans lequel elle se sent mieux, heureuse aussi d’attirer le regard du beau Tony. Mais cela n’est pas sans danger, car la fleur s’épuise, et Tony entraîne Kim vers la délinquance.

De bout en bout le roman étonne, attire et dérange. Il est question d’une jeune héroïne fille qui se sent garçon. Mais elle est aussi attirée par les garçons (un garçon en particulier), et pourquoi pas par les filles. Et si son corps de femme la dérange, elle ne veut pas non plus adopter le comportement d’un homme. La nuance est donc au rendez-vous, jamais l’hésitation. Kim suit sa recherche, son destin, aussi mouvementés soient-ils, entre fantastique filant, scènes crues et fin aux allures policières. Les adultes sont complètement absents de l’intégralité du roman, et on les ressent presque comme démissionnaires. Les quêtes d’identité respectives de Kim, Momo et Bella n’en sont que plus fortes. Servi par une très belle écriture et des symboles délicats, un roman à découvrir !

« Comme si le souvenir du garçon était resté dans ce miroir […] Il y a bien un garçon dans ce miroir. […] La femme, elle, l’entoure comme un voile, le protège avec son enveloppe. C’est un humain. J’effleure mon corps avec mes mains. […] C’est un regard d’adulte que je rencontre. » (p. 250) (SP)

8. Météore, d’Antoine Dole, Actes Sud Junior, 2020
Roman dès 15 ans

« Cette vie nous demande des choix. Sans cesse. S’écrouler ou se battre. Se cacher ou affronter. Disparaître ou exister. Ce ne sont pas les autres qui font ces choix. C’est nous et seulement nous. » (p.40)

Ce jour où Sara a décidé de se faire prénommer ainsi et de porter une jupe, elle se heurte à l’incompréhension non pas de ses amis mais à celle de son professeur. Née « Jérôme », il était inconcevable, voire malsain, de demander à être appelée par un autre prénom, de surcroît féminin.

Cette scène, qui intimera le premier coup porté à la tentative d’émancipation de la narratrice de ce texte, si elle la terrasse nécessairement dans un premier temps, se veut finalement le point de départ de la trajectoire qu’elle suivra ensuite, et partant, du parcours initiatique qu’elle s’apprête à vivre !

Ce récit introspectif retrace en effet le combat semé de coups et d’épreuves mené par la narratrice pour s’accepter telle qu’elle est et être reconnue. Du haut de ses seize ans, Sara raconte. Elle décrit avec beaucoup de précision et de détails ce long calvaire qu’elle a vécu. Difficile quand on est enfant, d’être armé-e pour recevoir les quolibets, les insultes, les coups des enfants et des adultes. Difficile quand on est enfant, d’assumer qui on veut être quand vos proches et la société s’ingénient à vous affubler d’un corset de bienséance et de conformité qu’ils resserrent à l’envi dès que vous tentez de laisser s’échapper un pan de votre personnalité. Discrimination et intolérance deviennent d’ailleurs les uniques compagnons de Sara, jusqu’au jour où le diagnostic affiné et bienveillant d’un clinicien vient enfin insuffler le temps du changement et apporter de l'espoir à la jeune fille. Pour se reconstruire, il lui a donc fallu commencer par survivre à ce dégoût de soi que les autres avaient réussi à transmettre. Délestée de cette haine viscérale de soi, la jeune fille a pu commencer à grandir…

Ce nouvel opus de la collection D’une seule voix des éditions Actes Sud Junior signé Antoine Dole est un cri. Un cri de douleur, de colère, d’injustice et un cri de joie, aussi puissant que le premier cri que pousse le nouveau-né, signifiant ainsi qu’il est bien vivant !

Il en aura fallu du courage et de l’introspection à la jeune narratrice de ce roman pour accepter que son sexe ne soit pas son genre, pour refuser la dichotomie fille/garçon que la norme sociétale, malgré les siècles qui défilent, s’ingénie à imprimer dans les consciences et pour réinventer, contre et avec les autres, son identité individuelle.

Parce que l’être humain a un besoin irrépressible et ontologique de mots pour exister, ces personnes qui font bouger les frontières et refusent de se voir assigner un genre strict et sclérosant sont appelés « transgenres », « agenres », « non binaires » ou encore « intersexes ». Autant de termes qui illustrent la difficulté actuelle de la société à accepter et nommer clairement la réalité, l’existence de ces enfants, adolescents et jeunes adultes qui, au nom de la lutte contre toutes les formes de discrimination qu’elles soient nommées sexisme ou racisme, doivent se battre au quotidien pour revendiquer leurs droits.

Il en aura fallu de l’audace, de l’engagement et de l’amour à l’auteur de ce texte pour aborder cette thématique tout juste émergente en littérature jeunesse et pourtant profondément en prise avec le présent de cette même jeunesse. Ses mots sonnent de manière vraisemblable et juste. Exhortant ses lecteurs à réfléchir non seulement sur la question de genre mais également sur la définition même de l’adolescence, ce monologue tient lieu de lettre ouverte résolument optimiste et engagée qui, espérons-le, éveillera les consciences ! (HD)

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Couvertures de «Stay Gold» (©Pocket Jeunesse), «Trois graçons» (©Thierry Magnier) et «Météore» (©Actes Sud Junior).

9. George, d’Alex Gino, L’École des loisirs, 2017
Roman dès 12 ans

George n'a aucun doute : elle est une fille. Le problème est que cela ne se voit pas au premier abord. Alors, elle a une idée : si elle parvient à jouer le rôle de Charlotte dans la pièce de théâtre de l'école, il est certain que tout le monde, surtout sa mère, verra enfin qu'elle n’est pas un garçon.

Sur ce sujet très sensible, l'auteur, eux-mêmes transgenres (au pluriel, car l'auteur se considère(nt) multiple), dresse(nt) une histoire toute en finesse. Petit pas par petit pas, le lecteur découvre la vie de George, et toute sa difficile intimité, grâce à une approche particulière de courtes scènes de la vie quotidienne. Le passage dans des toilettes, l’épreuve de la salle de bain, les discussions avec les proches... autant de moments-clés qui mettent l'enfant transgenre dans une grande souffrance et qui sont parfaitement retranscrits. Ici, dans ce roman publié en jeunesse, un grand optimiste est nécessairement constaté : certes le personnage souffre mais sa différence est très bien acceptée par sa meilleure amie et d'autres figures importantes du roman. Toute violence, si ce n'est intime, est ainsi épargnée. La narration prend aussi une courte place dans le temps et le lecteur se demandera forcément ce qu'il adviendra à George ensuite. Mais il est agréable d'avoir cette parenthèse de bonheur, presque dénuée de problèmes. Le jeune lecteur, concerné ou non, est ainsi judicieusement invité à réfléchir sur les émotions ressenties par George et à accepter chacun avec ses différences. Rares sont les romans qui traitent de cette thématique et George offre ainsi une belle opportunité d'aborder ce sujet fort et essentiel. Pour les lecteurs intéressés, on peut également leur conseiller Le garçon bientôt oublié ou le récent Celle dont j'ai toujours rêvé. (DM)

10. Le secret de Grayson, d’Ami Polonsky, Albin Michel Jeunesse, 2016.
Roman dès 13 ans

Grâce à la compréhension de son professeur de littérature, Grayson peut incarner brillamment le rôle de la déesse grecque Perséphone dans la pièce de théâtre de l’école. Cet adolescent peut ainsi vivre au grand jour son identité de fille.

Au début du roman, il est difficile de savoir à quoi attribuer son profond mal-être et son isolement. Ayant perdu prématurément son père et sa mère, Grayson grandit, sans amis, dans la famille de son oncle paternel, avec sa tante et son cousin. Par la suite, l’affirmation de sa transidentité suscite des attitudes très diverses au sein de sa famille. La profonde et précoce compréhension des parents trop tôt décédés (dont attestent des lettres conservées) contraste avec l’attitude de la tante qui va tout faire pour empêcher Grayson de jouer un rôle de fille afin de le « protéger ». Et si l’oncle opte pour une attitude plus soutenante, le cousin se fait complice des harceleurs qui poussent brutalement Grayson dans un escalier. A l’école, les différences de positionnement sont aussi bien mises en lumière tant au niveau des élèves que des enseignants et de la direction.

Montrant avec beaucoup de finesse et de sensibilité le combat que peut être d’oser vivre sa transidentité, le roman rend compte de la libération que cela représente pour Grayson et se termine sur une note optimiste. (F-F)

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Couvertures de «George» (©L’École des loisirs) et «Le secret de Grayson» (©Albin Michel Jeunesse).

Pour terminer cette sélection, Ricochet vous propose un ouvrage qui traite d'une thématique différente de celle de la transidentité mais tout aussi intéressante : l'intersexuation. Ce sujet, pratiquement inexistant en littérature jeunesse, mérite d'être mis en lumière et présenté au jeune public.

11. Polly, de Fabrice Melquiot et Isabelle Pralong, La Joie de Lire, 2021
Bande dessinée dès 13 ans

Polly est « entre chien et loup », il-elle est « guille et farçon », « sans identité fixe ». Polly est né·e intersexe.

Cette bande dessinée nous présente le portrait de cet être humain, né dans la zone de flou entre « les deux » genres conventionnels, et son expérience si particulière de la vie. Le ton y est presque factuel, nous montrant la confusion des sages-femmes et des parents à la naissance de l’enfant, et les expériences de Polly lorsqu’il-elle grandit. La figure du médecin est particulièrement frappante, bien que (malheureusement) classique dans ses propos et actions. Immédiatement, les parents de Polly font face à la rhétorique de l’enfant incomplet, raté, et qu’il faut réparer. C’est impensable d’exister dans un entre-deux, Polly sera donc un garçon, explique le docteur. Ainsi, après de nombreuses opérations, Polly est un garçon, c’est ce qu’on lui dit, c’est ce qu’il accepte… jusqu’au jour ou il-elle ne l’accepte plus.

Polly est intersexe. Il-elle est « entre chien et loup », « guille et farçon », « sans identité fixe ». C’est là le récit d’un enfermement et d’une – d’un début de – libération, libération qui ne peut exister que parce que l’on se rend compte qu’on a été enfermé. Cependant, malgré la libération personnelle, l’acceptation de cette identité plurielle par les autres n’est pas facile dans notre société faite de petites cases, où chaque chose a sa place et où chacun doit être soit l’un, soit l’autre.

Les illustrations sont réalisées à l’encre dans des tons bleu-vert, avec quelques éclats de jaune et de rouge, et représentent bien la fluidité propre au sujet. L’histoire est très touchante, et des jeux sur la langue apportent un intérêt littéraire supplémentaire à cette BD déjà très riche de par son thème.

Il s’agit là d’un ouvrage important, qui donne la parole à une catégorie de personnes qu’on entend encore peu souvent. Pourtant, les personnes intersexes représentent 1,7% de la population mondiale (soit autant que les personnes rousses) d’après Amnesty. La BD nous expose un point de vue, une expérience qui est bien différente de la nôtre – ou pas ! – et nous permet de questionner la binarité des genres et les autres petites cases qui régissent encore notre monde. À méditer. (AZ)

Polly
Couverture de «Polly» (©La Joie de Lire)

Les chroniqueur·euse·s : Annaëlle Zollinger (AZ) ; Amandine Gachnang (AG) ; Pascale Pineau (PP) ; les experts de la commission Familles, Familles ! (F-F) ; Margaux Cardis (MC) ; Sophie Pilaire (SP) ; Hélène Dargagnon (HD) ; Déborah Mirabel (DM) ; Le cahier de lecture de Nathan