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Arnaud Tiercelin

Nathalie Wyss
18 mai 2016

Arnaud Tiercelin partage sa vie entre l’enseignement et l’écriture à Libourne. Auteur de plusieurs romans pour la jeunesse, notamment aux éditions du Rouergue et à L’Ecole des loisirs, il publie deux nouveautés en ce début d’année, Endors-toi Barbara (Naïve) et Pripiat paradise (Muscadier). Entretien.

Nathalie Wyss : Vous commencez l’année avec deux livres à la thématique forte, Endors-toi Barbara, où l’on suit le parcours d’une jeune migrante et de sa mère, ainsi que Pripiat Paradise, qui parle de Tchernobyl. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ces deux textes ?
Arnaud Tiercelin : Concernant Pripiat, il y avait longtemps que je voulais écrire sur cette terre interdite, toxique, morte. Mais je n’arrivais pas à écrire une histoire qui tienne la route. Depuis trois ans, je tournais en rond. Je ne trouvais pas les mots. Lorsque Christophe Léon m’a proposé de lui soumettre un texte pour Le Muscadier, cela a déclenché l’histoire de Thomas et sa rencontre en Ukraine avec Tanya. 
Concernant Barbara, c’est elle qui est venue à moi. J’ai écrit l’album en une semaine. Très rapidement. Tout était là. Elle me dictait son parcours, et mes doigts n’arrivaient pas à suivre sur le clavier. Dès que j’allumais l’ordinateur, je savais qu’elle était là. En résumé, je ne choisis pas vraiment les thèmes de mes livres. Cela peut paraître étrange voire invraisemblable mais ce sont les rencontres avec des personnages qui installent le décor. Ils dictent l’histoire. Je ne joue que les intermédiaires.

 

 

Endors-toi Barbara est votre premier album, comment avez-vous vécu cette expérience ? 
C’est Françoise Cruz, chez Naïve Livres, qui m’a proposé de travailler avec Bertrand Dubois. Elle trouvait que nos univers se ressemblaient. Et je dois dire que je suis vraiment content du résultat. Pour la première fois, mes mots prenaient réellement forme. Les premiers retours de lecteurs que je reçois sont très positifs. Bertrand a mis en valeur mon récit d’une façon extraordinaire. Et je ne le remercierai jamais assez pour cela.
 
 
Dans vos textes, la sensibilité et l'humour sont à l'honneur, tout comme l'amour, est-ce important pour vous ?
Ce sont trois éléments fondateurs de ma personnalité. Enfin, je crois.

 

Qu'est ce qui est le plus difficile dans la vie d'un auteur jeunesse ?
Le plus difficile pour un auteur jeunesse, c’est de se mettre au niveau des lecteurs. Il faut à chaque fois trouver la voix, la bonne hauteur de voix. Il faut questionner sans cesse l’enfant que l’on a été. Convoquer ses premières émotions. Les retranscrire avec exactitude. Se souvenir de soi. C’est une introspection permanente. Ecrire à ras. À la surface. Sans jamais tomber à l’eau.

 

Quand écrivez-vous ?
J’écris lorsque je suis disponible. Dans tous les sens du terme. Cela peut être pendant le week-end, pendant les vacances scolaires ou bien le soir, lorsque mes enfants sont couchés. Mais après une journée d’école, il faut préparer la suivante et corriger ce que mes élèves ont produit en classe. Donc, je n’ai pas toujours la force de me plonger dans mes textes. Alors, il arrive que je n’écrive rien pendant plusieurs semaines. Et puis, tout peut changer. Je peux écrire un roman en quinze jours. Ou bien un album. Car c’est vers cela que je m’oriente de plus en plus, soyons honnêtes : les formats courts. Parce que je manque cruellement de temps.
 
L'inspiration vous manque-t-elle parfois ?
J’ai cette petite chance qu’elle soit au rendez-vous à chaque fois que je m’y mets. En même temps, je ne m’oblige à rien. Je peux très bien ne rien produire pendant des semaines, des mois. Dans ces moments-là, je suis à l’écoute. Je me promène. Je lis. J’écoute de la musique. J’attends que les personnages me parlent. J’ai parfois peur que tout s’arrête. Qu’ils ne reviennent pas. Mais s’ils viennent, alors je ne les lâche plus. Je les questionne. Et le fil se déroule.

 

Quel est le livre dont vous êtes le plus fier ?
C’est une question à laquelle il est impossible de répondre. Alors, je dirais le premier : En secret, à L’Ecole des loisirs. Parce que c’était une des premières fois où j’allais jusqu’au bout d’une intention, d’une histoire. Parce que je me sentais libre dans l’écriture – je n’avais jamais rien lu en littérature jeunesse – et que le roman a été accepté très rapidement par Geneviève Brisac.

 

Vos enfants vous inspirent-ils ?

Bien entendu ! Mais je m’arrange toujours pour diluer au maximum mon vécu dans mes romans. Car je ne souhaite pas exposer ma famille. Les préserver, à tout prix. Les laisser en dehors de mon travail d’auteur.

 

Sur combien de livres, êtes-vous, en ce moment ?
Sur trois romans pour adolescents et deux albums jeunesse. Certains sont en lecture chez des éditeurs, d’autres encore en écriture. Je n’écris jamais un seul livre à la fois. Je préfère laisser des temps de repos. Ecrire l’histoire rapidement. Puis, prendre le temps pour le long travail de relecture et de réécriture. Et ça, ça peut prendre quasiment un an.
 
Dans vos romans, les émotions et ressentis des adolescents sont dépeints avec une grande justesse, si bien qu'on a très envie de savoir quel ado vous étiez...?
Quand j'écris, j'ai huit, ou dix ou quinze ans. Je me mets dans la peau de celui que j'étais. Je lui demande de me raconter ce qu'il penserait de tel ou tel événement. Je cherche le bon niveau de langue. Cela peut prendre du temps. Cela ne se ressent peut-être pas dans mes livres, mais j'étais un ado assez révolté, indigné. Attention, la révolution était intérieure. Je n'étais pas engagé politiquement mais j'étais très à l'écoute du monde.
A quinze ans, je rêvais de devenir Rimbaud alors que mes amis rêvaient de devenir Zidane. Et je n'en suis pas forcément fier. Je souffrais beaucoup d'être différent. Enfin, de me croire différent. Toujours dans ma chambre à noircir des pages avec des poèmes, des nouvelles... En vérité, beaucoup d'adolescents se sentent seuls et incompris. Mais ça, à l'époque, je ne le savais pas…

 

Selon vous, quelle place a aujourd'hui la littérature jeunesse et quelle place devrait-elle avoir ?
Elle a longtemps été considérée comme une littérature enfantine peuplée d’ours rieurs et de fées vertes. Elle était vue comme une distraction gentillette. Mais la littérature de jeunesse, c’est une flamme qui brûle. C’est une littérature vivante, où toutes les émotions, tous les thèmes sont abordés. D’ailleurs, je me considère comme un auteur. Pas forcément comme un auteur jeunesse. Aujourd’hui, les mentalités ont changé. Le regard a changé. Grâce à de nombreux auteurs qui n’ont pas peur de traiter de thématiques très fortes comme les maladies, les guerres, les famines, le racket à l’école…
 
Qu'est-ce qui vous fait le plus peur ?
La disparition. Pas la mienne. Mais celle de mes proches. Et la perte en général.
C’est sûrement pour cette raison que j’écris. Laisser une petite trace. Celle de mon passage, ici. 
 
Si vous pouviez changer quelque chose en vous ?
J’aimerais croire davantage en ce que je fais. Etre plus sûr de moi. Plus confiant. Car je passe mon temps à beaucoup douter. Et à trouver les autres auteurs plus talentueux que moi.
 
Et dans le monde ? 
J’aimerais que les hommes s’unissent et dansent ensemble sous une fontaine géante mais je sais bien que c’est impossible… Alors, si je pouvais supprimer la bêtise humaine et la peur des autres, ce serait déjà pas mal.
 
Le rêve ce serait quoi ?
Le rêve, ce serait de passer mes journées à lire, à écrire, à marcher dans des forêts, à écouter les vagues. Ce serait de pouvoir vivre de mes livres. Avoir du temps pour écrire.
 
 
Vos projets ?
Alors, je vais publier Un été à histoires, un livre collectif le 18 mai 2016 aux éditions Bulles de savon et un petit roman Je ne serai plus gaucher chez le même éditeur le 26 octobre 2016. 
Pour 2017, je devrais publier deux nouveaux romans et deux albums. Je vous en parlerai plus longuement lorsque les choses seront plus avancées...

 

 

 

Auteurs et illustrateurs en lien avec l'interview

Illustration d'auteur

Arnaud Tiercelin

française