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Le 12 août, on lit un livre québécois!

À l’occasion de l’évènement «Le 12 août, j’achète un livre québécois», nous vous proposons une sélection de 12 titres 100% québécois pour petits et grands qui ont particulièrement plu à nos chroniqueurs. De belles pépites à découvrir!

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Ricochet
12 août 2022

1. Je n’ai peur de rien, de Robert Soulières et Alain Pilon, Les 400 coups, 2021
Album, dès 3 ans

«Je n’ai peur de rien». Si l’énonciateur est le personnage qui émerge craintivement d’une poubelle, le lecteur va avoir du mal à le croire. Le dessin clair, style cartoon, d’Alain Pilon, aux expressions affirmées, confirme l’écart entre ce qui est dit et ce qui est montré. «Je n’ai peur de rien», «c’est moi qui vous le dis» affirme le héros. Juché sur un tabouret, le doigt pointé vers une table sur laquelle un vermisseau étonné sort d’une pomme, lequel a le plus peur des deux?

Au pas de course devant un chien affectueux qui souhaite le lécher ou arqué contre un chat, le personnage fait piètre figure. L’album continue à ce rythme en enchaînant vivement les situations que connaissent tous les enfants:  peur des animaux, de l’eau, du médecin, des personnages de contes. Loin de la joie affichée des adultes, chaque enfant affronte, avec circonspection, à un moment ou à un autre, une situation qui semble anodine, et le meilleur exemple en est sans doute celui du Père Noël qui en a terrorisé plus d’un. Et dans cette attitude de déni, il est une peur que l’on ose avouer, c’est la peur du NOIR. Robert Soulières trace ainsi une ligne de démarcation entre ce qui est «légitime», la peur du noir, et tout ce qu’on cache par peur de passer pour pleutre... Un album joyeux qui se joue des attitudes fanfaronnes et peut susciter une salutaire discussion sur la peur. (DB)

2. Madame Grisemine et le petit chenapan, de Marie-Francine Hébert et Mathieu Lampron, Les éditions de la Bagnole, 2019
Album, dès 3 ans

Madame Grisemine a une vie aussi grise que ses cheveux. Pourquoi tenter de colorer son quotidien si personne ne s’intéresse à elle? Toute la journée, seule, elle attend que les secondes passent. Et voilà qu’un matin un ballon fait éclater son carreau et roule dans son salon. Quelle incroyable bêtise d’un petit chenapan! Mais le coupable est bien désolé de son geste et va alors tout faire pour réparer sa maladresse. Il va même faire un cadeau à Madame Grisemine qui, soudainement, ressent des émotions enfouies depuis longtemps.

Au fil des pages, le jeune lecteur saura interpréter les signes qui montrent les sentiments complexes de la vieille femme. Sa colère du début se comprend facilement lorsque son extrême solitude est constatée et la relation naissante entre les deux personnages engendre alors de grandes émotions:  le jeune lecteur saisit le désarroi, ressent de la tendresse, a envie de venir en aide. Voilà une histoire tout en délicatesse qui donne envie de prendre soin des autres et de mieux connaître son voisin. (DM)

3. Ada, la grincheuse en tutu, d’Elise Gravel, La Pastèque, 2016
Album, dès 4 ans

Elle annonce franchement le sujet, Ada:  «Je déteste le ballet».

Sur la couverture, bouche crispée, volontaire, bras croisés et couettes tendues, vêtue d’un tutu rose, Ada, l’héroïne, qualifiée de «grincheuse en tutu», présente un visage peu affable. Tout le récit vient expliciter cette affirmation renforcée par le petit monstre compagnon d’Ada:  «elle déteste le ballet!»

La chambre d’Ada nous renseigne:  caverne d’Ali Baba, habitée par un vélo, un monocycle, des bottes de cowboy mais aussi un grand nombre de personnages fantasques; cette petite fille pourrait bien être un garçon manqué. Pourquoi déclare-t-elle «Je déteste les samedis.»? Pourquoi l’auteure nous a-t-elle prévenus:  «C’est samedi. Ada se réveille de mauvaise humeur.»? Etrange.

Peu à peu, le mystère se lève. L’auteure-illustratrice est du côté d’Ada, et nous souffrons avec elle du léotard «trop serré», du «tutu bouffant qui pique et gratte bien trop». Le lecteur compatit avec la petite fille qui a mal au cœur en voiture au moment d’aller danser. Elise Gravel accentue le trait et le contraste des visages entre l’air béat (un peu bêta?) de son père, des autres fillettes du cours de danse, de Mademoiselle Delapointe, et le sien est vraiment drôle. A l’écart de tous, Ada insiste. «Les arabesques, c’est grotesque» sonne comme un slogan. Ce n’est pas facile d’être à contre-courant dans un univers qui se croit bienveillant. Les scènes qui suivent sont hilarantes:  les tentatives d’Ada pour se conformer aux consignes, le modèle présenté par la professeure échouent lamentablement. Le trait de l’illustratrice caricature les essais, les positions et s’achève par une expulsion au sens propre comme au figuré de la salle de cours.

Le troisième temps du récit nous transporte dans un cours de karaté. Ada y trouve sa voie, seule fille. Un petit garçon, dans son coin, pense:  «Je déteste le karaté». Un autre livre est possible…

Cette adorable grincheuse pourrait être une petite sœur d’Ada Lovelace, la mathématicienne (l'une des femmes scientifiques célèbres) ou l’une des «filles» (voir le très riche blog d'Elise Gravel) qui illustrent la position d’Elise Gravel:  à chacun-e d’être et de faire ce qu’elle (il) veut de sa vie. C’est drôle, salutaire, efficace. (DB)

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«Je n’ai peur de rien» (@Les 400 coups), «Madame Grisemine et le petit chenapan» (@Les éditions de la Bagnole) et «Ada, la grincheuse en tutu» (@La Pastèque)

4. Mon amie la Lune, de Paul Martin, Editions de l’Isatis, 2020
Album, dès 4 ans

À la fois documentaire et poème, Mon amie la Lune est la déclaration d’amour d’un jeune enfant à notre lointain satellite. En tête à tête, l’enfant au cœur de la nuit noire regarde le ciel. Comme un personnage collé sur la page, en compagnie d’une souricette, sur le vert tendre d’une prairie, il énonce avec simplicité ce qu’il voit. Petite ou grosse, il observe la Lune et son vocabulaire est à hauteur d’enfant:  l’étonnement dans la variation de taille, dans la permanence de l’astre («Partout. Partout. Partout»), dans le mouvement en voiture. Grâce à son regard, le lecteur va s’émerveiller pendant que la souris ne rêve que de fromage avec un décalage humoristique bienvenu.

Petit à petit, le personnage informe le lecteur sur les phases de la Lune, la durée de sa rotation et même son histoire entre personnage mythologique – Séléné la Grecque – et objet scientifique exploré en 1969. La pensée de ce petit garçon entre rêve d’avenir (il ira lui aussi sur la Lune) et réalité vécue (l’heure du sommeil) nous le rend très proche et très charmant. Dans l’obscurité de la chambre, on pense à Bonsoir Lune, l’indépassable album de Margaret Wise Brown avec un message commun, la Lune veille et on peut avoir confiance dans la stabilité du monde.

Un album très chaleureux qui combine intelligence et poésie, sous une forme rare de documentaire qui éveille à la curiosité, accessible aux plus petits. Sa forme graphique très épurée et son message séduiront aussi les plus grands. (DB)

5. La ruelle, de Céline Comtois et Geneviève Després, D'eux, 2022
Album, dès 5 ans

Deux minutes, le temps que son papa disparaisse dans la maison, Élodie s’échappe et part explorer la ruelle… Et il s’en passe des choses dans cette ruelle en apparence si déserte! «Cric, crac», un bruit vient d’on ne sait où, Charlie, le chien de Madame Bernard, promène son museau dans tous les coins, des fourmis dévorent un gâteau au pavot. «Cric, crac, crac», un drôle de dé maintenant rebondit sur le sol, une porte grince et claque, et une tignasse ébouriffée apparaît au milieu de la végétation:  c’est Aimée, la nouvelle petite voisine...

Dans cette histoire toute simple, publiée par les éditions québécoises D'eux, Céline Comtois et Geneviève Després ont su saisir tout ce qui fait l’essence de l’enfance:  la curiosité, l’observation, le jeu quand les deux fillettes s’abordent en faisant des grimaces, le contact spontané et facile – pas besoin de grand discours pour devenir des amies. Les illustrations qui alternent les perspectives nous mettent à hauteur d’enfant, exploitant judicieusement toutes les possibilités offertes par le format à l’italienne. La ruelle explore un de ces moments de grâce où, pour un rien, la vie prend parfois des allures d’aventure. Et, comme Élodie, le lecteur n’a qu’une envie:  aller coller à son tour son œil dans un trou de palissade pour voir ce qui se passe derrière. Le vent s’engouffre, fait s’envoler les feuilles, danser le linge au bout de sa corde, les écureuils courent sur les murs, un pigeon accompagne Élodie. Au final, on se laisse volontiers emmener dans cette ruelle pleine de couleurs automnales et de sensibilité, et en refermant le livre, on se dit même qu’il s’en est passé bien des choses en deux minutes! Depuis La ruelle, une suite est parue chez le même éditeur:  La ruelle d’hiver. (AD)

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«Mon amie la Lune» (@Editions de l’Isatis) et «La ruelle» (@D'eux)

6. La fin des poux?, d’Orbie, Les 400 coups, 2021
Album, dès 5 ans

Chez les Arsenault, comme pour tant d’autres familles, rien n’était prévisible. Qui aurait pu anticiper le grand confinement? Personne, et surtout pas les poux, confinés sur la tête d’Annette. Au début, tout semble bien se passer:  les poux s’organisent et profitent du temps libre. Et puis… l’espace vient à manquer! La population est de plus en plus importante et il devient impossible d’aller aux toilettes paisiblement. La tête de la voisine devient source de tous les espoirs mais comment rejoindre une autre tête lorsque les distances entre les humains doivent être respectées? Les poux sont prêts à tout pour trouver une nouvelle habitation, même au sacrifice de bon nombre d’entre eux s’il le faut!

Cet album est absolument hilarant! Narré comme un reportage, il nous présente l’extraordinaire quotidien de cette gigantesque famille de poux en plein Covid. Qui a en effet pensé à ces malheureux poux durant cette période si difficile? Hé oui, eux aussi n’ont pas eu la vie facile! C’est ainsi l’occasion pour le lecteur de redécouvrir le confinement avec un nouveau regard, d’assister aux tentatives ratées des poux et de rire aux éclats à chaque page. Car les gags pleuvent sans s’arrêter et ne cessent de surprendre le lecteur! Chaque illustration réserve ainsi son lot de surprise:  les répliques des poux, la fin découpée en multiples épisodes, les mimiques des personnages… Tout est calculé pour provoquer le rire et la lecture de cet album laisse un joyeux souvenir du confinement! (DM)

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Couverture et image intérieure de «La fin des poux?» (@Les 400 coups)

7. La bande du Mile-End. L'oiseau de Colette, d’Isabelle Arsenault, La Pastèque, 2017
Bande dessinée, dès 5 ans

Colette emménage dans le quartier Mile-End à Montréal. La fillette s'ennuie, fulmine contre sa solitude. Lorsqu'elle rencontre deux jeunes voisins, elle leur explique qu'elle cherche son animal de compagnie disparu. Elle invente une perruche bleue et jaune, prénommée Elizabeth, qui parle en anglais… Au fur et à mesure des enfants croisés, les caractéristiques de l'oiseau s'affinent. Jusqu'à ce que Colette, emportée par son imagination, commence à parler de volatile géant sur lequel elle a volé dans une jungle foisonnante! Consciente de sa bourde, la petite fille s'arrête. Mais contre toute attente, ses nouveaux amis l'écoutent bouche bée, captivés. Rendez-vous est pris pour le lendemain.

Que ne ferait-on pas pour être apprécié? Colette possède une créativité débordante qui peut la servir autant que la desservir. Isabelle Arsenault met en place pour sa petite héroïne une sorte de randonnée (avec ritournelle) où la perruche s'orne d'un attribut supplémentaire à chaque nouvelle rencontre. Au début, tout se passe bien et Colette suit le mouvement dans son petit ciré jaune. Mais pourra-t-elle compter dans le temps sur l'amitié des enfants malgré ses premiers mensonges? En jaune et nuances de gris, dessiné avec la finesse douce et les effets fumés si particuliers de l'illustratrice, l'album est le premier d'une série qui suivra l'un après l'autre les nouveaux héros du Mile-End. Et s'ils ne sont sans doute pas dupes, le lecteur comprend à leurs grands yeux ébaubis qu'ils ont déjà adopté Colette et ses aventures fantastiques… (SP)

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«La bande du Mile-End. L'oiseau de Colette» (@La Pastèque)

8. La belle histoire d'une vieille chose, de Louis Emond et Steve Adams, Les éditions de la Bagnole, 2018
Album, dès 6 ans

Une vieille voiture rouillée, sans roues, avec un phare en moins, abandonnée au milieu d’un champ… Un spectacle qui peut paraître désolant, mais si on y prête davantage attention, on se rendra compte que le véhicule a une belle histoire à nous raconter. Une histoire qui pourrait bien se prolonger grâce à l’imagination des enfants qui jouent maintenant avec et autour d’elle.

À travers son récit touchant et nostalgique, Louis Emond présente la «vie», la trajectoire d’une voiture, mais aussi celle de ses propriétaires sur trois générations. Les illustrations de Steve Adams ont d’ailleurs une manière sympathique d’exposer le temps qui passe, mettant à profit le grand format de l’album et utilisant la composition des pages pour créer la sensation de transition des saisons ou mettre en parallèle l’état actuel et passé de la voiture, qui ne font finalement plus qu’un. Le lecteur est même parfois placé dans le rôle du conducteur, ce qui le plonge directement au cœur de l’histoire (et peut être amusant pour les petits lecteurs n’ayant encore jamais conduit!).

L’auto, qui se présente comme un véritable membre de cette famille qu’elle a intégrée, participant aux voyages, voyant les enfants grandir, est ainsi facilement assimilable à une autre composante de l’entourage:  les personnes âgées. Comme le souligne Louis Emond en préambule, elles aussi ont un vécu. Elles aussi peuvent se sentir dépassées face au temps qui file alors qu’hier encore elles étaient jeunes et se sentent encore ainsi. Elles aussi peuvent être délaissées par ceux qui autrefois les accompagnaient partout. Cela fera peut-être réagir les plus petits lecteurs, qui ne se rendent pas toujours compte que leurs grands-parents, par exemple, n’ont pas toujours été vieux. Cet album offre donc une jolie réflexion sur le temps qui passe et, dans une moindre mesure, la famille. (AG)

9. Le tricot, de Jacques Goldstyn, La Pastèque, 2021
Album, dès 6 ans

Depuis toute petite, la grand-mère de Madeleine tricote. Elle a appris auprès de sa mère et des dames du village. Au début, ce n'était pas facile. Puis, à force d'entraînement, les mailles se sont succédées plus facilement. Et aujourd'hui, Madeleine reçoit le premier foulard réalisé par sa grand-mère. La petite-fille est ravie de posséder ce précieux cadeau. Mais, par accident, le foulard se détricote! Heureusement, la petite fille va pouvoir apprendre à son tour l'art habile du tricot et réaliser de nouveau ce premier vêtement.

Cette histoire prône l'importance de la transmission. En effet, la relation entre la grand-mère et la petite-fille est parfaitement bien représentée et le lecteur ne peut que ressentir l'importance des confidences et de ces instants d'échanges si précieux. Le dénouement, qui symbolise le renouveau, ferme parfaitement la boucle de ce récit et livre un beau message au lecteur en lui donnant envie de passer davantage de temps auprès des anciens. Aussi, les pages qui narrent le détricotage et le rassemblement de la pelote sont très savoureuses:  on ne peut qu'être pris par le suspense et sentir l'émotion grandir au fil des pages qui se succèdent sans mot et se rembobinent toujours silencieusement mais avec un tel empressement de connaître la suite! Voilà un très bel album dont le format épais à l'italienne ajoute à l'originalité et qui se doit d'être lu, en conviant, pourquoi pas, plusieurs générations! (DM)

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«La belle histoire d'une vieille chose» (@Les éditions de la Bagnole) et «Le tricot» (@La Pastèque)

10. L'horoscope, de François Blais et Valérie Boivin, Les 400 coups, 2020
Album dès 7 ans

Retraité à la vie routinière sans surprise, un vieil homme passe ses journées auprès de son chien, Lucien, ainsi que des fleurs qu’il cultive avec amour. Rassuré dans ses habitudes, il se préserve de tout changement, évitant les mauvaises nouvelles des journaux. Jusqu’au jour où le hasard du vent lui apporte une page de journal dédiée à l’horoscope. La prédiction d’un événement inattendu chamboulant sa routine plonge le vieil homme dans l’effroi. Nerveux, il opte pour la prudence:  se coucher dans son lit en début d’après-midi. Alarmée par l’absence du vieil homme dans son jardin, sa voisine se permettra d’entrer dans la maison afin de vérifier qu’il ne lui soit rien arrivé, provoquant une crise d’apoplexie chez le pauvre malheureux, tant il est surpris.

Lorsque le retraité sortira de l’hôpital, il reprendra sa vie tranquille, désormais convaincu de la véracité des horoscopes… sans se douter que le journal en question datait de l’an passé.

Drôle, touchant, L’horoscope détonne par l’originalité de son histoire. En explorant avec humour le thème des prédictions astrales, sujet à priori rarement abordé dans la littérature jeunesse, l’auteur introduit une idée essentielle:  que nos convictions peuvent influencer nos expériences sans que l’on ne s’en rende compte. Un message à la graine philosophique, apporté avec esthétisme par les illustrations, magnifiquement réalisées au crayon de couleur.

Décidément, la maison d’édition québécoise Les 400 coups recèle des pépites! (NT)

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Couverture et image intérieure de «L'horoscope» (@Les 400 coups)

11. Le grand méchant loup dans ma maison, de Valérie Fontaine et Nathalie Dion, Les 400 coups, 2020
Album, dès 7 ans

Sans avoir besoin de souffler, le grand méchant loup est entré dans la maison. Il paraissait gentil avec la maman mais son regard était froid et ses canines coupantes. Et puis, lorsque la maman est arrivée en retard, le loup s’est mis à hurler, à postillonner, à insulter. Ensuite, le loup ne rangeait plus rien, hurlait bien souvent et laissait des marques sur le bras de l’enfant. Un jour, la mère a fait sa valise, pris l’enfant, et toutes deux se sont retrouvées dans une nouvelle maison, sans loup pour les terroriser.

La métaphore est aisément compréhensible pour les jeunes lecteurs:  on voit bien que la mère et l’enfant sont humaines et on comprend vite que ce loup est l’homme caché sous les poils de l’animal. Le texte montre avec une grande subtilité comment le danger peut survenir sans que les signes soient visibles au départ et le dénouement permet de redonner une touche d’espoir en offrant une solution rassurante. Les traits du dessin permettent en outre d’être centré·e sur les pensées de la petite fille, qui garde un visage impassible malgré le chamboulement de ses tourments intérieurs. Voici un album qui aborde une thématique rarement présente dans les livres pour enfants et pourtant totalement nécessaire. (DM)

12. Louis parmi les spectres, de Fanny Britt et Isabelle Arsenault, La Pastèque, 2016
Bande dessinée, dès 12 ans

Après Jane, le renard et moi, le duo québecois Fanny Britt et Isabelle Arsenault réalise le pendant garçon d'une adolescence intensément âpre. Le narrateur Louis raconte un bout d'année, des grandes vacances ratées qui ont pourtant changé son approche de la vie. Le père de Louis et du petit Truffe, alcoolique, a été quitté par leur douce et rassurante mère. Depuis, les enfants naviguent entre un père qui pleure à la campagne et une mère inquiète en ville.

Truffe joue innocemment et Louis en pince pour l'inaccessible Billie, «une sirène à lunettes, une tempête de pluie, une fontaine à chocolat, une reine muette». A la faveur paradoxale d'un accident de Truffe (il est piqué par une abeille), la mère revient. Des vacances à New-York auraient pu réunir la famille, elles vont définitivement la détruire… A la rentrée, Louis prend son courage à deux mains et ose bafouiller trois phrases à Billie.

Rajoutez un raton-laveur blessé sur le bord d'une route, un pommier en fleurs, des chansons tristes braillées par Truffe, et vous aurez une idée de ce quotidien à la fois banal et déterminant. Les quelques mois sont découpés en sortes de chapitres, comme autant d'histoires closes ou de leçons de vie tirées par Louis. Sans jamais le renier, le garçon décide de ne pas suivre les pas de son père, un éternel velléitaire.

Le texte entre voix off de Louis et dialogues en bulles des personnages se fait précis, à la fois incisif et lumineux. Le lecteur est touché en plein cœur par cette poésie de la douleur, et les illustrations développent le même effet. Rarement dessins finis, elles jouent du flou de l'esquisse, des fumées de gris, jaune, vert… Plus que de bande dessinée, on parlera de roman graphique:  l'état d'esprit du héros se retrouve complètement dans l'image.

Un très bel ouvrage qui n'élude rien d'un sujet difficile, et au contraire le dépasse pour répondre à des questions existentielles. (SP)

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«Le grand méchant loup dans ma maison» (@Les 400 coups) et «Louis parmi les spectres» (@La Pastèque)

Les chroniqueuses:  Danielle Bertrand (DB), Ariane Duclert (AD), Amandine Gachnang (AM), Déborah Mirabel (DM), Sophie Pilaire (SP), Nicole Tharin (NT)


Image de vignette: «La ruelle» (@D'eux)